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6. Protection des particuliers qui reçoivent des communications électoralesRépondre aux nouveaux défis : Recommandations du directeur général des élections du Canada à la suite des 43e et 44e élections générales

Pour mieux connaître et atteindre leur public cible, les campagnes politiques ont de plus en plus recours à des données et à l'analyse de données. Bien que les sondages demeurent courants, l'ère numérique a apporté de nombreuses autres façons de recueillir, directement ou indirectement, de l'information sur l'identité et les préférences des électeurs. Or, de plus en plus de voix réclament une meilleure protection des renseignements personnels des électeurs.

De nombreux électeurs sont disposés à recevoir des communications électorales, mais souhaitent que leurs renseignements personnels soient recueillis et utilisés de manière appropriée, transparente et sûre. Même si certains partis politiques utilisent et recueillent désormais des renseignements à la manière d'entreprises, ils ne sont soumis à aucune règle contraignante sur la collecte et l'utilisation de renseignements personnels. Les inquiétudes des Canadiens relativement à l'utilisation, voire la mauvaise utilisation, de leurs renseignements personnels pourraient miner leur confiance envers les entités politiques (tels que les partis politiques) et, à la longue, leur confiance dans le processus électoral.

6.1. Entités politiques et protection des renseignements personnels

En élargissant leurs moyens de communication auprès des électeurs, les partis politiques recueillent davantage de données à leur sujet. De nombreuses personnes, y compris des parlementaires, réclament une meilleure protection des renseignements personnels des électeurs.

Étendre aux partis politiques les principes d'équité dans le traitement de l'information énoncés à l'annexe 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) donnerait suite à des recommandations et des déclarations antérieures du directeur général des élections ainsi qu'à des recommandations du Comité permanent sur l'accès à l'information, la protection des renseignements personnels et l'éthique (Chambre des communes), du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et de nombre d'universitaires et d'organisations de la société civile. Ces principes sont fondés sur des normes reconnues à l'échelle internationale en matière de collecte, d'utilisation et de protection des renseignements personnels dans les secteurs public et privé.

Élections Canada continue de croire que d'appliquer ces principes aux partis politiques est la meilleure stratégie à adopter.

En 2018, la Loi sur la modernisation des élections a imposé aux partis politiques enregistrés et admissibles l'obligation de publier sur leur site Web une politique sur la protection des renseignements personnels et de la fournir au directeur général des élections. La politique doit indiquer les types de renseignements que le parti recueille et la façon dont il les protège et les utilise, les circonstances dans lesquelles les renseignements peuvent être vendus, les façons de recueillir et d'utiliser des renseignements personnels issus d'activités en ligne ainsi que le nom et les coordonnées de la personne à qui toute question à ce sujet peut être posée.

Bien que ces nouvelles exigences permettent d'en savoir plus sur les politiques de traitement des renseignements personnels détenus par les partis, elles ont été largement critiquées du fait qu'elles ne répondent pas aux principes d'équité dans le traitement de l'information. En effet, si les partis politiques sont tenus de rendre leurs politiques publiques, rien ne les oblige à effectivement assurer la protection des renseignements personnels. En outre, aucun mécanisme de surveillance ne permet de vérifier si les partis respectent effectivement leurs politiques.

Élections Canada estime que les politiques des partis sur la protection des renseignements personnels devraient au moins répondre à certaines normes, comme le veulent les principes d'équité dans le traitement de l'information.

Certains électeurs pourraient ne pas apprécier certains types de communications électorales. Par exemple, les répondants à un sondage réalisé en 2021 par Élections Canada se sont dits plus favorables à être joints par courriel (42 %), appels de vive voix (41 %) et médias sociaux (39 %) que par messages texte (27 %) ou appels automatisés (17 %). Les communications non sollicitées peuvent avoir comme effet indésirable d'affaiblir la confiance dans les élections et de nuire à la relation entre les électeurs et ceux qui cherchent à les représenter.

Les partis politiques sont exemptés de certaines des Règles sur les télécommunications non sollicitées et de la Loi canadienne anti-pourriel (LCAP), qui sont appliquées par le CRTC. Selon les Règles sur les télécommunications non sollicitées, les télévendeurs doivent notamment se nommer lorsqu'ils font des appels non sollicités et les consommateurs peuvent réduire le nombre d'appels de ce genre en inscrivant leur numéro de téléphone sur la Liste nationale de numéros de télécommunication exclus. En application de la LCAP, toute personne doit avoir la possibilité de se désabonner ou de refuser de recevoir des messages électroniques commerciaux, comme des courriels promotionnels.

De l'avis de nombreux participants aux consultations de 2020, la possibilité d'accéder, de consulter et de corriger les renseignements personnels que détiennent les partis politiques constitue un droit fondamental. Selon ce principe, toute personne doit avoir la possibilité de demander l'accès à ses renseignements personnels ainsi que de les corriger s'ils sont inexacts ou incomplets. Les renseignements doivent être communiqués sur demande, sauf si les coûts sont prohibitifs ou si des raisons juridiques, de sécurité ou d'intérêt commercial l'empêchent. Plusieurs participants ont appuyé l'idée de donner aux partis la possibilité de refuser les demandes d'accès frivoles ou vexatoires.

Les partis politiques doivent recueillir des renseignements afin de mieux connaître l'électorat et de communiquer avec lui. La confiance en leur capacité de gérer ces renseignements a toutes les chances d'augmenter s'ils sont assujettis aux principes bien établis applicables à la plupart des autres entités privées et publiques. Idéalement, ce regain de confiance renforcerait aussi la confiance générale des Canadiens dans le processus électoral.

À cet égard, il convient de noter qu'en l'absence de législation fédérale dans ce domaine les provinces pourraient imposer des obligations aux partis fédéraux, comme en Colombie-Britannique, où la loi provinciale a récemment été jugée applicable aux partis fédéraux1.

Recommandation 6.1.1

  • Pour mieux protéger les renseignements personnels des électeurs et accroître leur confiance dans la gestion de ces renseignements par les partis politiques, appliquer les principes de protection des renseignements personnels généralement acceptés, qui sont énumérés à l'annexe 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, aux partis politiques enregistrés et admissibles, sous la surveillance du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.
  • Bien qu'une application complète de ces principes serait préférable, pour assurer une protection minimale des renseignements personnels des électeurs, exiger que les politiques sur la protection des renseignements personnels qu'adoptent les partis politiques enregistrés et admissibles contiennent, au minimum, les éléments de fond suivants :
    • un énoncé selon lequel les Canadiens sont autorisés à refuser de recevoir des communications, ou certains types de communications, des partis politiques;
    • un énoncé selon lequel les Canadiens sont autorisés à consulter les renseignements que les partis détiennent à leur sujet et à corriger les renseignements inexacts (sauf si les demandes sont frivoles ou vexatoires);
    • une explication des modalités de communication, de collecte, d'utilisation et de vente des renseignements personnels par les partis politiques.

6.2. Liste électorale préliminaire

En vertu de la Loi, les partis politiques et les candidats peuvent recevoir des listes électorales qui contiennent les nom et adresse des électeurs ainsi que l'identificateur unique qui leur est attribué au hasard par Élections Canada. Compilées à partir du Registre national des électeurs, ces listes constituent une part importante des renseignements que les partis recueillent, conservent et utilisent pour communiquer avec les électeurs2.

Les partis et les candidats reçoivent également des relevés des électeurs qui ont voté (parfois appelés « cartes de bingo ») qu'Élections Canada est tenu de fournir selon la Loi. Ces relevés contiennent des données anonymes qui, lorsqu'elles sont combinées avec des renseignements internes des partis, permettent aux partis et aux candidats de savoir exactement quels électeurs ont voté aux bureaux de vote par anticipation et aux bureaux de scrutin ordinaires (mais non pour quel candidat ils ont voté).

Chaque année, les députés reçoivent les listes de leur circonscription et les partis politiques enregistrés, les listes de chaque circonscription dans laquelle ils ont soutenu un candidat à l'élection générale précédente. Les partis politiques et les candidats ont également accès à diverses listes pendant et immédiatement après une période électorale. Ces listes sont distribuées aux candidats confirmés et, en général, aux partis enregistrés, mais uniquement pour les circonscriptions dans lesquelles ils soutiennent un candidat.

Les listes électorales préliminaires font exception en ce sens qu'elles peuvent être demandées par les partis politiques qui n'ont pas l'intention de soutenir un candidat. Ces listes sont disponibles peu après la délivrance des brefs et contiennent les nom, adresse et identificateur unique de chaque électeur d'une circonscription. Toutefois, si un parti n'a pas l'intention de communiquer avec les électeurs pour solliciter leur appui, on voit mal à quoi pourrait lui servir l'information contenue dans ces listes. Il est rare que des partis non représentés par un candidat demandent les listes électorales préliminaires, mais le fait que les renseignements personnels des électeurs puissent être légalement distribués sans bonne raison apparente représente un risque important pour la vie privée.

Recommandation 6.2.1

  • Autoriser Élections Canada à ne fournir aux partis que les listes électorales préliminaires des circonscriptions dans lesquelles ils ont déjà soutenu des candidats ou dans lesquelles ils ont un candidat préenregistré, conformément à la recommandation 3.1.1.

Notes de bas de page

1Conservative Party of Canada (Re), 2022 BCIPC 13 – https://canlii.ca/t/jmzsq.

2Les électeurs peuvent demander à être radiés du Registre national des électeurs. Toutefois, un électeur dont le nom ne figure pas au Registre et qui s'inscrit pour voter le jour de l'élection sera inscrit sur la liste électorale définitive. La liste électorale définitive doit être communiquée au candidat gagnant et à tous les partis politiques qui ont soutenu un candidat dans la circonscription.