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1. Au-delà de la publicitéRépondre aux nouveaux défis : Recommandations du directeur général des élections du Canada à la suite des 43e et 44e élections générales

Les communications électorales sont réglementées par la Loi de diverses façons.

Un ensemble distinct de règles s'applique aux communications considérées comme de la « publicité » au sens de la Loi. Cependant, les campagnes politiques communiquent également des messages qui favorisent ou contrecarrent un parti ou un candidat par d'autres moyens que la publicité, notamment par téléphone, message texte ou courriel. Comme ces messages ne constituent pas de la publicité au sens de la Loi, ils sont assujettis à moins d'exigences.

Des difficultés à appliquer la définition législative de publicité ont été mises au jour et exacerbées par l'essor des technologies de communications électroniques. S'appuyant sur l'objet, l'historique et les prescriptions des dispositions pertinentes de la Loi relatives à la publicité, Elections Canada les a interprétées comme ne visant que la publicité en ligne comportant des frais de placement (ci-après appelée publicité « payante ») 1 . Cela exclut, par exemple, le contenu diffusé gratuitement (souvent appelé « contenu organique »), tel que les courriels et les publications dans les médias sociaux, même si ce contenu est expressément créé par ou pour une entité politique enregistrée.

De plus, les messages communiqués à certaines personnes – par opposition au grand public – par téléphone, par messagerie texte ou en ligne ne sont pas considérés actuellement comme de la publicité au sens de la Loi. Chaque élection, Élections Canada et le commissaire aux élections fédérales reçoivent des plaintes à propos de communications non sollicitées reçues de diverses façons. Abolir la distinction entre la publicité et les autres formes de communication pourrait contribuer à faire respecter les objectifs d'équité et de transparence.

Comme nous le verrons dans ce rapport, des règles applicables à l'ensemble des communications électorales, pas seulement à la publicité, devraient être établies de façon à promouvoir la transparence, l'équité du processus électoral et un débat public sain. De telles règles devraient s'appliquer en période électorale, mais aussi en période préélectorale lorsqu'une élection à date fixe est prévue.

1.1. Transparence des communications

La transparence est l'un des principaux fondements de la Loi. C'est pourquoi toute communication électorale qui correspond à la définition de publicité doit comprendre un énoncé indiquant qui a autorisé sa diffusion. Jusqu'à présent, cette exigence a contraint les campagnes à assumer la responsabilité de leurs dépenses publicitaires; toutefois elle a également renforcé la transparence des campagnes en permettant au destinataire d'une communication d'en connaître la source.

Selon la Loi, les publicités des partis et des candidats doivent comprendre un énoncé indiquant qu'elles sont autorisées par l'agent responsable, tandis que les publicités des tiers doivent également comprendre le nom, le numéro de téléphone et l'adresse municipale ou Web du tiers, « d'une façon qui soit clairement visible ou autrement accessible ».

Lorsqu'une communication ne correspond pas à la définition de publicité, l'auteur de la communication n'est généralement pas tenu par la Loi de s'identifier. Par exemple, des messages textes favorisant un parti peuvent être envoyés anonymement. De même, des vidéos contrecarrant un parti qui ont exigé des dépenses de production peuvent être diffusées sur YouTube, sans mention de qui les a mises en ligne. Le fait que les communications électorales considérées comme de la publicité sont traitées différemment de celles qui n'en sont pas au sens de la Loi nuit à l'objectif de transparence.

Si la transparence n'est pas requise, les électeurs n'ont aucun moyen de savoir qui communique avec eux. Sans la possibilité de faire un choix éclairé au moment de voter, ils ne peuvent pas participer pleinement au processus électoral. De plus, un manque de transparence fait qu'il est difficile pour les électeurs de déterminer la fiabilité du contenu d'un message.

Bien que les obligations de déclaration financière assurent une certaine transparence des dépenses en communications non publicitaires, ces obligations varient en fonction de l'entité politique et, généralement, la déclaration des dépenses survient seulement après coup.

L'obtention de la transparence ne passe pas nécessairement par un élargissement des dispositions actuelles de la Loi. En fait, il est possible d'alléger la réglementation en cessant d'exiger un énoncé d'autorisation lorsque le message indique clairement qui en est le communicateur et comment obtenir plus de renseignements. À cet égard, la Loi devrait se centrer sur le fond de l'objectif de transparence plutôt que sur la forme de l'énoncé d'autorisation.

L'objectif de transparence est généralement atteint lorsqu'une entité politique enregistrée révèle son identité dans une communication électorale. De fait, un énoncé d'autorisation officiel ne contribue guère à la transparence lorsqu'un tiers envoie une communication électorale interne à ses membres, à ses employés ou à ses actionnaires. En outre, il semble absurde d'exiger qu'une personne mette un énoncé d'autorisation sur la pancarte artisanale qu'elle brandira pendant une manifestation : l'identité du communicateur est normalement évidente, et la plupart du temps, tout participant peut s'adresser au manifestant en question pour obtenir plus de renseignements. Dans ces circonstances, l'exigence relative à l'énoncé d'autorisation ne devrait pas être requise, et il n'est pas surprenant qu'elle n'ait que rarement été appliquée.

Comme nous l'avons mentionné, l'une des lacunes du régime existant est que l'obligation de transparence ne s'applique pas aux communications qui échappent à la définition de publicité. Dans le contexte des communications en ligne, la distinction entre les activités payantes et non payantes se fonde sur la notion de frais de placement : seules les communications qui comportent des frais de placement sont considérées comme de la publicité et sont donc visées par le régime. Dans le contexte des autres communications, les entités politiques peuvent échapper à la réglementation si, par exemple, elles font appel à des bénévoles plutôt qu'à des employés pour mener des activités de campagne. Ces distinctions semblent arbitraires et, surtout, elles empêchent les électeurs de savoir en toutes circonstances si des entités politiques enregistrées diffusent des messages pour influencer leur vote en période électorale.

Selon Élections Canada, il importe que toutes les communications des entités politiques tenues de s'enregistrer soient transparentes au cours d'une élection. La source de toutes les communications électorales – qu'il s'agisse de publicités ou non – diffusées par des entités politiques enregistrées ou à leur demande devrait être clairement indiquée afin que les électeurs puissent les évaluer correctement. Les entités politiques enregistrées devraient être soumises à une norme élevée à cet égard.

Les entités politiques enregistrées pour une élection comprennent les partis enregistrés, les candidats confirmés et les tiers (particuliers ou groupes) qui dépassent le seuil de dépenses actuellement fixé à 500 $ 2 . Élections Canada estime que la source de toutes les communications électorales, payantes ou non, de ces entités devrait être indiquée, dans la mesure où elles sont diffusées en période préélectorale ou électorale et servent à favoriser ou à contrecarrer un parti ou un candidat qui se présente à l'élection.

Pour les autres participants, c'est-à-dire les particuliers et les groupes qui dépensent moins de 500 $ en communications électorales, il serait plus approprié de les obliger à s'identifier uniquement dans leurs communications payantes, ce qui permettrait aux citoyens et aux groupes de participer librement au débat politique essentiel au processus démocratique. Autrement dit, les participants non enregistrés ne tomberaient sous le coup de la Loi que s'ils engagent des frais de placement pour des activités en ligne ou des dépenses pour toute autre communication électorale. Les activités pour lesquelles ils n'ont engagé aucune dépense devraient être exclues du régime.

Recommandation 1.1.1

  • Pour mieux atteindre l'objectif de transparence, tout en allégeant les règles applicables aux entités réglementées, modifier la Loi comme suit :
    • Remplacer les exigences relatives à l'énoncé d'autorisation par l'obligation d'indiquer qui est la source d'une communication et la façon dont les électeurs peuvent obtenir plus de renseignements, et ce, pour toute communication électorale (pas seulement la publicité). Cette nouvelle obligation devrait insister sur le fond, plutôt que sur la forme, de l'obligation de transparence et tenir compte de considérations liées au contrôle d'application. L'identité du communicateur devrait être clairement indiquée ou facilement accessible.
    • Durant les périodes préélectorale et électorale, appliquer la nouvelle obligation de transparence harmonisée à toutes les communications électorales (payantes ou non) des entités politiques enregistrées ou tenues de s'enregistrer.
    • Durant les périodes préélectorale et électorale, appliquer également la nouvelle obligation de transparence harmonisée aux communications électorales des particuliers et des entités qui ne sont pas tenus de s'enregistrer, mais dans les seuls cas où les communications électorales sont payées. Dans le contexte des communications en ligne, une « communication payante » continue de s'entendre de toute communication qui comporte des frais de placement.

1.2. Publicité du gouvernement

La publicité faite par le gouvernement à l'approche d'une élection peut soulever des questions sur l'équité et l'égalité des chances.

À l'heure actuelle, la publicité du gouvernement fédéral en période électorale, et en période préélectorale si l'élection a lieu à date fixe, est restreinte par la Directive sur la gestion des communications du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. La Directive, notamment les articles 6.44 et 6.45, prévoit que toutes les activités publicitaires et de recherche sur l'opinion publique doivent être suspendues le jour où le gouverneur en conseil prend une proclamation pour déclencher une élection générale. L'année d'une élection générale à date fixe, les activités publicitaires doivent être suspendues le 30 juin. En général, ces activités peuvent reprendre uniquement le jour où le gouvernement nouvellement élu est assermenté. Une exception peut être faite pour les publicités approuvées par l'administrateur général d'un ministère ou d'un organisme.

Cette directive vise en partie à ce que les communications du gouvernement demeurent non partisanes. Elle a également pour objectif que les fonds publics ne soient pas utilisés d'une manière partisane qui pourrait donner un avantage indu au parti au pouvoir durant une élection.

Les publicités et les communications du gouvernement n'ont pas toutes une incidence sur les élections. Aussi la Loi devrait-elle encadrer uniquement les messages qui pourraient être perçus comme donnant un avantage indu au parti au pouvoir. Il faut que le gouvernement conserve la possibilité de communiquer avec les Canadiens au cours des périodes préélectorale et électorale au sujet d'événements imprévus ou de situations d'urgence qui demandent des mesures immédiates. Il n'en reste pas moins que l'enchâssement dans la Loi des restrictions actuelles qui encadrent les activités de publicité et de recherche sur l'opinion publique menées par le gouvernement en période préélectorale ou électorale donnerait plus de poids à ces restrictions, soumettrait le gouvernement aux normes les plus élevées et renforcerait la confiance dans l'équité du processus électoral3.

Recommandation 1.2.1

  • Pour préserver l'objectif d'équité en nivelant les chances entre le parti au pouvoir et les autres partis, enchâsser dans la Loi les directives existantes qui limitent la publicité gouvernementale pendant les périodes préélectorale et électorale et qui encadrent les activités de recherche sur l'opinion publique effectuées en période électorale. Les communications avec le public demeureront permises lorsque la situation l'exige (p. ex. en situation d'urgence).

1.3. Périodes d'interdiction de publicité

La Loi interdit la diffusion de certaines publicités électorales le jour de l'élection (les pancartes et les dépliants font exception). Bien que cette interdiction ait été adoptée pour donner aux campagnes la possibilité de répondre à toute nouvelle publicité avant la fermeture des bureaux de scrutin, beaucoup de choses ont changé depuis.

Aujourd'hui, les communications sont beaucoup plus rapides. L'information est communiquée en temps réel, 24 heures sur 24, et parfois sans indication précise du moment où elle a été mise en circulation.

Les électeurs ayant accès à plus d'informations, ils sont généralement en mesure de faire des choix éclairés. De l'avis d'Élections Canada, la période d'interdiction de publicité a grandement perdu de son utilité à l'ère numérique.

Recommandation 1.3.1

  • Abroger les dispositions de la Loi relatives à l'interdiction de publicité pour refléter le fait qu'avec Internet et les médias sociaux, les communications de masse sont accessibles par un grand nombre d'acteurs et il est possible de répondre rapidement à la désinformation.

Notes de bas de page

1 Les « frais de placement » sont soit des coûts de placement directs (p. ex. les tarifs publicitaires), soit des coûts engagés pour accroître la visibilité de contenu qui aurait autrement été diffusé gratuitement. Voir la note d'interprétation 2020-05.

2 Voir la recommandation 2.2.1, qui propose de relever le seuil d'enregistrement à 1 000 $.

3 Cette approche est conforme aux normes internationales; voir Election Observation and Democratic Support (EODS), Recueil des normes internationales pour les élections, 4e éd., 2016, p. 269. En ligne : www.eods.eu/library/Compendium-FR-N-web.pdf.