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8. Services aux entités politiquesRépondre aux nouveaux défis : Recommandations du directeur général des élections du Canada à la suite des 43e et 44e élections générales

Si le volet le plus visible du mandat d'Élections Canada consiste à tenir les scrutins et à servir les électeurs, un autre volet moins visible, mais non moins essentiel, consiste à servir les entités politiques. Les services offerts sont multiples. Élections Canada veille à ce que les entités politiques respectent la Loi, par exemple en vérifiant leurs rapports financiers. Il joue aussi un rôle de facilitateur, par exemple en offrant de la formation aux entités politiques et en traitant les actes de candidature. Ces services visent à améliorer la communication et à renforcer la confiance entre les entités politiques et les électeurs.

8.1 Simplification du processus de candidature

Bon nombre d'exigences du processus de candidature sont indéniablement complexes et parfois difficiles à respecter. Les recommandations présentées ci-dessous visent à simplifier la tâche des personnes qui désirent se porter candidat, tout en préservant l'intégrité du processus de candidature.

Obligation de fournir une copie signée d'une pièce d'identité

La Loi exige qu'une personne qui désire se porter candidat présente une pièce d'identité acceptée lorsqu'elle dépose son acte de candidature en personne. Lorsque l'acte de candidature est déposé par une autre personne, celle-ci doit présenter une copie d'une pièce d'identité de la personne qui désire se porter candidat, et cette copie doit être signée par celle-ci.

Toutefois, cette exigence est généralement mal interprétée : au lieu de soumettre une copie, signée par le candidat, d'une preuve d'identité acceptée, les délégués soumettent souvent une copie d'une pièce d'identité portant la signature du candidat, telle que son permis de conduire. Ainsi, la copie elle-même n'est pas signée par le candidat. Ce type d'erreur retarde le processus de candidature.

Cette exigence a vraisemblablement été adoptée pour garantir que la copie de la pièce d'identité est exacte. En plus de ne guère contribuer à l'intégrité du processus de candidature, elle peut entraîner le rejet d'une candidature et nuire à l'efficacité du processus de vérification des candidatures. Une telle signature ne devrait plus être exigée.

Signatures devant être recueillies devant témoin

La Loi exige que toute personne qui désire se porter candidat recueille la signature de 100 électeurs1 habilités à voter dans la circonscription dans laquelle elle a l'intention de se présenter. Chaque signature doit être apposée devant témoin, et le témoin doit prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que les signataires sont tous des électeurs de la circonscription. Les « mesures nécessaires » ne sont pas définies par la Loi, et Élections Canada n'a aucun moyen de vérifier si le témoin a effectivement suivi cette règle.

Puisque le directeur du scrutin vérifie l'adresse des électeurs qui signent un acte de candidature, l'utilité d'un témoin n'est pas apparente. L'exigence d'un témoin entrave également le développement d'outils de collecte de signatures numériques et en ligne. Lors de l'élection générale de 2021, la pandémie a démontré l'attrait qu'exerce la possibilité de recueillir des signatures à distance. Cet attrait risque peu de faiblir à mesure que les Canadiens s'habitueront aux transactions électroniques. L'exigence d'un témoin est donc dépassée et devrait être supprimée.

Correction d'une incohérence

En 2018, la Loi sur la modernisation des élections a supprimé dans la Loi l'obligation de soumettre les originaux sur papier d'un acte de candidature soumis électroniquement. Cependant, les modifications corrélatives nécessaires n'ont pas été apportées à la Loi. Le paragraphe en cause indique actuellement que le directeur du scrutin annulera la candidature s'il ne reçoit pas les originaux à temps. Il s'agit d'une incohérence évidente qui, si elle était appliquée, nuirait à l'efficacité du système de dépôt électronique.

Recommandation 8.1.1

  • Pour faciliter le processus de candidature, modifier la Loi comme suit :
    • Supprimer l'exigence d'une signature sur la copie de la preuve d'identité d'une personne qui désire se porter candidat, lorsque son acte de candidature est déposé par une autre personne.
    • Supprimer l'exigence d'un témoin pour les signatures recueillies dans le cadre du processus de candidature.
    • Abroger la disposition selon laquelle le directeur du scrutin doit recevoir les originaux avant d'accepter un acte de candidature soumis électroniquement.

8.2 Modification du régime des activités de financement réglementées

Le régime des activités de financement réglementées est entré en vigueur en décembre 2018. Il oblige les partis représentés à la Chambre des communes à publier en ligne la date et le lieu des activités de financement réglementées auxquelles assistera le chef du parti, un candidat à la direction ou un ministre fédéral, et ce, cinq jours avant l'activité. Par la suite, les partis sont tenus de produire un rapport sur l'activité comprenant une liste des personnes qui y ont assisté. Le régime vise à assurer la transparence et à prévenir toute influence indue en ce qui concerne l'accès à des personnes influentes, telles que des ministres.

Deux problèmes importants ont été relevés et devraient être corrigés par voie législative.

Conséquences proportionnées à l'infraction

Conformément à la Loi, lorsqu'un avis ou un rapport concernant une activité de financement réglementée n'est pas publié ou déposé correctement et à temps, toutes les contributions reçues en lien avec l'activité doivent être remises. Cette conséquence s'ajoute à toute autre mesure de conformité ou d'exécution pouvant s'appliquer lors d'une infraction à la Loi. Actuellement, l'amende maximale pour les infractions de responsabilité stricte liées à une activité de financement réglementée est de 1 000 $. Un manquement au régime des activités de financement réglementées est également passible de sanctions administratives pécuniaires (SAP).

Avant l'adoption du régime des activités de financement réglementées, la Loi n'exigeait la remise des contributions qu'en cas de manquement grave à la Loi, comme en cas de contributions excédentaires ou versées par des donateurs inadmissibles. Maintenant, c'est aussi ce qu'elle exige en cas de manquement administratif mineur au régime des activités de financement réglementées, par exemple si un avis d'activité est publié légèrement en retard. Cette conséquence semble disproportionnée par rapport au reste du régime de financement politique.

Des SAP seraient une conséquence plus appropriée pour les manquements de nature administrative au régime des activités de financement réglementées. Ces sanctions peuvent être adaptées à la nature et aux circonstances du manquement.

Exclusion des candidats à la direction du régime des activités de financement réglementées après la course à la direction

Par ailleurs, le régime des activités de financement réglementées semble trop strict, en ce que la présence d'un candidat à la direction à une activité de financement peut entraîner des obligations légales, même une fois la course à la direction terminée. En effet, une personne est considérée par la Loi comme étant un candidat à la direction jusqu'à ce qu'elle ait rempli toutes ses obligations financières et présenté tous les rapports exigés à la suite de sa campagne à la direction. Parfois, des personnes restent candidats à la direction au regard de la Loi pendant des mois, voire des années, après la course à la direction.

Si un candidat à la direction peut avoir une influence considérable avant la conclusion d'une course à la direction, un candidat défait aura quant à lui beaucoup moins d'influence, même s'il demeure un candidat à la direction au sens de la Loi. Il arrive même que des candidats défaits se désaffilient de leur parti. Dans de tels cas, le régime des activités de financement réglementées constitue un lourd fardeau réglementaire susceptible de nuire aux efforts de financement, mais n'accroît pas considérablement la confiance des Canadiens envers les élus et les institutions démocratiques.

Recommandation 8.2.1

  • Pour améliorer le régime des activités de financement réglementées, modifier la Loi comme suit :
    • Abroger l'obligation de remettre les contributions à la suite d'un manquement au régime des activités de financement réglementées, ce qui laisse la possibilité d'imposer des SAP.
    • Exclure les activités auxquelles assistent des candidats à la direction lorsqu'aucune course à la direction n'est en cours.

8.3 Clarification des règles sur les contributions des candidats

La Loi autorise un candidat, de même qu'un candidat à l'investiture et à la direction, à verser des contributions « provenant de ses propres fonds » à sa campagne. L'emploi du mot « fonds » dans le libellé de la disposition laisse entendre que seules les contributions monétaires sont permises.

Toutefois, une « contribution », terme défini dans la Loi, peut être de nature monétaire ou non monétaire. Par conséquent, il n'est pas clair si les contributions non monétaires font partie des contributions provenant des « fonds d'un particulier » affectés à sa propre campagne. Cette ambiguïté peut embrouiller les candidats et conduire à des erreurs. L'ambiguïté du libellé de la disposition complique aussi son contrôle d'application.

Comme il n'y a aucun avantage apparent, sur le plan de la transparence ou de l'intégrité, à traiter différemment les contributions monétaires et non monétaires dans ces circonstances, la Loi devrait préciser que les deux types de contributions des candidats (ainsi que des candidats à l'investiture et à la direction) à leur propre campagne sont visées par le plafond prévu par la Loi. Cette précision éliminerait également le risque d'inégalité des chances.

Le fait de supprimer ou de clarifier les expressions « fonds d'un particulier » et « provenant de ses propres fonds » n'autoriserait pas pour autant que des contributions monétaires ou non monétaires provenant d'autrui soient faites par l'intermédiaire du candidat à sa propre campagne, de telles contributions étant interdites ailleurs dans la Loi.

Recommandation 8.3.1

  • Pour clarifier les règles sur les contributions des candidats, supprimer les mots « provenant de ses propres fonds » et « fonds d'un particulier », selon le cas, dans les dispositions pertinentes. Ainsi, il sera clair que toutes les contributions, monétaires ou non, sont visées par le plafond des contributions que les candidats aux élections, à l'investiture et à la direction peuvent apporter à leur propre campagne.

8.4 Cryptomonnaies et autres moyens de contributions

En réponse aux demandes des entités politiques fédérales qui voulaient savoir comment utiliser les cryptomonnaies dans le système de financement politique fédéral, Élections Canada a publié en 2019 une note d'interprétation à ce sujet. Cette note conclut qu'une contribution en cryptomonnaies est une contribution non monétaire aux fins de la Loi, en grande partie parce que les cryptomonnaies ne peuvent pas être déposées directement dans le compte bancaire d'une entité politique. On y mentionne que cette approche est conforme à celle d'autres organismes fédéraux.

La note contient également des bonnes pratiques sur l'utilisation de cryptomonnaies par les entités politiques. Cette information est nécessaire, car bien qu'il soit possible de payer certains biens et services en cryptomonnaies, celles-ci ne s'utilisent pas d'une manière qui permette de facilement satisfaire aux diverses exigences de déclaration de la Loi.

Bien que les contributions en cryptomonnaies soient des contributions « non monétaires » aux fins de la Loi, en réalité les cryptomonnaies s'utilisent de plus en plus comme de l'argent. Une contribution en cryptomonnaies s'apparente tantôt à une contribution monétaire, tantôt à une contribution non monétaire. Par exemple, contrairement à une somme d'argent, les cryptomonnaies ne peuvent pas être déposées directement dans un compte bancaire. Cependant, contrairement aux contributions en biens ou en services, les cryptomonnaies ne sont pas intrinsèquement utiles. Elles ont de la valeur comme investissement ou comme monnaie d'échange. La nature des cryptomonnaies continuera d'évoluer, peut-être rapidement, au cours des années à venir.

Du fait que les contributions en cryptomonnaies sont considérées comme étant de nature non monétaire, celles d'au plus 200 $ versées à une entité politique fédérale sont réputées « nulles » aux fins de la Loi. En effet, la Loi contient une disposition selon laquelle les biens et les services de faible valeur (200 $ ou moins), offerts par une personne qui n'exploite pas une entreprise fournissant de tels biens ou services, ne sont pas visés par les exigences de déclaration et autres dispositions. Cette disposition exceptionnelle permet à des particuliers de faire des dons, comme des dons de nourriture à des travailleurs de campagne, ou d'utiliser leur véhicule personnel sans que la contribution et la dépense associées ne soient réglementées. Toutefois, dans le cas des cryptomonnaies, cette disposition pourrait permettre à des ressources non réglementées de s'introduire dans le régime de financement politique fédéral.

Cette dernière possibilité est particulièrement préoccupante, vu que les cryptomonnaies présentent des défis de traçabilité. Ceci est contraire à l'objectif de transparence du financement politique. Les contributions en cryptomonnaies pourraient ouvrir les portes du système politique canadien à des fonds de l'étranger.

Pour remédier à un problème de non-traçabilité similaire, le Parlement a depuis longtemps restreint le montant des contributions en espèces qui peuvent être versées aux entités politiques fédérales. Ces contributions sont assujetties à des règles de déclaration spécifiques, et celles de plus de 20 $ sont actuellement interdites par la Loi.

Une solution serait d'interdire les contributions telles que celles qui sont faites en espèces, en cartes de crédit prépayées et en cryptomonnaies, au motif qu'elles ont le potentiel de nuire au système de financement politique. Toutefois, Élections Canada a constaté que les petits dons en espèces demeurent un important moyen de financement pour de nombreuses entités politiques. Ainsi, il vaut mieux ne pas toucher aux dons en espèces de faible valeur.

Le même raisonnement ne peut toutefois pas s'appliquer aux moyens de contribution anonymes, proches de l'argent liquide, tels que les cartes de crédit prépayées, les mandats ou les cartes cadeaux. Ces moyens de transmettre de l'argent à des entités politiques posent des problèmes de transparence et rien ne justifie leur utilisation. En conséquence, ils devraient être interdits.

Il serait prématuré d'interdire totalement les cryptomonnaies car elles pourraient constituer un moyen légitime de recueillir des fonds, du moment que cela est fait de façon transparente. En raison de la nature unique des cryptomonnaies et des problèmes de transparence qu'elles posent, il est recommandé de modifier la Loi afin d'encadrer précisément la réception de contributions en cryptomonnaies et d'exiger leur déclaration séparément des contributions « monétaires » et « non monétaires ». Contrairement aux contributions monétaires, pour lesquelles seuls les noms des contributeurs ayant donné 200 $ ou plus sont déclarés, toutes les contributions effectuées au moyen de cryptomonnaies doivent être déclarées. En outre, un reçu doit être délivré pour toutes ces contributions, quel qu'en soit le montant.

Ces modifications permettraient aux entités politiques de recevoir des cryptomonnaies et encadreraient leur utilisation, susceptible de s'accroître au cours des prochaines années, tout en soutenant les objectifs défendus par la Loi.

Recommandation 8.4.1

  • Pour permettre aux entités politiques de recevoir et d'utiliser des contributions en cryptomonnaies tout en préservant la transparence, exiger expressément dans la Loi que toutes les contributions en cryptomonnaies reçues par des entités politiques fédérales soient déclarées et fassent l'objet d'un reçu. Toutes les contributions en cryptomonnaies, quelle que soit leur valeur, doivent faire l'objet d'un reçu. Seules les contributions en cryptomonnaies qui répondent à ces exigences de transparence pourront être utilisées par les entités politiques.
  • Les moyens de contribution non traçables tels que les cartes de crédit prépayées, les mandats et les cartes-cadeaux devraient être interdits. Les petites contributions en espèces de moins de 20 $ devraient continuer à être autorisées.

Notes de bas de page

1Seulement 50 signatures sont requises dans les circonscriptions rurales et éloignées énumérées à l'annexe 3 de la Loi.