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Parachever le cycle des réformes électorales – Recommandations du directeur général des élections du Canada sur la 38e élection générale


Chapitre 1 – Questions opérationnelles

1.1 Un processus administratif de confirmation préélectorale


Le processus de confirmation des candidatures devrait être simplifié, et exécutable avant la délivrance d'un bref. Cette recommandation comporte quatre éléments interreliés.

  1. La mise en candidature devrait devenir un processus d'enregistrement purement administratif qui permettrait de confirmer la candidature d'une personne éligible dans une circonscription donnée, avant le déclenchement de l'élection à venir. Cette confirmation devrait relever d'Élections Canada plutôt que d'un directeur du scrutin.
     
  2. La confirmation des candidatures devrait être un simple processus d'enregistrement où toute personne éligible voulant se porter candidate n'aurait qu'à fournir ses coordonnées et d'autres renseignements administratifs. Le candidat éventuel pourrait présenter lui-même sa demande et ne serait pas tenu d'obtenir des signatures d'électeurs appuyant sa candidature.
     
  3. Quiconque désire se porter candidat à une élection à venir devrait pouvoir faire confirmer sa candidature avant la délivrance du bref. Les candidats confirmés avant une élection devraient être tenus de soumettre au directeur général des élections des rapports de contributions chaque année jusqu'à l'élection à laquelle ils se portent candidats.
     
  4. Les candidatures devraient être confirmées par le Bureau du directeur général des élections plutôt que par chaque directeur du scrutin. Les candidats qui le désirent pourraient envoyer leur demande au directeur général des élections par l'entremise de leur parti enregistré, y compris le cautionnement et la déclaration de soutien du chef du parti.

Ces recommandations, expliquées ci-dessous, doivent être considérées comme les éléments d'une seule réforme.


1. Un processus de nomination administratif

Le processus actuel de mise en candidature est indûment complexe et lourd. En outre, il favorise certains candidats, prête à confusion pour les électeurs désirant verser des contributions entre les scrutins, et ne tient pas compte des contributions excédentaires versées à une personne qui ne fait pas confirmer sa candidature à une élection. Enfin, il mobilise de l'énergie que les directeurs du scrutin et les candidats pourraient consacrer aux tâches essentielles d'une élection.

2. Simplification du processus de confirmation

Le rapport Moderniser le processus électoral, publié en 2001, recommandait de réduire le processus de mise en candidature à une formalité administrative exigeant seulement qu'une personne éligible indique qu'elle souhaite se porter candidate et fournisse les renseignements administratifs nécessaires, la déclaration de soutien de son chef de parti (s'il y a lieu) et son cautionnement. Il faudrait pour ce faire supprimer l'obligation de présenter les signatures de 100 électeurs admissibles; l'obligation de faire présenter l'acte de candidature par un témoin ayant prêté serment (plutôt que par le candidat); et l'obligation pour le candidat d'attester sous serment qu'il consent à la candidature. Le présent rapport réitère ces recommandations.

Sous le régime actuel, l'acte de candidature doit comporter les nom, adresse et signature, recueillis en présence d'un témoin, d'au moins 100 électeurs résidant dans la circonscription où la personne désire poser sa candidature1.

L'obligation de joindre à l'acte de candidature un nombre précis de signatures d'électeurs soutenant le candidat remonte à la première loi électorale fédérale permanente adoptée en 1874. Comme l'indiquait la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis (Commission Lortie) dans son rapport de 1992, cette règle a pour but d'assurer que les candidats éventuels démontrent qu'ils jouissent d'un certain appui populaire. On la justifiait par le besoin perçu de restreindre les élections aux candidats ayant prouvé qu'ils bénéficient de l'appui politique d'un nombre important d'électeurs.

Il convient de s'interroger sur le bien-fondé de cette justification à la lumière de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Figueroa c. Canada (Procureur général), [2003] 1 S.C.R. 12. Selon ce jugement, la démocratie gagne à permettre la participation de partis et de candidats dont les opinions peuvent s'éloigner du courant dominant, et la capacité de ces partis et candidats de présenter leurs opinions à l'électorat favorise le vote éclairé ainsi que les droits démocratiques garantis par l'article 3 de la Charte. Comme l'explique la Cour suprême du Canada dans sa décision :

« [L]a participation au processus électoral possède une valeur intrinsèque indépendamment de son effet sur le résultat concret des élections. Certes, il est vrai que le processus électoral est le moyen utilisé pour élire les députés et former les gouvernements, mais il constitue également le principal moyen permettant au citoyen ordinaire de participer au débat public qui précède l'établissement de la politique sociale. Le droit de briguer les suffrages des électeurs offre à tout citoyen la possibilité de présenter certaines idées et opinions et d'offrir à l'électorat une option politique viable. Le droit de vote permet à tout citoyen de manifester son appui à l'égard des idées et opinions auxquelles souscrit un candidat donné. Dans chacun des cas, les droits démocratiques consacrés à l'art. 3 font en sorte que tout citoyen a la possibilité d'exprimer une opinion sur l'élaboration de la politique sociale et le fonctionnement des institutions publiques en participant au processus électoral. »

La cour affirme ainsi que la candidature d'une personne éligible qui ne jouit pas d'un fort soutien électoral sert la démocratie et les droits démocratiques protégés par l'article 3 de la Charte.

L'exigence actuelle qu'un candidat éventuel soit appuyé par 100 électeurs locaux a aussi une incidence concrète sur la conduite des élections : elle exige beaucoup de ressources, tant de la part du candidat qui doit recueillir ces signatures que de la part du système électoral qui doit les vérifier. À la 38e élection générale, des directeurs du scrutin ont rejeté deux candidatures (une dans Halifax-Ouest, en Nouvelle-Écosse, et l'autre dans Fleetwood–Port Kells, en Colombie-Britannique) à cause d'un nombre insuffisant de signatures d'électeurs admissibles. À la 37e élection générale, trois candidatures ont été rejetées pour la même raison, et un quatrième cas de refus a été soumis au commissaire aux élections fédérales.

L'obligation actuelle a une valeur symbolique, tout au plus. Dans le cas des candidats désignés par un parti, cette désignation démontre en soi que le candidat jouit d'un certain soutien électoral. Aujourd'hui, même pour les candidats non affiliés à un parti enregistré, la capacité d'obtenir 100 (ou 50) signatures n'est pas une véritable preuve de soutien électoral. Par le passé, maints candidats ont obtenu le nombre requis de signatures sans jouir, pour autant, d'un soutien sérieux. L'obligation actuelle sert davantage à évaluer les capacités organisationnelles du candidat éventuel que son soutien électoral.

En outre, cette obligation grève les ressources du système électoral. Il est difficile, sur le plan administratif, de vérifier la validité des signatures dans le délai de 48 heures prévu par la Loi. Dans le meilleur des cas, on vérifie si l'adresse des signataires se trouve dans la circonscription du candidat, mais le temps ne permet pas de déterminer l'authenticité des signatures. Quels que soient les avantages de cette exigence, ils se trouvent incontestablement réduits par la superficialité des vérifications.

Enfin, si l'on permet la confirmation des candidatures avant la délivrance du bref, l'obligation de recueillir des signatures perdra de son utilité. En effet, les signataires pourraient ne plus résider dans la circonscription au déclenchement de l'élection. De plus, si cette obligation était supprimée, il serait plus facile pour Élections Canada d'assurer la confirmation centralisée des candidatures avant la délivrance du bref.

3. Élargissement de la période de confirmation des candidatures

Selon la Loi électorale du Canada actuelle, un « candidat » est une personne dont la candidature à une élection a été confirmée par un directeur du scrutin au titre du paragraphe 71(1) (définition à l'article 1 de la Loi). La confirmation peut uniquement avoir lieu pendant une élection. Au plus tard le 21e jour précédant le jour du scrutin, qui est la date de clôture des candidatures, quiconque veut briguer les suffrages doit remplir les formalités nécessaires – y compris recueillir le nombre requis de signatures, faire déposer l'acte de candidature auprès du directeur du scrutin et s'assurer que ce dernier en effectue la vérification et la confirmation (article 69). Un aspirant qui ne réussit pas à terminer ce processus avant la clôture des candidatures ne peut pas devenir un candidat confirmé.

Ce procédé engendre de nombreux inconvénients : délai, obligations rétroactives, incertitude quant à l'application des règles sur les contributions, évitement des exigences concernant la disposition de l'excédent, détournement des candidats et du personnel électoral de leurs autres tâches, incapacité de délivrer des reçus aux fins de l'impôt pour les contributions versées avant la délivrance du bref, et retard d'application des dispositions concernant la fourniture de biens ou de services et la cession de fonds entre les entités d'un même parti enregistré. Ces difficultés, décrites plus en détail ci-dessous, peuvent être atténuées par la création d'un processus administratif de confirmation préélectorale.

Délai – Même en période électorale, la confirmation d'une candidature peut prendre un certain temps. L'article 67 de la Loi stipule qu'un acte de candidature ne peut être présenté au directeur du scrutin qu'après la délivrance de l'Avis de convocation – qui peut avoir lieu jusqu'à quatre jours après le déclenchement de l'élection (article 62). De plus, les directeurs du scrutin peuvent difficilement confirmer les candidatures avant l'ouverture de leur bureau. À la 38e élection générale, la plupart des directeurs du scrutin avaient ouvert leur bureau et délivré l'Avis de convocation dans les 48 heures suivant la délivrance du bref; néanmoins, cela équivaut à deux journées d'un calendrier électoral de 36 jours. Lorsqu'il reçoit un acte de candidature, le directeur du scrutin dispose de 48 heures pour le vérifier et pour confirmer ou rejeter la candidature (article 71).

En permettant de confirmer les candidatures à l'avance, on accélérerait l'obtention du statut officiel de candidat pendant une élection et on permettrait aux candidats de se consacrer à leur campagne dès la délivrance du bref.

Application rétroactive du statut La Loi prévoit qu'une personne n'est pas candidate tant que le directeur du scrutin n'a pas confirmé sa candidature pendant l'élection.

Or, plusieurs commencent à recueillir des fonds pour leur campagne avant le début de la période électorale. Il s'agit d'une nécessité pratique, surtout pour les candidats qui ne sont pas encore soutenus par un parti ou qui désirent se présenter sans affiliation politique.

La Loi impose plusieurs exigences concernant la collecte, la gestion et l'utilisation de ces fonds. Par exemple, tout candidat doit nommer un agent officiel avant d'accepter une contribution ou d'engager une dépense électorale (par. 83(1)). De plus, lorsqu'il nomme un agent financier, il doit aussi nommer un vérificateur (par. 83(2)). L'agent officiel est tenu d'ouvrir un compte bancaire qui doit servir au dépôt de toutes les contributions reçues et au paiement de toutes les dépenses électorales (par. 437(1)). Seul l'agent officiel peut percevoir des contributions (par. 438(2)) et il doit délivrer un reçu pour chacune d'elles (art. 404.4). Seul l'agent officiel peut payer les dépenses de campagne du candidat, autres que les menues dépenses ou les dépenses personnelles du candidat (par. 438(4)). Dans les faits, s'il veut remplir toutes les obligations prévues à l'article 454 de la Loi à la fin de la campagne, l'agent officiel doit commencer à tenir un registre rigoureux dès le moment de la première contribution ou de la première dépense électorale.

En principe, aucune de ces obligations ne s'applique avant la confirmation de la candidature. Mais à partir de ce moment, elles s'appliquent au candidat et à son agent officiel rétroactivement jusqu'à la première contribution ou la première dépense. Une personne qui n'est pas au courant de ces obligations peut se retrouver ainsi en situation d'infraction rétroactive. Les renseignements en la matière sont publiés sur le site Web d'Élections Canada, mais les candidats éventuels ne pensent pas nécessairement à visiter le site. En outre, l'organisme ne connaît pas l'identité de ces personnes avant la confirmation des candidatures, à moins qu'elles n'entrent en contact avec lui. Il se peut donc qu'elles enfreignent déjà la Loi lorsque Élections Canada leur remet les trousses d'information destinées aux candidats.

Si les candidatures pouvaient être confirmées avant une élection, on éviterait l'application rétroactive complexe des obligations liées à la candidature; mais en plus, Élections Canada pourrait identifier les candidats éventuels plus tôt et leur fournir l'information et les outils nécessaires dès le début de leurs préparatifs de campagne.

Application des plafonds de contributions aux candidats non confirmés – Le paragraphe 405(3) de la Loi électorale du Canada précise qu'une contribution versée à une personne qui déclare rechercher le soutien d'un parti enregistré est considérée comme une contribution versée au candidat de ce parti. De même, une contribution à une personne déclarant ne pas rechercher le soutien d'un parti enregistré est considérée comme une contribution à un candidat non soutenu par un parti enregistré. Ainsi, les contributions versées entre les élections aux personnes qui ne sont pas encore officiellement candidates sont comptées dans le calcul des limites permises. Ces règles s'appliquent aussi aux contributions versées par les particuliers aux candidats à l'investiture, mais non aux contributions versées par les personnes morales, les syndicats ou les associations non constituées en personne morale. Une somme versée entre les élections par l'une de ces entités ne constitue pas une contribution. Cependant, une fois confirmée la candidature de la personne qui l'a reçue, cette somme devient rétroactivement une contribution. Si les candidatures pouvaient être confirmées avant une élection, ces fictions juridiques seraient moins nécessaires.

Disposition de l'excédent des contributions – Actuellement, un candidat éventuel qui reçoit des contributions avant une élection n'est pas soumis aux règles concernant la disposition de l'excédent tant qu'il ne devient pas officiellement candidat. S'il ne devient pas officiellement candidat, il peut disposer de son excédent comme il l'entend. Il peut le remettre aux donateurs selon des ententes conclues avec eux; il peut aussi le conserver pour son usage personnel, contrairement au candidat confirmé, qui est tenu de céder son excédent à un parti enregistré, à une association enregistrée ou au receveur général, selon le cas – mais qui ne tire aucun profit personnel du financement de sa campagne.

S'il était permis de confirmer les candidatures avant la délivrance d'un bref, les candidats seraient soumis, dès leur confirmation, à l'obligation de soumettre un rapport financier à la fin de leur campagne, conformément à l'article 451, de même qu'aux obligations touchant la disposition de l'excédent des contributions et autres recettes non dépensées pendant la campagne.

De plus, dans la mesure où les candidats pourraient recevoir des contributions plus d'un an avant une élection, ils pourraient être tenus de déclarer annuellement les contributions reçues jusqu'à la production du rapport de campagne en fin d'élection prévu à l'article 451.

Ces règles élimineraient l'incohérence actuelle qui permet à ceux qui recueillent des contributions avant une élection en vue de devenir candidats, mais qui en fin de compte ne deviennent pas candidats, d'utiliser leur surplus autrement qu'en conformité avec la Loi. Elles favoriseraient également le vote éclairé en assurant, dans plusieurs cas, une forme de divulgation préélectorale.

Mobilisation de ressources – Le fait de limiter la confirmation des candidatures à la période électorale peut obliger les candidats à mobiliser des ressources en début de campagne aux fins de ce processus, y compris la collecte de signatures. À la 38e élection générale, le formulaire d'acte de candidature était disponible sur le site Web d'Élections Canada avant la délivrance du bref et les candidats étaient autorisés à recueillir des signatures avant l'élection. Ils couraient toutefois le risque que certains signataires ne résident plus dans la circonscription le jour du déclenchement de l'élection, ce qui aurait invalidé la signature de ces personnes.

De même, les directeurs du scrutin, occupés à ouvrir leur bureau, assurer la livraison des cartes d'information de l'électeur et réserver les bureaux de scrutin, doivent consacrer du temps à la vérification et à la confirmation des actes de candidature.

Si la confirmation préélectorale des candidatures était autorisée, les candidats pourraient se concentrer sur leur campagne, et les directeurs du scrutin sur la conduite de l'élection, dès le début de la période électorale.

Reçus aux fins de l'impôt – Il est interdit de délivrer des reçus aux fins de l'impôt pour les contributions versées à la campagne d'une personne dont la candidature n'est pas encore confirmée. Le paragraphe 127(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu permet aux agents officiels des candidats de délivrer de tels reçus uniquement pour les contributions versées à un « candidat », tel que défini à l'article 2 de la Loi électorale du Canada, à savoir une personne dont la candidature a été confirmée par un directeur du scrutin pendant une élection.

Cette exigence a peu d'incidences pour les candidats soutenus par un parti enregistré. Les contributions destinées à un candidat mais versées avant une élection peuvent être adressées à son parti enregistré (ou à l'association de circonscription enregistrée s'il en existe une), qui peut délivrer des reçus aux fins de l'impôt. Lorsque l'élection est déclenchée, l'association ou le parti peut céder les contributions au candidat. Les candidats non affiliés à un parti enregistré ne bénéficient pas de cet avantage.

L'instauration de la confirmation préélectorale permettrait la délivrance de reçus aux fins de l'impôt pour les contributions faites avant une élection à un candidat confirmé. Par conséquent, les candidats qui ne sont pas soutenus par un parti enregistré seraient moins désavantagés par rapport aux autres.

Règles sur les cessions – Actuellement, un parti ou une association de circonscription enregistrée ne peut pas céder de fonds à un « candidat » du parti avant que sa candidature soit officiellement confirmée pendant une élection. Le problème ne se poserait plus s'il était permis de confirmer et soutenir une candidature avant une élection.

4. Confirmation par le directeur général des élections

Si la confirmation des candidatures devenait un simple processus administratif d'enregistrement, elle pourrait être confiée au Bureau du directeur général des élections plutôt qu'à chaque directeur du scrutin. Les partis enregistrés pourraient ainsi tenir une liste centrale des candidats qu'ils soutiennent (avec le consentement de ces derniers) ou même payer l'ensemble des cautionnements de ces candidats. Dans le système actuel, seul le directeur du scrutin de la circonscription où se présente le candidat peut confirmer la candidature de ce dernier. Un parti doit donc produire une déclaration de soutien pour chacun de ses candidats dans la circonscription appropriée. De même, chaque cautionnement doit être payé séparément au directeur du scrutin concerné.

Mise en oeuvre

Si la présente recommandation est adoptée, un candidat éventuel pourrait solliciter la confirmation de sa candidature avant le déclenchement d'une élection. Il aurait à indiquer la circonscription dans laquelle il souhaite se présenter. À l'élection qui suivrait dans cette circonscription, il serait tenu soit de se porter candidat, soit de se retirer de la course, et il aurait à produire les rapports nécessaires et à se dessaisir de tout excédent. Comme les partis pourraient alors soutenir des candidats avant une élection, il conviendrait d'envisager de leur donner plus de latitude pour retirer leur soutien avant le déclenchement de l'élection.

La confirmation préélectorale des candidatures n'aurait aucune incidence sur les règles régissant les plafonds de contributions et l'admissibilité des donateurs, qui couvrent déjà les contributions versées avant une élection.

1.2 Intégration des directeurs du scrutin au Bureau du directeur général des élections


La Loi électorale du Canada devrait être modifiée de façon à changer le processus de nomination des directeurs du scrutin et à intégrer les bureaux indépendants au Bureau du directeur général des élections. En particulier, elle devrait stipuler :
  1. que le directeur général des élections choisit et nomme les directeurs du scrutin au mérite pour un mandat de 10 ans et que ce mandat peut être écourté en cas de décès, de démission, de changement de circonscription ou de révocation (les motifs de révocation seraient les mêmes, mais seraient plutôt appliqués sous la gouverne du directeur général des élections, selon une procédure équitable;
     
  2. que les fonctionnaires électoraux locaux continuent d'être sélectionnés par les directeurs du scrutin;
     
  3. que le directeur général des élections a le pouvoir de nommer un remplaçant pour remplir tout ou partie des tâches d'un directeur du scrutin qu'il juge incapable de remplir ces tâches, pour quelque raison que ce soit, jusqu'à ce que le directeur du scrutin puisse reprendre ses fonctions ou qu'un nouveau directeur du scrutin soit nommé.

La charge légale de la conduite des élections devrait être confiée au directeur général des élections plutôt qu'à chacun des 308 directeurs du scrutin dans leur territoire respectif. Cette charge devrait être remplie par le directeur général des élections dans chaque circonscription avec l'aide du directeur du scrutin, les tâches étant accomplies par l'un ou l'autre selon les exigences de la situation.

Aux yeux du public, les directeurs du scrutin et Élections Canada ne font qu'un. Cette perception répandue n'a rien d'étonnant : elle reflète la collaboration étroite de ces deux entités dans la conduite des élections.

Les deux entités sont légalement distinctes. Les directeurs du scrutin ne font pas partie du Bureau du directeur général des élections; ce sont des personnes désignées par le gouverneur en conseil auxquelles la Loi attribue directement des fonctions et des pouvoirs qu'elles peuvent uniquement exercer dans leur circonscription. En fait, ils forment 308 bureaux indépendants. Aux termes de l'article 24 de la Loi, les directeurs du scrutin remplissent leurs tâches sous la direction générale du directeur général des élections, mais ils ne sont pas pour autant des employés d'Élections Canada. Cet arrangement a des conséquences importantes, décrites ci-dessous.

Responsabilité personnelle des directeurs du scrutin – La responsabilité juridique des activités du directeur du scrutin échoit au directeur du scrutin lui-même plutôt qu'au directeur général des élections. Cette responsabilité couvre de nombreuses activités : location de locaux pour le bureau du directeur du scrutin et les bureaux de scrutin, embauche du personnel électoral, blessures causées par des accidents au bureau du directeur du scrutin ou aux bureaux de scrutin, dommages aux locaux loués, arrérages de loyers et réclamations concernant les droits de la personne ou les droits en matière d'emploi faites par ou contre les fonctionnaires électoraux ou le personnel engagé par les directeurs du scrutin. Bien que la Politique sur l'indemnisation des fonctionnaires de l'État et la prestation de services juridiques à ces derniers du Conseil du Trésor s'applique aux directeurs du scrutin, il subsiste une grande confusion quant à l'aide qu'ils peuvent attendre du gouvernement en général, et d'Élections Canada en particulier, lorsqu'ils sont poursuivis pour leurs actes ou ceux de leurs employés2. L'éclaircissement de la responsabilité juridique directe du directeur général des élections à l'égard des directeurs du scrutin dans l'exécution des diverses activités électorales apaiserait les craintes des directeurs du scrutin au sujet de leur responsabilité personnelle concernant l'exécution de leurs fonctions et dissiperait la confusion pouvant amener des plaignants à désigner le mauvais défendeur lors d'une poursuite contre un directeur du scrutin.

Application des lois gouvernementales aux directeurs du scrutin – Les directeurs du scrutin ne sont pas assujettis aux lois gouvernementales telles que la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur la protection des renseignements personnels même si ces lois s'appliquent au Bureau du directeur général des élections. Ces lois, en effet, ne les désignent pas expressément. En devenant des agents du directeur général des élections, les directeurs du scrutin et leur personnel seraient automatiquement assujettis aux lois qui s'appliquent au Bureau du directeur général des élections.

Incapacité d'agir – La nomination des directeurs du scrutin par une entité autre que le Bureau du directeur général des élections ne laisse à ce dernier aucun pouvoir de redressement ou de remplacement en cas d'incapacité, d'accident ou d'insubordination. Bien que les motifs de révocation des directeurs du scrutin conviennent à la nature et à l'intégrité du poste3, il appartient actuellement au gouverneur en conseil, et non au directeur général des élections, d'évaluer la nécessité d'une telle révocation. Le gouverneur en conseil n'est pas tenu de suivre les recommandations du directeur général des élections à ce sujet; d'ailleurs, peu d'entre elles ont été acceptées au cours des dernières années. En outre, compte tenu des réalités du processus électoral, il n'est guère probable que le gouverneur en conseil intervienne en pleine élection. Enfin, la révocation est une mesure extrême et inflexible qui ne convient pas à toutes les situations. Il conviendrait que la Loi donne au directeur général des élections le pouvoir de révoquer les directeurs du scrutin pour des motifs valables, selon une procédure équitable.

Apparence de partialité – Comme il été mentionné à diverses reprises par le passé, plusieurs candidats ont fait valoir que le pouvoir du gouvernement en place (ou d'un gouvernement précédent) de nommer les directeurs du scrutin, responsables des élections à l'échelle locale, suscite une crainte raisonnable de partialité. Si ces nominations étaient confiées au directeur général des élections, qui est indépendant et neutre, cette préoccupation serait dissipée, comme en témoigne l'exemple des provinces du Québec et du Manitoba.

Nomination au mérite – Comme il a été signalé à maintes reprises, les directeurs du scrutin ne sont pas nommés au mérite. Le rôle de directeur du scrutin est exigeant et nécessite de nombreuses aptitudes. Or, il n'existe aucun processus systématique pour évaluer les candidats à ce poste. Bien que le directeur général des élections ait fourni des directives quant aux critères de sélection, le processus actuel ne garantit pas la nomination de personnes qui possèdent les qualités et les aptitudes requises. Les directeurs du scrutin devraient donc être nommés en fonction du mérite.

Conformément à la pratique actuelle, chaque directeur du scrutin devrait résider dans sa circonscription. On s'assure ainsi qu'il connaît les enjeux locaux et qu'il est présent dans son territoire. Par ailleurs, nous recommandons ici que les directeurs du scrutin aient un mandat de 10 ans afin de pouvoir gérer au moins deux élections. Ce mandat pourrait prendre fin en cas de décès, de démission, de départ de la circonscription ou de révocation. Les motifs de révocation resteraient les mêmes (paragraphe 24(7) de la Loi). Enfin, il faudrait clarifier dans la Loi les situations où le directeur adjoint du scrutin peut agir au nom du directeur du scrutin, de manière à assurer l'entière continuité des activités.

Simplification de la division des tâches – Les dispositions de la Loi électorale du Canada exigeant que certaines tâches soient effectuées par les directeurs du scrutin empêchent ces derniers de partager leurs tâches avec leurs homologues ou avec le personnel d'Élections Canada. Il serait préférable d'attribuer les tâches aux personnes les mieux placées pour les accomplir. Par exemple, les cartes d'information des électeurs pourraient être préparées et distribuées soit par Élections Canada, soit par les directeurs du scrutin, selon les circonstances. Si l'on intégrait les responsabilités électorales des directeurs du scrutin à celles du directeur général des élections, les divers directeurs du scrutin seraient plus à même de s'entraider dans l'accomplissement de leurs tâches à la demande du directeur général des élections. Dans ce cas, il faudrait aussi que le directeur général des élections ait le pouvoir formel de déléguer certaines de ses fonctions aux directeurs du scrutin.

L'intégration plus étroite de ces postes répondrait aux besoins du processus électoral actuel; l'aspect de cette recommandation qui touche le processus de nomination a cependant des précédents historiques et modernes. De 1929 à 1934, le directeur général des élections nommait les directeurs du scrutin. Cette responsabilité est ensuite revenue au gouverneur en conseil, pour des raisons entièrement indépendantes de l'exercice de cette fonction par le directeur général des élections. D'autre part, six organismes des provinces et territoires (Colombie-Britannique, Manitoba, Terre-Neuve-et-Labrador, Territoires du Nord-Ouest, Nunavut et Québec) nomment maintenant les directeurs du scrutin au mérite. Le retour de ce pouvoir au directeur général des élections n'ajouterait pas un fardeau important à son Bureau : il ne faudrait probablement que deux postes supplémentaires; toute charge additionnelle pourrait être absorbée par les ressources actuelles.


1 Il faut 50 signatures seulement dans les circonscriptions désignées à l'annexe 3 de la Loi, qui sont généralement les plus éloignées et les moins densément peuplées.

2 Essentiellement, cette politique établit que le gouvernement a pour règle d'indemniser les fonctionnaires contre les responsabilités civiles personnelles, de ne pas intenter de poursuites concernant ces responsabilités et d'autoriser une assistance juridique aux fonctionnaires dans les circonstances précisées dans la politique.

3 Le paragraphe 24(7) de la Loi établit les quatre motifs de révocation :

24(7) Le directeur du scrutin peut être révoqué par le gouverneur en conseil pour l'un ou l'autre des motifs valables suivants :

a) il est incapable, notamment pour cause de maladie ou d'incapacité physique ou mentale, de s'acquitter d'une manière satisfaisante des fonctions que lui confère la présente loi;

b) il ne s'est pas acquitté de façon compétente des fonctions que lui confère la présente loi ou n'a pas suivi les instructions du directeur général des élections visées à l'alinéa 16c);

c) il n'a pas terminé la révision des limites des sections de vote situées dans sa circonscription conformément à l'instruction donnée en ce sens par le directeur général des élections en application du paragraphe 538(3);

d) il a contrevenu au paragraphe (6) [faire sciemment preuve de partialité politique pendant son mandat], que ce soit ou non dans l'exercice de ses fonctions.