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Les technologies dans le processus de vote : Un aperçu des tendances et initiatives émergentes (Note de recherche)



Préparé par Paul Laronde
Analyste des politiques

Mai 2012


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Ce document présente les innovations technologiques dans le processus de vote, spécifiquement le vote par Internet, en explorant les attitudes et perceptions des Canadiens à leur égard. On y traite d'abord des tendances en matière d'utilisation des technologies par les Canadiens, pour ensuite aborder les attitudes et les innovations au Canada et à l'étranger.

Profil technologique des Canadiens

Ces dernières années, les Canadiens ont clairement utilisé davantage Internet et les technologies en ligne. Cette tendance devrait se poursuivre pendant la prochaine décennie ou au-delà.

Selon l'Enquête canadienne sur l'utilisation d'Internet de 2010 (Statistique Canada) :

  • 80 % des personnes âgées de 16 ans et plus ont utilisé Internet à des fins personnelles.
  • Les personnes de moins de 45 ans ont enregistré le taux d'utilisation le plus élevé (94 %), alors que ce taux est de 80 % chez celles âgées de 45 à 64 ans. Parmi les aînés, environ la moitié (51 %) des personnes âgées de 65 à 74 ans a utilisé Internet, contre 27 % des personnes âgées de 75 ans et plus.
  • Dans l'ensemble, les Canadiens sont des utilisateurs d'Internet expérimentés; en effet, près de la moitié (47 %) naviguent sur Internet depuis 10 ans ou plus. Environ les trois quarts (76 %) des utilisateurs d'Internet sont en ligne au moins une fois par jour dans un mois type.
  • Parmi les utilisateurs d'Internet, le tiers (33 %) s'est connecté à Internet grâce à un dispositif portable sans fil. Ces utilisateurs étaient en général plus jeunes et avaient plus d'expérience avec Internet. Une majorité d'entre eux (59 %) avaient moins de 35 ans, et la plupart (60 %) utilisaient Internet depuis 10 ans ou plus.
  • Les personnes âgées ont représenté environ la moitié (51 %) des non-utilisateurs. Près de 4 non-utilisateurs sur 10 (39 %) appartenaient aux ménages du quartile au revenu le plus faible.
  • La majorité des non-utilisateurs (62 %) ont déclaré ne pas utiliser Internet, soit parce qu'ils n'en ont pas besoin, que cela ne les intéresse pas, qu'ils le trouvent inutile ou qu'ils n'ont pas le temps. Plus d'un cinquième (22 %) faisait part d'un manque de compétences ou de formation, ou trouvait qu'Internet et les ordinateurs étaient trop difficiles à utiliser. Parmi les autres raisons de non-utilisation d'Internet figuraient l'accès limité à un ordinateur (12 %), le coût du service ou du matériel (9 %) ou l'âge (9 %).
  • La majorité des utilisateurs d'Internet s'y sont connectés pour effectuer des opérations bancaires (68 %) ou pour lire ou regarder les nouvelles (68 %). De nombreux utilisateurs ont obtenu des renseignements sur les voyages ou ont organisé un voyage en ligne (65 %), ont visité les sites Web du gouvernement et ont traité avec ce dernier (65 %) ou ont cherché des renseignements médicaux ou liés à la santé (64 %).
  • Près des deux tiers (63 %) des utilisateurs ont déclaré avoir eu un virus informatique sur leur ordinateur dans le passé. Parmi ces personnes, près de la moitié (49 %) ont précisé que le virus (ou les virus) avait entraîné une perte de données ou endommagé des logiciels.
  • Environ 7 % des utilisateurs d'Internet ont déclaré qu'ils avaient déjà eu affaire à une utilisation malveillante de leurs données personnelles en ligne (par exemple des photos, des vidéos ou des données personnelles téléchargées sur des sites Web publics). Plus d'un tiers (37 %) a déclaré avoir reçu des courriels demandant des renseignements personnels (par exemple des numéros de comptes bancaires ou des mots de passe) envoyés par une source malveillante.
  • Pour protéger leur ordinateur ou d'autres appareils qui leur permettent d'accéder à Internet, la plupart des utilisateurs d'Internet (85 %) ont déclaré utiliser un logiciel de sécurité.

Selon le sondage auprès des électeurs d'Élections Canada de 2011, la majorité des électeurs admissibles (86  %) ont accès à Internet à la maison. Il s'agit d'une augmentation de 5 % depuis 2008 et de 22 % depuis 20031. Le sondage de 2011 révèle également que les Autochtones sont moins susceptibles d'affirmer qu'ils ont accès à Internet chez eux (68 %), tandis que les jeunes étaient plus enclins à pouvoir y accéder à domicile (94 %). Globalement, la tendance générale de l'accès accru à l'Internet a été confirmée par Statistique Canada depuis 20052.

Attitudes des Canadiens à l'égard du vote en ligne

La technologie est souvent citée comme moyen d'améliorer la facilité du processus électoral et son accessibilité. Les recherches démontrent que la technologie peut éliminer quelques obstacles administratifs du processus électoral, surtout pour certains groupes d'électeurs, notamment les personnes handicapées et possiblement les jeunes.

Selon le sondage auprès des électeurs d'Élections Canada de 2011, la majorité des personnes n'ayant pas voté (57 %), principalement celles qui ont accès à Internet à la maison, ont affirmé qu'elles l'auraient fait en ligne, en passant par le site Web d'Élections Canada si cela avait été possible. La proportion était 10 % plus élevée chez les électeurs âgés de 18 à 24 ans. Fait intéressant, la probabilité que les personnes n'ayant pas voté affirment qu'elles auraient voté en ligne était plus forte chez les utilisateurs de Facebook (68 % c. 37 %), ceux possédant un téléphone intelligent (35 % c. 20 %) et ceux utilisant la messagerie instantanée (44 % c. 27 %).

L'Étude électorale canadienne de 2011 a permis de mieux comprendre les attitudes des électeurs à l'égard du vote par Internet. Un peu moins de la moitié des électeurs (49,1 %) sont soit plutôt d'accord (31,5 %), soit fortement d'accord (17,6 %) pour dire que « Les Canadiens devraient avoir la possibilité de voter par Internet aux élections fédérales », contre 39,4 % qui sont en désaccord avec cet énoncé. Par ailleurs, une majorité d'électeurs (58,8 %) disent qu'il serait soit assez probable (17,0 %) ou très probable (41,8 %) qu'ils votent par Internet s'ils en avaient la possibilité, contre 37,5 % qui disent que cela serait improbable. Enfin, 50,3 % des électeurs pensent que voter par Internet est « risqué », contrairement à 29,7 % qui croient que ce ne l'est pas.

Les candidats aux élections semblent aussi favoriser l'utilisation de nouvelles technologies dans le processus électoral. Par exemple, selon le sondage auprès des candidats d'Élections Canada de 2011, 74 % croient que les électeurs devraient pouvoir s'inscrire en ligne – même pourcentage qu'en 2008. Même s'ils favorisent toujours moins le vote par Internet, la proportion de ceux qui y sont favorables est passée de 46 % en 2008 à 50 % en 2011. Fait à noter, le soutien au vote par Internet a diminué chez les répondants qui ont été candidats à plus d'une élection (38 % c. 58 % des nouveaux candidats), et cette proportion ne semble pas être liée à l'âge. Le soutien au vote par Internet était également plus élevé chez les candidats non élus – 54 % c. 37 % des candidats élus.

Innovations au Canada et à l'étranger

Plusieurs options de vote électronique (ou en ligne) visant à répondre aux préoccupations concernant la facilité et l'accessibilité du processus électoral ont été testées et adoptées, ou parfois abandonnées, à l'étranger et au Canada, aux niveaux provincial et municipal. Ces options comprenaient le vote sur des terminaux (aux É.-U.), par ordinateur (au Brésil), par téléphone (dans des villes canadiennes, en G.-B., aux Pays-Bas), par télécopieur (dans certains États américains), par courriel (dans l'armée américaine) et le vote par Internet (dans des villes et des provinces canadiennes, des villes norvégiennes, l'armée australienne, en G.-B., dans l'armée américaine).

Les dispositifs électroniques de vote font à la fois l'objet d'éloges et de critiques à l'échelle mondiale. Plusieurs démocraties établies font l'essai de cette technologie – notamment l'Inde et le Mexique – afin, entre autres, d'aider les électeurs handicapés ou de réduire les dépenses, alors que d'autres administrations l'ont abandonné – notamment les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Irlande et quelques États américains – pour de nombreuses raisons, dont l'inexistence d'un mécanisme de vérification ou d'une trace écrite vérifiable.

Le vote par Internet, y compris la borne électronique, le vote par Internet au bureau de scrutin et le vote par Internet à distance sont à l'essai depuis dix ans dans plus de six administrations gouvernementales internationales de divers niveaux, et ils ont été mis en œuvre dans plus de 45 municipalités au Canada. L'Estonie est le seul pays qui utilise le vote par Internet pour ses élections nationales. Quelques facteurs expliquent cette situation : l'Estonie est le seul pays où la loi considère l'accès à Internet comme un droit social, il s'agit de l'un des pays les plus avancés sur le plan électronique en Europe et il a un long passé de méfiance profonde envers les institutions gouvernementales. Quelques essais – notamment en Australie et en Nouvelle-Zélande – visaient seulement certains groupes d'électeurs et ils étaient ponctuels; dans le cas de la Nouvelle-Zélande, le projet pilote n'a jamais vu le jour à cause de contraintes budgétaires. Plusieurs autres essais ont mené à l'abandon du vote en ligne pour des raisons clés, dont l'important investissement initial, le manque de transparence du processus ou des résultats, les préoccupations concernant la sécurité du vote et d'autres défis d'ordre logistique, une mauvaise planification par les organismes électoraux, y compris des délais serrés, et des grandes attentes.

La polémique entourant les machines à voter ainsi que l'expérience négative des États-Unis avec les machines électroniques à voter ont également contribué à ternir la réputation des machines à voter en général et des postes de vote par contrecoup. Le Royaume-Uni, l'Irlande, les Pays-Bas et la Finlande ont tous déjà mené ou tenté des mises à l'essai de vote à distance à des postes. Dans tous les cas, les projets ont été interrompus, en grande partie en raison des défauts du processus.

Vote par Internet au Canada

En 2011, six provinces ont adopté une loi permettant l'utilisation de diverses formes de vote électronique (Alberta, Colombie-Britannique, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Ontario et Québec), dont le vote par Internet. Plusieurs villes canadiennes ont instauré le vote par Internet pour leurs élections municipales et scolaires pour diverses raisons, afin notamment de répondre au changement du mode de vie des électeurs, d'accroître la participation, d'améliorer l'accessibilité, d'offrir d'autres façons de voter, d'attirer les jeunes électeurs et d'établir la viabilité et la fiabilité du mode de vote électronique. Il s'agit de la municipalité régionale d'Halifax (environnement non contrôlé), en Nouvelle-Écosse, et de 44 municipalités en Ontario, y compris Markham (environnement non contrôlé) et Peterborough (environnement non contrôlé). Dans plusieurs cas, le vote par Internet faisait partie d'un ensemble de modes de scrutin novateurs, tel que le vote par téléphone; dans certains cas, le vote en ligne était seulement permis pendant le scrutin par anticipation.

De façon générale, l'aspect positif de la participation était négligeable. Par ailleurs, dans tous les cas, les électeurs ont profité de l'option, et l'option de vote par Internet resta en place pour les élections suivantes. Élections Ontario étudie d'autres modes de scrutin (sans papier) et d'autres processus automatisés, notamment la tenue d'un vote par Internet, afin de moderniser le processus électoral et d'éliminer les obstacles qui nuisent à certains électeurs.

Dans le but de répondre aux attentes des citoyens en matière de commodité et d'accès aux services gouvernementaux, Elections BC a récemment publié le document Discussion Paper: Internet Voting en vue de fournir des renseignements à un comité ou à un groupe de travail du gouvernement qui pourrait être créé pour étudier la question.

Après l'élection de 2010 à Markham, la ville a embauché la société Delvinia Interactive Corp. pour comparer et analyser le comportement et l'attitude des électeurs de Markham à l'égard du vote par Internet de 2003, 2006 et 2010, et ce, au moyen de données d'enquête et de la rétroaction d'un groupe de chercheurs. Selon le eDemocracy and Citizen Engagement: The Delvinia Report of Internet Voting in the Town of Markham :

  • La raison principale du prolongement du vote par Internet est le côté pratique.
  • 91 % des électeurs en ligne ont choisi de voter à partir de leur domicile, ce qui indique qu'il s'agit du lieu de vote de prédilection en matière de vote par Internet.
  • 99 % des électeurs en ligne voteraient probablement en ligne lors d'une élection fédérale si cette option était disponible.
  • Les électeurs d'âge moyen (de 45 à 55 ans) sont les plus susceptibles de voter par Internet.
  • Les personnes qui votent par Internet affirment voter dans la plupart des élections à tous les ordres de gouvernement.
  • Pour ce qui est des valeurs sociales, les personnes qui votent en ligne se préoccupent moins de la possibilité que leurs renseignements personnels soient recueillis dans des bases de données et ils ne s'inquiètent pas vraiment des répercussions de la technologie sur leur autonomie ou leurs renseignements personnels.
  • Selon des données, le vote en ligne pourrait être une façon utile de rendre le processus électoral plus facile pour les électeurs qui étudient dans des collèges ou des universités.
  • La probabilité de voter en ligne parce que « l'expérience antérieure a été positive » augmente avec l'âge.
  • 78 % des candidats ont affirmé que l'option du vote par Internet avait eu une incidence importante sur leur campagne – à savoir sur les stratégies de la campagne, les tactiques de mobilisation et la participation électorale.
  • 92 % des candidats ont indiqué qu'ils favorisaient « entièrement » ou « en partie » la mise en œuvre du vote par Internet pour l'élection municipale de Markham de 2010.

Machines électroniques à voter au Canada

Certaines municipalités en Alberta utilisent des machines à voter avec écran tactile pour le vote par anticipation. En plus d'utiliser ces machines, quelques municipalités de l'Ontario sont en train d'instaurer des lecteurs optiques. Ces lecteurs sont également utilisés au Nouveau-Brunswick. Le Québec a utilisé les machines électroniques à voter lors des élections municipales de 2005. Cependant, selon le directeur général des élections du Québec, ces machines ont ensuite été laissées de côté en raison d'un cadre législatif et administratif imprécis, de l'absence de spécifications techniques, de normes et d'exigences, ainsi que d'une piètre gestion des systèmes électoraux (en particulier, le manque de mesures de sécurité).

Appareils d'assistance au vote au Canada

Quelques administrations utilisent les appareils d'assistance au vote au niveau municipal en Ontario, ainsi qu'aux niveaux municipal et provincial au Nouveau-Brunswick. Élections Canada a fait l'essai d'un prototype lors des élections partielles de 2010, expérience qui s'est soldée par des résultats non concluants.

Conclusion

Quelles conclusions pouvons-nous nous donc tirer de tout cela?

  • Les changements dans la société, en particulier ceux qui sont alimentés par les nouvelles technologies et l'utilisation accrue d'Internet, influencent les attentes des Canadiens.
  • D'autres administrations canadiennes, autant au niveau municipal que provincial, de même qu'à l'étranger, font des progrès et sont des chefs de file dans l'utilisation des processus électoraux électroniques et en ligne.
  • Les essais de vote électronique ont été mis de l'avant afin de s'attaquer aux problèmes d'accessibilité et de commodité pour les électeurs et, dans certains cas, pour accroître les taux de participation; les recherches démontrent que ce dernier objectif a été atteint beaucoup moins souvent que les deux premiers.

1 Pourquoi la participation décline aux élections fédérales canadiennes : un nouveau sondage auprès des non-votants.

2 Enquête canadienne sur l'utilisation d'Internet.