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Pratiques de consultation et d'évaluation dans la mise en œuvre du vote par Internet au Canada et en Europe

Résumé des pratiques d'évaluation

Il est beaucoup plus simple de mettre la main sur les évaluations postélectorales des cas européens étudiés que sur celles des municipalités canadiennes, car, dans le premier cas, des organismes internationaux se chargent d'agir à titre d'observateurs des élections et de rédiger les rapports officiels. Nous comparons au tableau 3 ces démarches à celles observées au Canada. En Europe, les activités de vote par Internet sont évaluées dans le cadre de l'étude globale des pratiques électorales d'un pays. Parmi les principaux organismes d'évaluation, il y a le Bureau des institutions démocratiques et les droits de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (BIDDH-OSCE) qui se soucie particulièrement d'envoyer des missions d'observateurs dans les États qui tiennent des scrutins par Internet. De plus, dans tous les cas européens que nous avons étudiés, ces missions répondaient à une invitation directe des États concernés, qui leur ont accordé leur appui de façon à obtenir un jugement indépendant et favorable concernant leur élection et à tirer parti de toute recommandation d'amélioration éventuellement formulée. Les critères retenus par l'OSCE sont divers : questions de sécurité, secret, accès au scrutin et transparence du processus de dépouillement. Pour ses rapports, l'OSCE ne réalise pas de recherche, mais se fonde sur les renseignements provenant d'autres sources et de ses observations pendant ses missions.

Dans les instances où des évaluations supplémentaires sont commandées, on peut recourir à des ensembles plus larges de critères d'évaluation. En Norvège, l'Institut de recherche sociale a analysé les effets éventuels du vote par Internet sur la participation électorale, même si cela n'était pas l'un des objectifs officiels des essais. En Suisse, le projet entrepris par le professeur Pascal Sciarini pour le canton de Genève portera également sur la participation électorale, ainsi que sur l'utilisation du vote par Internet par certains sous-groupes de la population. Tant en Norvège qu'en Suisse, l'objet des évaluations supplémentaires est de permettre aux chercheurs universitaires de mener des travaux concernant l'utilisation d'Internet dans le cadre de scrutins et les attitudes du public à cet égard. Parmi les outils de recherche, mentionnons, en plus des sondages d'opinion publique, les groupes de discussion et certaines consultations avec des sous-groupes de la population.

Au Canada, les pratiques d'évaluation semblent évoluer au fil du temps. Lorsque d'autres compétences adoptent le vote par Internet, elles bénéficient du travail effectué par leurs prédécesseurs et se renseignent sur les pratiques exemplaires, les caractéristiques utiles des modèles et les aspects qui n'ont pas aussi bien fonctionné qu'on l'espérait. Avec le temps, l'évaluation semble devenir de plus en plus rigoureuse. La Ville de Markham, avec ses analyses de données et ses sondages exhaustifs, et la Ville d'Edmonton, avec son évaluation détaillée des consultations sur le vote par Internet au moyen de sondages, semblent les plus avancées à cet égard. Dans certaines municipalités de la Nouvelle-Écosse (municipalité régionale du Cap-Breton et Ville de Truro), de vastes discussions ont cours au sein de divers groupes de personnes. Elles ne prennent pas la forme de sondages officiels (sauf dans le cas des fonctionnaires électoraux), mais plutôt de discussions officieuses.

Dans nombre de municipalités canadiennes, on ne procède pas à une évaluation postélectorale systématique, documentée et fondée sur la recherche. Il se peut que les administrateurs municipaux des élections consacrent beaucoup d'efforts à se demander, avant les élections, si le vote par Internet est une politique souhaitable et que lorsque les événements semblent se dérouler comme prévu pendant le scrutin et que le niveau de satisfaction paraît élevé, ils ne ressentent pas l'urgence de mener après coup un processus d'évaluation plus complet et éventuellement coûteux. Pour plusieurs municipalités, l'évaluation des élections habituelles peut se traduire par un court rapport au conseil et par des rencontres de bilan postélectoral, mais les notes et les renseignements demeurent dans un ordinateur ou dans un classeur jusqu'à la prochaine élection.

Les municipalités où le vote par Internet a été utilisé au cours de plusieurs élections apportent des modifications entre les scrutins, ce qui indique qu'il y a bel et bien évaluation. À Markham, par exemple, on a ajouté la date de naissance des électeurs à titre de critère supplémentaire de sécurité pour l'inscription à la liste en 2010, ce qui est une conséquence directe des efforts de réflexion et d'évaluation. Toutefois, lorsque le fonctionnement du vote par Internet réussit l'essai initial sans buter sur les écueils éventuels, il semble être intégré à la procédure opérationnelle courante. De nombreuses municipalités semblent néanmoins conclure qu'il serait souhaitable de mener une évaluation plus rigoureuse, pouvant donner lieu à une refonte des procédures et des processus d'évaluation. Par ailleurs, la décision d'aller de l'avant n'est pas toujours une conclusion qui va de soi, comme en témoignent les décisions prises récemment par les villes de Kitchener, en Ontario, et d'Edmonton de ne pas recourir au vote par Internet dans les prochaines élections, mais plutôt de procéder à une réévaluation ultérieurement.

Il faut souligner que les expériences canadiennes actuelles concernant le vote par Internet se sont toutes déroulées à l'échelon municipal. Les essais à l'échelle provinciale ou fédérale feraient l'objet d'une plus grande vigilance publique, ne serait-ce que parce qu'ils auraient une portée et des répercussions géographiques plus vastes. L'étude du vote par Internet par le groupe d'experts de la Colombie-Britannique suppose évidemment le volet de l'évaluation. Le vote par Internet en est à ses balbutiements, mais un consensus s'en dégage, à savoir que les procédures d'évaluation doivent être détaillées et rigoureuses. L'attention que suscite le vote par Internet et les changements qu'il impose au processus électoral classique génèrent des pressions quant à l'élaboration de procédures et de politiques d'évaluation exhaustives, transparentes et documentées relatives à ce moyen de vote.

Tableau 3 : Comparaison des méthodes d'évaluation du vote par Internet dans certaines instances en Europe et au Canada
Instance Élections tenues par Internet (nombre, type) Type d'évaluation Agents
concernés ou consultés :
Agents internes
Agents
concernés ou consultés :
Agents externes
Critères d'évaluation
Estonie 2 locales

2 nationales

1 extranationale
Sondages d'opinion publique

Rapports et communications (c.-à-d. analyses de chercheurs universitaires, Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe [BIDDH-OSCE], comité électoral national)
Comité du cybervote

Comité électoral national
Chercheurs universitaires

Spécialistes de la TI

Groupe de travail d'experts du BIDDH-OSCE
Légalité

Sécurité

Transparence

Observabilité

Coût
Suisse Nombreux référendums cantonaux Rapports (c.-à-d. Chancellerie fédérale, BIDDH-OSCE)

Analyse en cours par le professeur Pascal Sciarini
Chancellerie fédérale Chercheurs universitaires

Spécialistes de la TI

Commission d'évaluation de la politique publique

BIDDH-OSCE
Participation électorale

Sous-groupes

Attitudes du public

Déterminants du vote en direct

Légalité

Sécurité

Transparence

Observabilité

Coût
Norvège 1 locale Rapports (c.-à-d. ISF, BIDDH-OSCE)

Groupes de discussion

Entrevues

Sondage de l'opinion publique
Ministère du Gouvernement local et du Développement régional

Administrateurs des élections
Spécialistes de la TI

International Foundation for Electoral Systems

Institut de recherche sociale

BIDDH-OSCE
Légalité

Sécurité

Transparence

Observabilité

Coût
Ville d'Edmonton Aucune (élection « bonbon » fictive) Rapports (c.-à-d. rapport d'évaluation des risques, rapport sur la sécurité, rapport du Jury des citoyens sur le vote par Internet, rapport en réponse au sondage d'opinion publique, rapport des réunions consultatives en tables rondes)

Réunion en table ronde avec l'équipe de projet de la Ville
Équipe de projet de la Ville

Équipe du Centre for Public Involvement

Administration municipale

Personnel du Centre for Public Involvement
Vérificateur (Seccuris) Facilité d'utilisation

Fonctionnalité

Sécurité

Vérifiabilité

Protection des renseignements personnels des électeurs
Ville de Markham 3 locales Sondages en ligne auprès des électeurs et sondage auprès des candidats en 2010 (Delvinia)

Sondages auprès des candidats de Markham

Rapports (c.-à-d. rapports de Delvinia, rapport d'évaluation de la Ville)

Vérifications et documentation (c.-à-d. rapport de vérification, évaluation du code du programme, vérification interne de la sécurité)

Séances internes sur les leçons retenues
Administration municipale

Administrateurs des élections
Université Ryerson

Entreprise de sécurité

Delvinia

Personnes ayant voté en direct

Candidats
Municipalité régionale d'Halifax 2 locales (2 élections ordinaires, 1 élection partielle) Vérifications et documentation (c.-à-d. vérification indépendante, rapport du vérificateur, vérification indépendante de la sécurité)

Rapports (c.-à-d. rapport sur le recomptage dans le district 3*, rapport au conseil municipal et à Services et Relations avec les municipalités de la Nouvelle-Écosse, rapport des fournisseurs du système de vote par Internet)

Réunions internes
Administration municipale

Comité des élections

Personnel des élections de la MRH

Groupes internes (c.-à-d. TI, communications, marketing, comité sur l'accessibilité)
Vérificateur indépendant

Entreprise de sécurité

Fournisseur du système de vote par Internet
Accessibilité

Transparence

Coût

Sécurité

Maintien de l'intégrité du vote
Municipalité régionale du Cap-Breton 1 locale Réunions avec le personnel clé

Sondage auprès des fonctionnaires électoraux

Discussions et entrevues avec certaines personnes et certains groupes

Dossier d'examen interne des élections

Vérifications et documentation (c.-à-d. vérification indépendante, rapport du vérificateur)

Rapports (c.-à-d. rapport du directeur du scrutin, rapport du fournisseur du système de vote par Internet)
Personnel de la municipalité

Fonctionnaires électoraux

Personnel du centre d'appels sur le cybervote
Vérificateur (dirigeant principal de l'information, Université de Cape Breton)

Fournisseur du système de vote par Internet

Cercles de personnes âgées

Médias

Candidats

Autres municipalités de la Nouvelle-Écosse
Sûreté

Sécurité

Fiabilité

Accessibilité
Ville de Truro 1 locale Rencontres avec le personnel clé

Discussions et entrevues avec certaines personnes et certains groupes

Dossier d'examen interne de sélection

Collecte des coupures de presse

Rapport du directeur du scrutin

Rapport du fournisseur du système de vote par Internet

Vérification indépendante

Rapport du vérificateur
Personnel des élections

Vérificateur

Dirigeant principal de l'administration
Fournisseur du système de vote par Internet

Journalistes

Candidats

Personnel d'établissements de soins infirmiers et personnes travaillant à d'autres points d'accès du public (c.-à-d. la bibliothèque)
Participation électorale des électeurs

Accessibilité

*Cela ne fait normalement pas partie du protocole d'évaluation des élections. Il s'agit plutôt d'une demande présentée par un candidat en raison d'une faible différence dans le nombre de votes entre les deux principaux candidats, soit moins de 1 % du vote.