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Rapport sur l'Enquête nationale auprès des jeunes : Analyse de la participation politique et civique de sous-groupes de jeunes Canadiens

5. État de la participation politique et civique des jeunes en 2015

5.1 Résumé des conclusions

Les analyses de l'ENJ donnent un aperçu unique de la participation des jeunes Canadiens dans les secteurs politique et civique. Nos conclusions laissent entendre que, en tant que groupe, les jeunes ne sont pas indifférents à la politique. Même s'ils sont moins susceptibles que les adultes plus âgés de voter et de communiquer avec des politiciens, nous constatons que les jeunes participent au moins autant que leurs aînés à la plupart des autres activités politiques non électorales et à la vie civique.

La principale raison pour laquelle les jeunes votent moins et sont moins susceptibles de communiquer avec des politiciens peut être surtout expliquée par les différences dans les attitudes politiques. Les jeunes sont moins intéressés par la politique et la connaissent moins et sont moins susceptibles de croire que voter est un devoir civique. Ils sont également moins susceptibles d'être mobilisés par des partis politiques et de recevoir la carte d'information de l'électeur, ce qui contribue toutefois peu à la plus faible propension des jeunes à participer. Pour paraphraser Sidney Verba et ses collègues (1995, p. 15), les jeunes participent moins que les électeurs plus âgés non pas parce qu'ils « ne le peuvent pas » ou que « personne ne le leur a demandé », mais plutôt parce que, principalement, « ils ne le souhaitent pas ».

Après avoir comparé les sous-groupes de jeunes Canadiens, nous constatons que la participation en 2015 était peut-être plus équivalente que ce qu'ont laissé transpirer les études antérieures sur la participation politique des jeunes au Canada (voir Gélineau, 2013). Une conclusion particulièrement encourageante est l'augmentation de la participation des jeunes Autochtones, qui, contrairement aux élections fédérales antérieures, ont participé à l'élection de 2015 autant que les citoyens non autochtones. Fait intéressant, les jeunes Autochtones demeurent toutefois défavorisés en ce qui a trait aux facteurs liés à la participation au scrutin, comme les ressources socioéconomiques et la connaissance de la politique. En fait, après la prise en compte des différences dans les ressources socioéconomiques, les attitudes politiques et l'exposition à la mobilisation, les jeunes Autochtones étaient, dans une proportion de 6 points de pourcentage, plus susceptibles de voter que les jeunes non-Autochtones.

Cela dit, il existe des données probantes révélant les inégalités entre les taux de participation politique des jeunes en milieu rural et des jeunes sans emploi. Ces groupes se démarquent surtout par le fait qu'ils sont défavorisés en raison de leurs ressources socioéconomiques et de leur piètre connaissance de la politique. Les jeunes en milieu rural sont également beaucoup plus susceptibles d'avoir des enfants, ce qui, selon ce que nous avons constaté, est associé à une plus faible participation électorale pour les jeunes femmes en général, mais pas les jeunes hommes. Cela soulève des questions supplémentaires sur les obstacles liés au sexe qui pourraient empêcher les jeunes femmes de voter.

5.2 Recommandations stratégiques

Globalement, notre analyse dresse un portrait relativement positif de la participation politique et de l'engagement civique des jeunes Canadiens : les inégalités entre les taux de participation déclarés par les jeunes et les adultes plus âgés et entre les sous-groupes de jeunes sont relativement limitées. Cela dit, il reste beaucoup de travail à faire, car les obstacles à la motivation demeurent importants en ce qui concerne la participation politique des jeunes Canadiens. Cela est révélé par l'importance des variables liées aux attitudes, surtout l'intérêt et les connaissances politiques, pour expliquer la plus faible propension des jeunes citoyens à voter et à communiquer avec des politiciens. Sans surprise, les jeunes sont beaucoup plus susceptibles de participer s'ils sont intéressés par la politique et la connaissent. À cet égard, Élections Canada (EC) devrait s'attacher à l'éducation et à la sensibilisation. Par ailleurs, des partenaires communautaires et des établissements d'enseignement devraient collaborer pour proposer de nouvelles activités novatrices pour faire en sorte que les jeunes citoyens soient plus intéressés aux processus politiques et les connaissent mieux.

Le fait que les jeunes ne sont pas autant intéressés par la politique et qu'ils sont moins susceptibles de croire que voter est un devoir civique peut refléter un plus vaste changement de valeurs générationnelles touchant un grand nombre de démocraties établies (voir Blais et Rubenson, 2013; Kostelka, 2015, chapitre 4). Il pourrait être ardu de renverser cette tendance, qui est susceptible d'être problématique à long terme, car la nouvelle génération pourrait, tout compte fait, faire diminuer les taux de participation globaux au Canada. Élections Canada devrait coopérer avec d'autres autorités pertinentes pour déployer des efforts soutenus afin de promouvoir l'engagement envers la démocratie et expliquer ses exigences à tous les niveaux d'enseignement et au-delà. Le message doit être clair : il ne faut pas tenir pour acquise la démocratie, et aucune démocratie ne peut exister si personne n'y participe.

Comme il a été mentionné précédemment, une petite partie de l'écart entre les taux de participation électorale peut être attribuée au fait que les jeunes sont moins susceptibles d'avoir reçu une carte d'information de l'électeur. Cela peut refléter les taux d'inscription moins élevés des jeunes (car seuls les électeurs inscrits reçoivent la carte) et leur plus grande mobilité résidentielle (voir le tableau 3 de la section 3.1). Pour contenir cet effet négatif, on pourrait envisager deux mesures. Tout d'abord, Élections Canada devrait élaborer des stratégies pour promouvoir l'inscription et les nouvelles inscriptions (après un déménagement), surtout auprès des jeunes électeurs. Une suggestion consisterait à collaborer davantage avec les établissements d'enseignement postsecondaire pour veiller à ce que les nouveaux étudiants sachent comment mettre à jour leurs renseignements d'inscription. Ensuite, Élections Canada devrait s'assurer que les cartes d'information de l'électeur sont transmises à tous les électeurs inscrits. Pour ce faire, il pourrait être utile d'envisager de nouvelles façons de joindre les jeunes électeurs. Par exemple, Élections Canada pourrait déterminer s'il est possible de recueillir les adresses de courriel des électeurs inscrits et, en plus d'envoyer la carte d'information de l'électeur par courrier, d'envoyer une copie par voie électronique.

Enfin, les mesures proposées, y compris les campagnes d'information et les séances de formation sur la vie civique, devraient cibler particulièrement les sous-groupes les plus défavorisés en ce qui concerne la participation politique et l'engagement civique : les jeunes sans emploi et ceux vivant en milieu rural. Élections Canada devrait également s'efforcer de consolider les taux de participation plus élevés signalés par les jeunes Autochtones en 2015. En outre, le lien très négatif entre les jeunes mères et le taux de participation autodéclarée par ces dernières devrait encourager Élections Canada à faire plus d'efforts pour que les jeunes familles aient plus de facilité à voter. Cela pourrait être important également à long terme, car, comme la littérature scientifique l'a montré à maintes reprises (p. ex. Jennings 2007), les attitudes et comportements politiques des parents ont une incidence importante sur les comportements des jeunes adultes.