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Participation électorale des jeunes au Canada

6. Conclusion

Selon de nombreux critères, les jeunes Canadiens ne sont pas bien différents de leurs aînés. Cependant, certaines caractéristiques les distinguent. La plus importante est peut-être le fait que la majorité d'entre eux ne sont pas mariés. Ils ont aussi tendance à déménager plus souvent, ils sont un peu plus instruits et un peu moins croyants. Leur revenu familial est un peu moins élevé. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ils sont un peu plus susceptibles d'être nés au Canada.

Nous avons constaté que, parmi les caractéristiques démographiques, le niveau d'instruction et l'origine (c.-à-d. le fait d'être né au Canada) sont celles qui ont la plus grande incidence sur la participation aux élections. Les facteurs politiques – notamment l'intérêt pour la politique et l'information à ce sujet – ont une incidence encore plus grande. Nous avons aussi confirmé que la diminution récente de la participation électorale observée au Canada ainsi que dans de nombreux autres pays est principalement attribuable à la diminution de la participation électorale chez les membres des cohortes récentes. Le taux de participation des personnes qui font partie des cohortes récentes (qui ont le droit de voter pour la première fois) est actuellement d'un peu plus de 30 %, alors qu'il était, à une certaine époque, de plus de 60 %.

On peut donc se demander pourquoi si peu de jeunes électeurs participent au vote. Nous avons constaté que les recherches actuelles ne nous permettent pas de répondre clairement à cette question. Un examen des recherches effectuées donne toutefois à penser que cette situation peut être liée à une évolution de la situation sociodémographique, des valeurs et des attitudes des jeunes, plutôt qu'à une évolution du paysage électoral.

Que devons-nous faire? Il faut d'abord souligner que presque toute l'information recueillie à ce sujet est fondée sur des données de sondage. De telles données sont essentielles, surtout si nous voulons comprendre les valeurs et les croyances qui poussent de nombreux jeunes Canadiens à s'abstenir de participer aux élections. Cependant, les sondages ont des limites, particulièrement en ce qui concerne la participation. En effet, la plupart des personnes qui ne votent pas ne prennent pas la peine de répondre aux sondages, ce qui constitue un problème : les abstentionnistes sont donc grandement sous-représentés dans les sondages électoraux.

Compte tenu de ces lacunes, il faut donc absolument, utiliser d'autres sources de données.C'est pourquoi nous incitons fortement Élections Canada à poursuivre ses analyses des taux de participation par groupe d'âge, en se fondant sur un examen des résultats réels. Cette méthode permet d'obtenir des estimations plus fiables de la participation que la méthode qui utilise les sondages. À ce sujet, soulignons que des études théoriques sur la participation effectuées dans des pays comme les États-Unis et la Grande-Bretagne permettent de valider la participation électorale, c'est-à-dire qu'elles permettent de vérifier si les personnes qui ont dit qu'elles avaient voté l'ont vraiment fait. Nous ne comprenons pas vraiment en quoi la confidentialité de l'acte de voter constitue un droit fondamental, ni pourquoi ce droit est plus important au Canada qu'aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Les sondages pourraient nous permettre d'en apprendre beaucoup plus s'il était possible de vérifier que les répondants ont bel et bien voté.

Il y a aussi lieu de concevoir des expériences afin de mettre à l'essai des idées dans le but d'accroître la participation chez les jeunes. Par exemple, Élections Canada envoie par la poste les renseignements personnels qui permettent aux gens de savoir à quel endroit et à quel moment aller voter. Il est possible que les jeunes accordent moins d'attention au courrier postal, et on pourrait peut-être les toucher davantage si on communiquait avec eux par Internet ou à l'aide d'autres technologies de communication. Pour mettre à l'essai une telle idée, il suffirait de procéder à une expérience au sein d'une circonscription : on communiquerait avec la moitié des électeurs par la poste, et avec l'autre moitié, par Internet ou par un autre moyen, le tout déterminé au hasard. De nombreuses expériences ont été menées aux États-Unis, et elles ont donné des résultats très intéressants (voir Gerber et coll., 2008). Cependant, aucune étude équivalente n'a été menée au Canada.

Nous devons aussi acquérir une plus grande compréhension des écarts sur le plan de la propension à voter des diverses catégories de jeunes. Les données de l'EEC fournissent quelques renseignements utiles au sujet du profil des jeunes qui votent et de ceux qui s'abstiennent, mais ces renseignements sont évidemment limités en raison de la taille relativement petite de l'échantillon et de l'absence de données sur certaines caractéristiques sociodémographiques. Il faudrait donc effectuer un sondage à grande échelle auprès des jeunes afin de savoir plus précisément quels sont les sous-groupes de jeunes les plus et les moins susceptibles de voter. Pour l'instant, nous sommes incapables de dire quoi que ce soit au sujet de la participation chez les jeunes Autochtones, les jeunes qui appartiennent à des groupes ethnoculturels et les jeunes qui ont des besoins spéciaux.

Il est aussi évident que les attitudes et les valeurs des dernières générations ne sont pas les mêmes que celles des générations précédentes et que celles-ci ont une grande incidence sur la diminution récente du taux de participation. Nous avons une bonne idée de ce que sont ces valeurs et ces attitudes, mais nous pouvons difficilement prouver quoi que ce soit parce que nous avons peu de données longitudinales qui nous permettraient de savoir précisément si les attitudes ont changé au fil du temps, et à quel moment ces changements se sont produits. Il faut donc prévoir, pour l'avenir, des études longitudinales qui nous permettront de déterminer de façon précise quelles sont les attitudes qui ont une incidence et celles qui n'en ont pas, et de déterminer en quoi les changements d'attitude ont une incidence sur la décision de voter ou de s'abstenir de le faire. Par exemple, Élections Canada pourrait s'unir à Statistique Canada et à Ressources humaines et Développement des compétences Canada pour l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes.

Enfin, il y a la question des nouvelles technologies. Au Canada, les gens utilisent un bulletin de vote en papier pour exprimer leur choix électoral, ce qui constitue une méthode pour le moins archaïque. La possibilité d'avoir recours à d'autres façons de voter, plus particulièrement au vote par Internet ou par la poste, est une question épineuse puisqu'elle est associée à des questions fondamentales et liées au risque de fraude. En fait, il faudrait effectuer des recherches plus poussées afin d'être plus au fait des avantages et des inconvénients des autres modes de scrutin possibles. Nous devons d'abord examiner ce qui se fait ailleurs dans le monde afin de connaître les expériences qui ont mené à des réussites et à des échecs dans de nombreux pays. Nous devons toutefois aussi effectuer nos propres expériences en fonction des caractéristiques uniques du contexte canadien. Encore une fois, nous recommandons fortement à Élections Canada de procéder à des expériences rigoureuses (avec des groupes témoins et des groupes expérimentaux établis au hasard), peut-être dans certaines circonscriptions ou, pour commencer, dans le cadre d'élections partielles, afin de déterminer si les Canadiens en général, et les jeunes en particulier, auraient davantage tendance à voter s'ils pouvaient le faire à partir de chez eux.

Il reste encore beaucoup de travail à faire pour comprendre vraiment ce qui incite les jeunes Canadiens à participer ou non aux élections. Nous devons adopter diverses méthodes, tant expérimentales que non expérimentales. Nous devons effectuer, en plus des sondages, des analyses des dossiers administratifs. Nous devons effectuer des recherches longitudinales pour comprendre de quelle façon et pour quelles raisons différentes cohortes de personnes en viennent à adopter des comportements différents en ce qui concerne la participation électorale. Et nous devons nous mettre au travail le plus rapidement possible.