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La participation électorale des électeurs handicapés : analyse comparative des pratiques canadiennes

4. Méthodes de vote

Du point de vue de l'accès au vote des personnes handicapées, on peut discuter à la fois des méthodes de vote générales offertes par les commissions électorales à tous les électeurs, et des méthodes conçues spécialement pour les personnes handicapées et à besoins spéciaux.

La méthode de vote « normative » est la suivante : l'électeur inscrit se rend le jour de l'élection à son bureau de scrutin, à l'intérieur d'un édifice, y prend connaissance des instructions, y lit les choix sur un bulletin de papier, y inscrit son choix à la main, seul et confidentiellement, et dépose son bulletin dans l'urne.

Ce modèle de participation et d'administration électorales brille par bien des vertus démocratiques, mais il ne tient pas compte de la diversité des capacités des citoyens, ni des inégalités physiques et matérielles qui caractérisent leurs circonstances de vie. Ce paradigme démocratique traditionnel implique une certaine image de l'électeur : il est normal, autonome et non handicapé. Or, cette image exclut indûment, implicitement et involontairementnote 15, un nombre important de citoyens (American Foundation for the Blind, 2011; Australian Electoral Commission, 2011b; Capability Scotland, 2010; East, 2011; Meekosha et Dowse, 1997; Weaver, 2001).

4.1 À l'étranger

Au cours des années, sous la pression des groupes de défense des droits civiques et de l'égalité, les commissions électorales ont introduit de nouvelles méthodes de vote admissibles à tous les électeurs, notamment le vote par anticipation et le vote des absents (appelé aussi vote par bulletin spécial au Canada et vote postal dans d'autres pays). Au Royaume-Uni, le vote postal a été introduit à la fin des années 1940 à l'intention des invalides; depuis 2001, il est offert à tous les électeurs, handicapés ou non. Cette méthode a donc gagné en popularité aux élections britanniques de 2005, mais des problèmes d'accès auraient néanmoins persisté. Aux fins du présent rapport, il importe de souligner que, au Royaume-Uni, le vote postal reste le seul vrai moyen de voter offert aux personnes handicapées, outre le vote traditionnel (Scope, 2010a : 18-19, et 32-34).

C'est donc dire que, si on les compare du moins aux électeurs canadiens, les électeurs handicapés britanniques ont relativement peu d'options à leur disposition. Ils peuvent demander à ce qu'un parent immédiat, un électeur qualifié ou le préposé responsable les aide à remplir leur bulletin de vote. Question d'empêcher la fraude électorale, « le nom et le numéro d'inscription électorale de la personne handicapée et de son compagnon sont consignés » par le préposé au bureau de scrutin (Scope, 2010a : 15). Depuis la modification de la Representation of the People Act 2000, la réglementation précise que des appareils de vote à affichage tactile doivent être proposés aux électeurs ayant une déficience visuelle ou des problèmes de dextérité afin qu'ils puissent voter de façon autonome et confidentielle (BBC News, 2001; Direct.gov, 2011). Des reproductions à gros caractères du bulletin doivent également être affichées aux bureaux de scrutin pour aider les électeurs qui en ont besoin à remplir leur bulletin ordinaire. Si le lieu de scrutin est inaccessible – problème encore fréquent au Royaume-Uni (Scope, 2010a) – le préposé au vote peut apporter le bulletin à l'électeur, ou ce dernier peut se prévaloir du vote postal (Electoral Commission, 2008).

Par ailleurs, en vertu d'une loi britannique adoptée récemmentnote 16, la méthode traditionnelle de l'inscription électorale, où le chef du ménage inscrivait tous les occupants de son logis, sera progressivement remplacée par l'inscription individuelle. Les groupes de défense des personnes handicapées ont salué cette réforme, mais avec une note de prudence :

L'inscription individuelle est un progrès positif, puisqu'elle empêchera les soignants des personnes handicapées d'omettre délibérément de les inscrire comme électeurs pour les priver de leur vote ou de le leur usurper. Cependant, il faudra absolument que le nouveau système d'inscription au Royaume-Uni tienne compte, dès sa conception, des besoins spéciaux des personnes handicapées, dont la possibilité d'utiliser différentes pièces d'identité, et la réception de l'information dans le format de substitution de leur choix (Scope, 2010a : 10).

Dans leur étude comparative des systèmes électoraux, Karlawish et Bonnie (2007 : 895) constatent que l'Australie :

se montre réticente à adopter des méthodes de vote – par exemple les bulletins en braille, ou le vote assisté par ordinateur – pouvant se substituer au bulletin papier traditionnel. Par conséquent, les préposés aux bureaux de vote itinérants doivent souvent aider les électeurs âgés à remplir leur bulletin de vote, qui perd ainsi son caractère secret.

L'Australian Electoral Commission (2010a, b) confirme qu'à l'élection fédérale de 2010, les électeurs aveugles ou à faible vision ont pu voter confidentiellement au téléphone, auprès d'un centre d'appel sécurisénote 17. Les électeurs handicapés australiens ont aussi pu se prévaloir, au palier fédéral, du « vote assisté », du vote par anticipation, du vote postal et du vote aux bureaux de scrutin itinérants, installés par exemple dans les hôpitaux ou les maisons de soins infirmiers. Par ailleurs, la Western Australia Electoral Commission (2011) a commencé, dans le sillage de réformes législatives au milieu des années 1990, à offrir une gamme de services adaptés aux personnes handicapées : bureaux de vote itinérants, lieux de scrutin accessibles, bureaux de scrutin avec « service au volant », isoloirs modifiés, ATS (appareil de télécommunication pour sourds), affichettes de comptoir pour malentendants, télévisionneuses, écrans de télévision en circuit fermé, feuilles grossissantes, crayons triangulaires, etc. Outre tous ces services, la personne handicapée peut également demander l'aide de la personne de son choix. Après le scrutin de 2005, la Western Australia Electoral Commission a fait un sondage sur le degré de satisfaction de l'électorat envers ses services.

En Nouvelle-Zélande, tous les électeurs sont habilités à demander l'aide d'une autre personne pour lire et remplir le bulletin de vote, ou pour les inscrire et voter en leur nom s'ils sont incapables de comprendre la nature de la décision de s'inscrire comme électeur. Tous les électeurs peuvent également voter par anticipation ou demander de voter ailleurs que dans l'isoloir (Nouvelle-Zélande, Office for Disability Issues, 2011).

Aux États-Unis, une gamme modérée de méthodes de vote sont offertes à la grandeur du pays, tant au niveau des États individuels qu'au palier national. Selon un sondage réalisé par le US General Accounting Office après l'élection de 2000, seulement une ou deux méthodes ou options de vote de substitution étaient offertes dans tous les États; elles visaient particulièrement les personnes handicapées dont le bureau de scrutin était inaccessible. Tous les États permettent le vote des absents sans certificat médical ou notarié, et certains – pas tous – prévoient aussi, par loi ou politique, le réassignement des bureaux de scrutin en cas d'inaccessibilité, ou le vote à l'extérieur du bureau de scrutin, le vote par anticipation, le vote postal ou le vote à domicile (US General Accounting Office, 2001 : 6-7). Dans l'isoloir ou au bureau de scrutin, d'autres accommodements sont aussi offerts aux électeurs handicapés : aide au vote, loupes pour faciliter la lecture, instructions spéciales, bulletins à gros caractères et bulletins en braille. Au moment du sondage, ces accommodements n'étaient toutefois pas obligatoires dans la majorité des États (US General Accounting Office, 2001 : 16).

Dès 2000, année d'élection, de nouvelles technologies électroniques ont été introduites pour venir en aide aux électeurs malvoyants ou handicapés physiquement : lecteurs optiques et machines à voter électroniques, ordinateurs à main (eSlate), synthétiseurs de parole et écrans tactiles. D'autres méthodes spéciales sont aussi offertes aux États-Unis selon la région ou le palier électoral : préposés à la lecture des options, enregistrements audio, contacteurs au souffle, bulletins partiellement en braille, etc. (Howell, 2011; O'Sullivan, 2001; Sabatino et Spurgeon, 2007).

Dans les quatre pays étrangers étudiés, le vote électronique ou sur Internet n'est pas encore une méthode largement employée, ce qui s'explique peut-être par la force d'inertie des méthodes traditionnelles, ou par des considérations liées à la confidentialité des renseignements personnels et à la protection de l'intégrité des listes électorales (Karlawish et Bonnie, 2007 : 899; Sabatino et Spurgeon, 2007; Schur et al., 2002). L'Australie a mis à l'essai le vote numérique, par technologie de l'information, lors d'un scrutin fédéral (Australian Electoral Commission, 2010a), et le Royaume-Uni a fait de même lors d'élections locales et nationales entre 2002 et 2007; il a notamment évalué l'accessibilité de ces technologies pour les électeurs handicapés. Le vote électronique a été testé sous plusieurs formes : « guichets électroniques », vote sur Internet, vote téléphonique, vote par message texte, et vote par système de télévision numérique. La Commission électorale de la Grande-Bretagne a exprimé ses préoccupations quant à l'accessibilité des méthodes et aux risques qu'elles posent pour l'intégrité du processus électoral (Scope, 2010a : 19-22). À noter enfin que tous les pays étudiés aux fins du présent rapport offrent de l'information électorale sous plusieurs formats à l'intention des électeurs aveugles, sourds et aveugles et malvoyants (voir, par exemple, Scope, 2010a : 14-15).

4.2 Au Canada

Au sujet du système électoral canadien, Karlawish et Bonnie (2007 : 905) écrivent ce qui suit :

Les initiatives prises par le Canada ces deux dernières décennies semblent avoir considérablement amélioré l'accès au vote des personnes âgées ayant une déficience. Au nombre de ces améliorations, on compte les bureaux de vote itinérants et l'apport de changements novateurs à la présentation et aux formats du bulletin de vote afin qu'il soit plus facile à remplir de manière autonome.

De plus, le Canada s'est doté de plusieurs protections contre la fraude électorale. Ainsi, grâce aux bureaux de scrutin itinérants, gérés par des préposés au vote, les employés des maisons de soins infirmiers peuvent difficilement s'approprier ou manipuler le vote de leurs résidents. C'est pour la même raison que les particuliers (s'ils ne sont pas de la famille) ne peuvent aider à voter qu'un seul électeur handicapé, et seulement après avoir prêté serment.

Les bureaux de scrutin itinérants dont les auteurs parlent ci-dessus sont des bureaux installés au lieu de résidence de l'électeur, le plus souvent un centre de soins de longue durée, un hôpital, une maison de soins infirmiers ou un foyer pour personnes âgées. Cette méthode sert au vote des électeurs vivant dans des régions éloignées ou isolées au Canada, mais aussi en Australie et aux États-Unis. Le vote par procuration – qui consiste à déléguer son droit de vote à une autre personne en particulier – est également en usage dans certains pays, et peut servir entre autres aux électeurs handicapés. Une autre méthode existe aussi, au Canada à tout le moins : le certificat de transfert, qui permet aux personnes en fauteuil roulant de voter à un bureau de scrutin muni d'un accès de plain-pied si le leur est inaccessible (p. ex., portes et corridors trop étroits, escaliers impraticables, pas d'ascenseur).

Outre le vote aux bureaux de scrutin ordinaires le jour de l'élection, les commissions électorales fédérale/provinciales/territoriales offrent à l'électorat canadien le vote par anticipation, le vote postal ou par bulletin spécial, le vote à domicile, le vote au bureau du directeur du scrutin, le vote aux bureaux de vote itinérants, le vote par certificat de transfert et, au Nunavut et au Yukon, le vote par procuration (Élections Canada, 2010a : 492; 2011c).

On constate en effet « l'apport de changements novateurs à la présentation et aux formats du bulletin » visant à faciliter l'accès et le vote des électeurs ayant un handicap physique et mental. Parmi ces innovations figurent les appareils audio-tactiles, les cassettes audio et les bulletins en braille à l'intention des électeurs aveugles ou malvoyants; la traduction des bulletins en une multitude de langues outre l'anglais et le français; les DVD et CD; l'impression en gros caractères, par exemple des noms des candidats, et en caractères en relief. Par le passé, les électeurs malvoyants devaient souvent compter sur l'aide d'un assistant pour marquer leur bulletin de vote. Pour remédier à cette situation et permettre à ces électeurs de voter dans le secret, Élections Canada a produit en 2006, avec l'aide de l'Institut national canadien pour les aveugles (INCA) et d'autres groupes, un nouveau gabarit de vote en plastique (Institut national canadien pour les aveugles, 2011a; 2011b).

Des progrès ont été réalisés ces dernières années dans le domaine de l'aide au vote – tant humaine que technologique. On entend par aide humaine au vote, par exemple, l'appel à un assistant (un membre de la famille ou un autre citoyen, voire un préposé au vote) pour s'inscrire et marquer le bulletin de vote; le recours sur demande à un traducteur-interprète ou à un interprète gestuel; etc. Dans le même esprit, le Directeur général des élections du Québec a mis à l'essai lors d'une élection partielle récente un bulletin de vote portant la photo de tous les candidats, pratique qui sera adoptée à la grandeur de la province aux élections générales. Les Territoires du Nord-Ouest utilisent eux aussi cette façon de faire.

Diverses technologies d'aide au vote ont récemment été mises à l'essai dans les provinces du Canada, comme le vote par contacteur au souffle destiné aux électeurs paralysés ou qui ne peuvent utiliser leurs mains pour voter (Adam, 2011). À l'élection fédérale partielle dans Winnipeg-Nord en novembre 2010, Élections Canada a testé, sur approbation du Parlement, un appareil d'instruction audio pour personnes malvoyantes ou analphabètes (Owen, 2010). Si l'appareil n'était pas offert à leur bureau de scrutin, les électeurs qui en avaient besoin pouvaient obtenir un certificat de transfert à un autre bureau. Toutefois, « Élections Canada a décidé de ne pas poursuivre l'expérience avec cet appareil, mais continuera de chercher d'autres méthodes qui pourraient faciliter le vote des électeurs ayant une déficience. Entre-temps, il continuera d'offrir à ces électeurs une vaste gamme de services » (voir Élections Canada, 2011d, pour de plus amples détails).

Le tableau 2 illustre quelles initiatives législatives et administratives sont offertes aux électeurs handicapés canadiens, aux paliers fédéral, provincial et territorialnote 18.

Tableau 2 – Initiatives législatives et administratives destinées aux électeurs handicapés au Canada et dans les provinces/territoires (au 22 février 2012)
Initiatives législatives CA TN ÎPÉ NB QC ON MB SK AB CB YK TNO NU
Pouvoirs du directeur général des élections
• Réaliser des études sur les méthodes de vote de substitution
• Tester les méthodes de vote de substitution
• Programme d'information/d'éducation publique
Formation
• Sensibilisation des employés aux besoins des électeurs handicapés
Obligation de rendre des comptes sur :
• l'accessibilité des lieux de scrutin
• les catégories de l'équipement d'accès utilisé
• les catégories de technologies de vote utilisées
Méthodes de vote
• Électeurs absents, bulletin postal
• Vote à domicile
• Bureau de vote itinérant
• Certificat de transfert
• Vote par procuration
Accès de plain-pied
• Aux bureaux de vote par anticipation ✔* 1 ✔* ✔* ✔* ✔* ✔*
• Le jour de l'élection ✔* ✔* ✔* ✔* ✔* ✔*
• Aux bureaux des directeurs du scrutin ✔* ✔* ✔* ✔* ✔*
Interprétation
• Traducteur-interprète 2
• Interprète gestuel
Aide à l'électeur
• Gabarit (pour les électeurs malvoyants)
• Par le scrutateur
• Par une autre personne
• Transport du matériel jusqu'à l'électeur alité
• Transport de l'électeur jusqu'au bureau de vote

1. L'astérisque (*) indique que la loi stipule que le lieu de scrutin doit être facile d'accès, caractère qui peut impliquer l'accès de plain-pied, mais aussi dépendre de l'emplacement physique et d'autres facteurs.

2 Il incombe toutefois à l'électeur d'obtenir lui-même les services du traducteur-interprète.

Initiatives administratives CA TN ÎPÉ NB QC ON MB SK AB CB YK TNO NU
Communications et consultations ciblées
• Envoi de bulletins électroniques, notamment aux électeurs handicapés
• Consultation de divers groupes, dont les électeurs handicapés
Site Web
• Page Web consacrée aux électeurs handicapés
• Possibilité de grossir les caractères
• Possibilité de changer la police
• Possibilité de changer la couleur
• Fonction tactile
• Rapports disponibles en formats accessibles
Services offerts
• Ligne d'information ATS
• Brochures audio
Matériel offert
• Braille
• Gros caractères
•  Loupes
• Langage clair
• Annonces sous-titrées
Pièce d'identité acceptée pour le vote 3
• Carte de l'INCA S.O. S.O. S.O. S.O. S.O. S.O.
• Lettre ou attestation signée par l'administrateur du foyer ou de la maison de soins infirmiers de la personne âgée S.O. S.O. S.O. S.O. S.O. S.O.
Outils d'aide au vote
• Casques d'écoute
• Boutons tactiles
• Clavier à grosses touches en braille
• Commutateurs à bascule
• Contacteur au souffle
Évaluation
• Formulaire de rétroaction sur l'accessibilité
Projets pilotes
• Appareil d'aide au vote
• Photo des candidats sur le bulletin                

3 Terre-Neuve-et-Labrador, l'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba, le Yukon et le Nunavut n'obligent pas dans la loi les électeurs à prouver leur identité et/ou leur résidence pour voter. En Alberta, l'électeur qui n'est pas inscrit comme électeur mais qui souhaite voter doit fournir une preuve d'identité et de résidence. Seules sont mentionnées dans le tableau ci-dessus les pièces d'identité spécifiques aux électeurs handicapés; à noter qu'elles doivent être validées par une deuxième pièce d'identité et/ou de résidence.

S.O. = sans objet

Source : sites Web des commissions électorales et autres documents publics.

Comme le montre le tableau 2, les commissions électorales canadiennes, aux niveaux national, provincial et territorial, offrent actuellement aux électeurs handicapés une gamme de 22 services fondés dans la loi. Aucune commission électorale n'offre la totalité de ces services, mais Élections Ontario (19 sur 22) et Élections Canada (17 sur 22) s'en approchent. Toutes les commissions fournissent au moins six services, mais pas toujours les mêmes. Ce niveau de service minimal aux personnes handicapées semble supérieur à celui qu'on observe, tant au niveau national qu'à celui des États, aux États-Unis (US General Accounting Office, 2001).

Au Canada, les services les plus communément prévus par la législation électorale sont le vote postal (offert par 13 des 14 commissions électorales); l'accès de plain-pied le jour de l'élection (13 sur 14) et pendant le vote par anticipation (12 sur 14); et les bureaux de vote itinérants (12 sur 14). Ce sont des méthodes courantes de voter, et parfois d'accéder au bureau de scrutin, ce qui est peut-être l'essence même de la participation électorale universelle. Les services de traducteurs-interprètes et l'assistance au vote par le scrutateur ou une autre personne sont également offerts par 11 des 14 commissions électorales. D'autres mesures ne sont toutefois mises en œuvre que par une poignée de commissions : c'est le cas de la sensibilisation des employés aux besoins des électeurs handicapés (1 commission); de la reddition de comptes sur l'accessibilité (2); et du transport des électeurs handicapés jusqu'aux bureaux de scrutin (2).

À l'ère de la Charte canadienne des droits et libertés et de l'activisme social en faveur des personnes handicapées, la législation électorale canadienne présente deux lacunes assez surprenantes. Premièrement, l'interprétation gestuelle n'est garantie dans la loi qu'au niveau fédéral et dans quatre provinces/territoires; elle n'est garantie dans aucune des provinces de l'Atlantique ni de l'Ouest. Deuxièmement, trois des provinces et l'ensemble des trois territoires n'offrent pas de gabarit pour le vote des électeurs ayant une déficience visuelle. Pourtant, les handicaps qui nécessitent ces mesures d'aide sont bien connus depuis longtemps dans la société canadienne.

Par ailleurs, les directeurs généraux des élections sont relativement peu nombreux à être habilités explicitement par la loi à réaliser des études sur les méthodes de vote de substitution (4 DGE) ou à tester ces méthodes lors d'élections partielles ou générales sur approbation d'un comité parlementaire (5 DGE). De ce nombre, seulement deux directeurs généraux des élections – ceux du Canada et de l'Ontario – sont habilités à la fois à étudier et à mettre à l'essai des méthodes de vote conçues pour les électeurs handicapés ou d'autres groupes désavantagés. De fait, à peine trois commissions électorales ont lancé des projets pilotes sur l'utilisation d'appareils d'aide au vote.

En plus de toutes ces mesures prévues dans les textes législatifs, le tableau 2 montre que les commissions électorales du Canada offrent aux électeurs handicapés 25 services de nature administrative. Les services administratifs les plus courants sont les suivants : page Web consacrée aux électeurs handicapés (offert par 8 commissions); matériel en braille (8); ligne d'information ATS (6); et matériel en gros caractères (6). Cependant, la plupart des commissions électorales provinciales et territoriales offrent au plus cinq de ces mesures administratives; quatre commissions – dans des provinces de petite taille ou des territoires peu peuplés – n'en offrent même pratiquement aucune.

Outre Élections Canada, rares sont les commissions électorales au Canada qui adressent des communications ciblées aux électeurs handicapés, engagent des consultations spéciales avec des associations issues de cette collectivité, ou distribuent des formulaires de rétroaction sur l'accessibilité du processus électoral. Pourtant, ces mesures ne sont-elles pas utiles, dans une perspective d'avenir, quand on souhaite mieux répondre aux besoins des personnes handicapées et améliorer l'accessibilité du processus électoral? Qui plus est, il n'y a pratiquement que le Nouveau-Brunswick et l'Ontario qui offrent de l'équipement d'aide au vote.

C'est l'Ontario (23), le palier fédéral (15) et le Nouveau-Brunswick (12) qui réunissent le plus grand nombre de ces mesures administratives, et c'est là aussi que la législation électorale prévoit le plus d'initiatives pour les électeurs handicapés. Il appert donc que les mesures administratives complètent – sans remplacer – les initiatives législatives. Les unes comme les autres sont donc nécessaires au soutien dynamique de la participation électorale des électeurs handicapés.

À la lumière de tout ce qui précède, on peut classer en trois groupes les 14 commissions électorales du Canada. Le premier groupe est composé du palier fédéral, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario. Comme on l'a fait remarquer ci-dessus, ces trois administrations sont celles qui prennent le plus activement des mesures législatives et administratives à l'appui des électeurs handicapés. Elles offrent au moins la moitié – quand ce n'est pas beaucoup plus – de la totalité des initiatives gouvernementales relevées à la grandeur du pays. Le deuxième groupe réunit les commissions électorales de cinq provinces (N.-É., Qc, Man., Alb. et C.-B.); chacune offre environ le tiers de l'ensemble des mesures législatives et administratives du tableau 2. Enfin, appartiennent au troisième groupe les provinces restantes et les trois territoires (T.-N.-L., Î.-P.-É., Sask., Yn, T.-N.-O. et NU), où on trouve un répertoire modeste d'initiatives législatives, et au plus quelques mesures administratives pour électeurs handicapés.

Dans ce contexte hétérogène, les commissions électorales, les parlementaires, les groupes de défense des personnes handicapées et les autres intervenants gagneraient sûrement à échanger sur leurs expériences respectives, et à en tirer des leçons sur les pratiques qui pourraient être étendues à de nouvelles régions. Il semble que certaines réformes nécessiteraient une modification de la législation, mais que d'autres changements importants pourraient être apportés sur la simple décision administrative des responsables électoraux.

Enfin, on peut noter que l'expérience du vote sur Internet a été tentée par des municipalités telles que Halifax, Peterborough et Markham (Matas, 2011). À Markham, en Ontario, des postes de vote sur Internet (d'une valeur approximative de 25 000 $) ont été installés pour le vote par anticipation, et des tabulatrices de votes par lecture optique ont servi le jour du scrutin (Ferenc, 2003; Kapica, 2009). Dans le même ordre d'idées, la Ville de Winnipeg a utilisé, lors du vote par anticipation et le jour de l'élection municipale de 2010, de nouvelles machines à voter destinées aux personnes handicapées et à d'autres groupes. Les électeurs handicapés ont aussi eu la possibilité d'utiliser un clavier-imprimante, un gabarit en braille ou un commutateur à bascule, ou de faire appel à un assistant (Rollason, 2010). Ces méthodes ont aussi été adoptées par d'autres municipalités : les bulletins en braille à Saskatoon (Boklaschuk, 2003), les machines à voter accessibles pour les électeurs aveugles à Toronto en 2010 (Rae, 2010), etc.


Note 15 Dans beaucoup de pays, les restrictions historiques au droit de vote étaient toutefois intentionnelles à l'endroit des personnes appelées aliénées, folles ou débiles, c'est-à-dire les personnes souffrant de maladie mentale ou d'un handicap intellectuel et cognitif.

Note 16 Political Parties and Elections Act 2009, Parlement du Royaume-Uni.

Note 17 Aux élections fédérales de 2010, le vote téléphonique a été offert pendant la période électorale et le jour de l'élection elle-même, dans tous les bureaux de division de l'Australia Electoral Commission, ainsi qu'à d'autres emplacements choisis (125 emplacements en tout). Quand l'électeur appelait l'un de ces centres, on rayait son nom de la liste électorale, puis on lui permettait de voter confidentiellement au téléphone (People with Disability, 2011).

Note 18 À noter que les données de ce tableau sont tirées de sources d'information publiques, lesquelles ne sont pas nécessairement exhaustives.