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Le fardeau de voter aux élections fédérales canadiennes de 2019

Chapitre 6 : Conclusion

L'objectif de cette étude était de fournir une description précise des fardeaux associés à l'acte de voter, d'identifier les groupes ayant des fardeaux plus élevés et de déterminer l'impact de ces fardeaux sur la participation. Nous nous intéressons aux fardeaux subjectifs perçus, car ce n'est pas la réalité objective qui importe en fin de compte, mais la façon dont les citoyens perçoivent la facilité ou la difficulté de voter. C'est sur la base de ces perceptions que les gens décident de voter ou de s'abstenir. Nous avons utilisé l'étude nationale auprès des électeurs réalisée par Élections Canada, qui a deux grandes vertus. Tout d'abord, elle contient de nombreuses questions sur ces fardeaux perçus, ce qui nous permet de distinguer ceux qui sont liés à l'inscription, au fait de se rendre au bureau de vote, au fait de déposer un bulletin de vote et au fait de décider pour qui voter. Deuxièmement, l'échantillon est vaste, ce qui signifie que nous avons pu examiner ces fardeaux dans de nombreux groupes et sous-groupes.

Nos analyses sont porteuses de très bonnes nouvelles. Comme nous le soupçonnions avant de nous lancer dans cette étude, la grande majorité des Canadiens trouvent qu'il est très facile de voter. Le fardeau le plus lourd, celui de décider pour qui voter, est faible dans l'ensemble et il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire à ce sujet. Il faut généralement moins de 10 minutes aux personnes pour se rendre au bureau de vote et moins de 10 minutes pour déposer leur bulletin une fois qu'elles sont rendues au bureau de vote. Ce chiffre est jugé raisonnable par la quasi-totalité des électeurs. Les attentes des gens sont généralement réalistes. L'évaluation de ces fardeaux par les citoyens ne change pas beaucoup a posteriori. Les gens s'attendaient à ce que voter soit facile et ont indiqué, après l'élection, que ce l'avait effectivement été. Par conséquent, ceux qui se sont abstenus l'ont fait beaucoup plus par manque de motivation qu'en raison des obstacles.

Pourtant, des améliorations peuvent être apportées. Il existe de petits groupes d'électeurs qui trouvent le vote quelque peu difficile et ces perceptions ont un effet négatif sur leur propension à voter. Faciliter l'acte de voter pour tout le monde augmenterait la participation, pas de beaucoup, mais de quelques points de pourcentage, nous devrions donc faire tout ce que nous pouvons en ce sens et, ainsi, augmenter un peu la participation.

Nous avons examiné les caractéristiques sociodémographiques des personnes qui ont le plus de difficulté à voter. L'âge est de loin la caractéristique la plus importante. Les 18-24 ans sont beaucoup moins enclins à dire qu'il est très facile de voter, leur taux de participation est beaucoup plus faible et leur faible taux de participation est plus fortement affecté par les contraintes perçues que par les facteurs de motivation. Nos analyses suggèrent que c'est ce groupe qu'il faut cibler en priorité. Nous devons réfléchir de manière approfondie et créative à la façon de faciliter l'acte de voter pour les jeunes.

Nous constatons également que la perception du fardeau de voter est plus élevée chez les pauvres et les minorités raciales. Les groupes défavorisés de la société perçoivent le vote comme un peu plus difficile. Le revenu et la race n'ont pas autant d'importance que l'âge, mais ils sont clairement en jeu. Les pauvres considèrent que se rendre au bureau de vote est particulièrement difficile, tandis que les minorités raciales sont plus préoccupées par ce qu'elles doivent faire une fois qu'elles sont rendues au bureau de vote.

Nous avons également accordé une attention particulière à des sous-groupes précis. Dans l'ensemble, les Autochtones hors réserve, les personnes ayant un handicap modéré et les Néo-Canadiens ne considèrent pas le vote comme particulièrement difficile. Cependant, les Autochtones vivant dans les réserves ont tendance à trouver le vote difficile et sont beaucoup plus enclins à s'abstenir. Pourtant, les fardeaux ne semblent pas être la raison principale de leur faible participation. L'analyse de ce point mériterait une attention plus détaillée dans une étude séparée.

Les personnes souffrant d'un handicap grave continuent de faire face à des fardeaux plus importants pour se rendre au bureau de vote, mais nous devons souligner que cette difficulté n'est pas la raison principale de leur faible participation.

Enfin, il y a le groupe de ceux qui n'ont jamais voté auparavant lors d'une élection. Ces personnes sont peu susceptibles de voter, avant tout parce qu'elles s'intéressent moins à la politique que les électeurs et ne perçoivent pas le vote comme un devoir civique. Nos analyses indiquent qu'ils perçoivent des fardeaux plus élevés et que certains d'entre eux voteraient s'ils pensaient que c'est très facile.

Il y a bien sûr un chevauchement important entre ce groupe et celui des 18-24 ans. Il semble que le fait de ne pas avoir voté auparavant peut amener quelqu'un à croire que le vote n'est peut-être pas si facile. Ce n'est peut-être pas si différent de ce que nous ressentons lorsque nous sommes confrontés à une nouvelle tâche, comme apprendre à utiliser un nouvel appareil numérique ou une nouvelle plate-forme pour les conférences en ligne.

Nous aimerions terminer par quelques recommandations qui, selon nous, découlent de nos conclusions.

La première recommandation est qu'Élections Canada devrait dire très clairement aux Canadiens que voter est facile et prend peu de temps. Élections Canada devrait informer les citoyens des obstacles potentiels et de la nécessité de fournir une preuve d'identité et d'adresse, par exemple, au bureau de vote; mais le message principal devrait être que le vote est simple et rapide, et ce message doit être transmis plus délibérément.

La deuxième recommandation est qu'Élections Canada devrait familiariser les Canadiens avec le processus de vote et le plus tôt sera le mieux. L'un des moyens consiste à encourager les parents à amener leurs enfants au bureau de vote (et à permettre aux enfants de les accompagner lorsqu'ils votent). Une autre solution consiste à organiser davantage d'élections simulées dans les écoles au même moment que les élections réelles et avec les mêmes bulletins de vote, comme cela se fait dans le cadre du programme Vote Étudiant Canada. Les gens sont plus susceptibles de croire que le vote est facile s'ils ont déjà voté auparavant.

La troisième recommandation concerne l'inscription. Pour la grande majorité des Canadiens, l'inscription n'est pas une préoccupation. Ils sont inscrits et ne s'en inquiètent pas. Mais pour une petite minorité, et en particulier chez les jeunes, cela peut constituer un fardeau important, et ce fardeau a un impact significatif sur la propension à voter. Croire qu'il sera difficile de s'inscrire est une forte incitation à ne rien faire et à s'abstenir de voter. Par conséquent, l'inscription devrait être entièrement automatique. Bien que la création du registre des futurs électeurs soit une mesure positive 29 , dès qu'une personne atteint 18 ans ou devient citoyen canadien, elle devrait être ajoutée à la liste électorale sans avoir à faire quoi que ce soit de plus. En Suède, par exemple, l'inscription est automatique lorsque les citoyens atteignent l'âge légal pour voter, et nous ne voyons aucune raison de ne pas suivre cette pratique au Canada 30 .

Notre dernière recommandation concerne la façon dont Élections Canada communique avec les Canadiens. Les communications officielles informant les personnes qu'elles sont inscrites à une adresse donnée et que les bureaux de vote par anticipation et ordinaires sont situés à un endroit donné et pour une période donnée arrivent par la poste. Nous savons tous que le courrier n'est pas un moyen de communication familier pour la jeune génération. Il faudrait s'efforcer de fournir ces informations sur Internet et d'informer les gens par le biais des médias sociaux qu'il leur suffit de cliquer sur un lien et de saisir leur adresse pour savoir exactement où et quand ils peuvent voter. Cette information pourrait également indiquer s'ils sont inscrits ou non sur le registre national des électeurs à cette adresse. Cela aiderait en particulier les étudiants, car ils peuvent avoir une adresse permanente au domicile de leurs parents, mais vivre temporairement sur le campus et, en tant que tels, se trouvent dans une position exceptionnelle qui leur permet de choisir où voter.

Ces différentes mesures permettraient, selon nous, de diminuer le sentiment de fardeau chez certains électeurs et auraient pour effet positif d'augmenter la participation de quelques points de pourcentage. Nous devons être réalistes. L'abstention est avant tout motivée par le manque de motivation. Néanmoins, nous devons veiller à ce que personne ne s'abstienne de voter parce que c'est trop difficile ou parce qu'il pense que cela pourrait être trop difficile. Nous faisons déjà du bon travail en réduisant les obstacles au vote. Mais nous pouvons faire mieux.

Notes de bas de page

29 Depuis le 1er avril 2019, les citoyens canadiens âgés de 14 à 17 ans peuvent demander à figurer sur le registre des futurs électeurs au niveau fédéral, et dès qu'ils ont 18 ans, ils sont automatiquement ajoutés au registre national des électeurs.

30 https://www.norden.org/en/info-norden/right-vote-sweden