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Incidences potentielles de la prolongation du vote par anticipation sur la participation électorale

Aperçu comparatif

Dans plusieurs pays du monde, on facilite le vote en donnant plus de possibilités de l'exercer, mais aucune disposition unique n'est suivie par tous les pays. Le recours à des méthodes différentes de vote varie d'un pays à l'autre, et le cadre de vote étendu que propose le projet de loi C-55 ferait du Canada un cas unique dans le monde. À notre connaissance, seule la loi électorale de Suède prévoit une telle combinaison de possibilités de votenote 2.

Un nombre important de pays démocratiques dans le monde utilisent le vote par anticipation. Sur l'échantillon de 61 pays démocratiques examinés dans la présente étude, 20 pays se servent du vote par anticipation. Seulement trois (l'Estonie, le Canada et la Suède) offrent cette possibilité à tous les électeurs sans raison particulière (Massicotte et autres, 2003). D'autres pays offrent cette possibilité seulement aux électeurs qui ne peuvent pas voter le jour du scrutin à cause de leur emploi ou d'une incapacité physique. D'après le tableau comparatif « Le vote le jour du scrutin et le vote par anticipation dans des pays sélectionnés » (voir l'annexe A), sur les 18 pays inclus dans l'analyse qui permettent le vote par anticipation, seulement 8 offrent la possibilité de voter par anticipation le dimanche. De plus, la Suède est le seul pays qui permet le vote par anticipation la veille du jour du scrutin, soit le dimanche. Dans d'autres pays, la pratique habituelle consiste à établir un nombre minimum de jours de vote par anticipation avant le jour du scrutin.

Une autre méthode consiste à tenir l'élection soit un jour férié, soit un jour de repos. Dans l'échantillon de 61 pays démocratiques étudiés par Blais et autres (2003), 73 % tiennent des élections un jour de repos (la fin de semaine ou un jour férié spécialement désigné pour l'élection). Selon une autre étude, 58 % (56 sur 96) des pays de l'enquête (y compris des pays démocratiques et non démocratiques) tiennent des élections le dimanche et, dans 70 % des cas, le vote a lieu le samedi ou le dimanche (le directeur général des élections du Québec, 2004).

Les arguments pour et contre la tenue de l'élection un jour de repos sont multiples. Selon certains adeptes, il est facile de voter un jour de repos parce que les électeurs ont plus de temps pour aller aux urnes qu'un jour de semaine, sachant que la plupart des gens sont au travail. De plus, les écoles – qui servent souvent de bureaux de scrutin – peuvent être directement utilisées les jours de repos et les jours fériés alors que, pendant la semaine, elles ne peuvent parfois être utilisées que si les élèves se voient accorder un jour de congé (Massicotte et autres, 2003). Le directeur général des élections du Québec (2004) a recommandé le vote le dimanche pour plusieurs raisons : recrutement plus facile du personnel pour le jour du scrutin, facilitation de l'accès aux écoles, élimination de l'inconvénient pour les parents dont les enfants se voient accorder un jour de congé si le jour du scrutin est un jour de semaine, élimination de la difficulté pour les employeurs d'accorder du temps à leurs employés pour aller voter, et accès accru pour les électeurs âgés et ceux ayant des besoins spéciaux. Ceux qui s'y opposent estiment que les électeurs préféreront peut-être profiter d'un jour de congé pour faire d'autres activités sans se donner la peine de voter. La Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis (Commission Lortie, 1991) a fait valoir qu'une majorité de militants politiques, ainsi que la population en général, semblaient être réfractaires à l'idée d'un vote le samedi. Par conséquent, elle recommandait de conserver le lundi comme jour de scrutin pour les élections fédérales.

Une solution – celle qui est proposée dans le projet de loi C-55 – consiste à avoir deux jours consécutifs similaires pour voter, un le dimanche qui précède immédiatement le jour du scrutin et l'autre un jour de semaine, par exemple le lundi. On présume que certaines personnes préfèrent voter un jour de repos tandis que d'autres un jour de semaine. Le fait d'offrir ces deux possibilités devrait normalement aider.

Le fait de prévoir deux jours consécutifs pour les scrutins réguliers se trouve rarement dans les législations électorales. L'ajout du nombre de jours de scrutin augmente le coût des élections, et une majorité écrasante de pays démocratiques tiennent leurs élections législatives en une seule journée. Très rares sont les pays dont les élections se déroulent pendant deux jours consécutifs. À notre connaissance, il s'agit de la République tchèque (le vendredi et le samedi), la Namibie (soit le mardi et le mercredi, soit le mercredi et le jeudi) et le Zimbabwenote 3 (le samedi et le dimanche). La Slovaquie a tenu deux jours consécutifs de scrutin régulier en 1994 et en 1998, mais la loi électorale a été modifiée en 2004 et depuis, seulement un jour du scrutin est autorisé. Toutefois, il est intéressant de noter que, dans la République tchèque, il n'existe pas de possibilité de voter autrement. De la même manière, aucun vote par anticipation, par procuration ou par la poste n'était permis en Slovaquie lorsque le pays prévoyait deux jours consécutifs de scrutinnote 4 (en Namibie, seul le vote par anticipation est permis pour quelques groupes d'électeurs et, au Zimbabwe, seul le vote postal est utilisé).

Enfin, il convient de noter qu'aucune administration au Canada n'a eu recours récemment au vote le dimanche ou à deux jours consécutifs de scrutin. Le vote le dimanche a été expérimenté une fois au Québec en 1966. Les lois électorales fédérales et provinciales sont claires : le jour du scrutin ne peut pas être un jour férié. Le vote par anticipation est accepté de façon universelle par toutes les administrations canadiennes, mais pratiquement aucune ne le permet la veille même du jour du scrutin, sauf Terre-Neuve-et-Labrador, où il peut se dérouler pendant un ou plusieurs jours dans les sept jours qui précèdent immédiatement le jour du scrutin. Toutefois, il n'y a jamais eu lieu la veille du jour du scrutin. Le vote par anticipation peut se tenir le dimanche au Manitoba, à Terre-Neuve-et-Labrador, en Ontario, au Québec et en Saskatchewan (voir l'annexe B).


Note 2 En Suède, le vote par anticipation commence 18 jours avant le jour du scrutin et se poursuit sans interruption jusqu'au jour du scrutin. Au moins un emplacement de vote dans chaque municipalité est également ouvert pour le vote par anticipation le jour du scrutin. Il s'agit d'un service pour les électeurs qui ne peuvent pas se rendre aux bureaux de scrutin durant les heures de vote régulières le jour du scrutin et qui n'ont pas pu voter au cours des 18 jours précédents.

Note 3 Il convient de noter toutefois que, d'après Freedom House, le Zimbabwe n'est pas considéré comme un pays démocratique.

Note 4 Après la réforme de la loi électorale en Slovaquie en 2004, le vote postal a été autorisé.