Préface – L'histoire du vote au Canada
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Le Canada a toujours été une démocratie électorale. Nous n'avons pas eu, en tant que pays, à combattre pour obtenir le droit de vote. Il n'y a jamais eu de révolution sanglante ni de mur de Berlin à abattre. Pourtant, la démocratie électorale telle que nous la connaissons et la concevons aujourd'hui est très différente de ce qu'elle était il y a 150 ou même 50 ans. Des choses que nous tenons pour acquises, à la fois en ce qu'elles sont à nos yeux des aspects nécessaires de la démocratie et parce que nous supposons naturellement qu'elles auront cours, n'ont pas toujours été présentes.
Comme le relate L'histoire du vote au Canada, notre démocratie électorale évolue au fil de luttes et de réformes depuis le début de la colonisation européenne, il y a plus de 250 ans. Le suffrage adulte universel est mis en place progressivement, non sans bien des soubresauts.
Aux premières années de la Confédération, nombreux sont privés du droit de vote parce qu'ils ne répondent pas à certaines exigences liées à la propriété, ou en raison de leur sexe, de leur race ou de leur religion. Les restrictions fondées sur le sexe sont éliminées en 1918, et les critères de propriété foncière, en 1920. Entre la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, et le début des années 1960, les discriminations raciales et religieuses et les restrictions au droit de vote des Inuits et des membres des Premières Nations sont aussi éliminées. En 1970, l'âge du vote passe de 21 à 18 ans.
En 1982, l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés garantit le suffrage universel et conduit à l'élimination de toutes les restrictions restantes, sauf celle imposée au directeur général des élections.
Toutefois, pour que le droit de vote prenne tout son sens, les électeurs doivent pouvoir l'exercer, quels que soient l'endroit où ils vivent, leur capacité physique ou intellectuelle, leur race, leur religion, leur sexe ou leur situation économique. Les électeurs doivent également avoir la certitude que le processus électoral est équitable et transparent.
Ainsi, l'histoire du vote au Canada ne se limite pas à l'élargissement du droit de vote, mais touche aussi l'évolution concomitante de l'administration électorale et des valeurs de la société. Au fil des ans, différentes mesures sont adoptées pour s'assurer que le vote est accessible, simple et sécuritaire, que l'identité des personnes qui participent à une élection est connue et que les règles de financement politique sont équitables.
En 1920, le Parlement établit un bureau indépendant et non partisan pour l'administration des élections fédérales en nommant le premier directeur général des élections du Canada. Le Canada devient ainsi un précurseur : ce bureau, qui deviendra Élections Canada, est un des premiers du genre dans le monde.
À ses débuts, le bureau ne comprend que quatre employés : le directeur général des élections, un adjoint et deux sténographes. À cette époque, le Canada compte environ 4,5 millions d'électeurs. Il n'existe encore aucune liste électorale fédérale. Les directeurs du scrutin sont nommés par le gouvernement en place. Les bureaux de vote peuvent se trouver n'importe où, même dans le salon d'une résidence privée.
Aujourd'hui, Élections Canada est un organisme moderne qui emploie plus de 700 personnes. Il tient le Registre national des électeurs, une base de données permanente. Le Canada compte environ 27 millions d'électeurs et, en période électorale, plus de 20 000 lieux de vote et 230 000 fonctionnaires électoraux. Les directeurs du scrutin sont nommés par le directeur général des élections et doivent répondre à certaines exigences. En plus d'administrer les élections et les règles de financement politique, Élections Canada renseigne les électeurs, effectue des recherches, mène des programmes d'éducation pour les élèves et assure un rayonnement auprès des électeurs. Par-dessus tout, après 100 ans d'existence, Élections Canada continue d'appliquer les principes d'indépendance et d'impartialité dans tout ce qu'il fait.
Pourtant, malgré les progrès accomplis, des obstacles au vote existent toujours. La population canadienne est extrêmement diversifiée, étant composée de personnes de langues, de cultures, de religions, de capacités et de situations économiques très variées. Élections Canada s'efforce de garder cette diversité à l'esprit lorsqu'il renseigne les Canadiens au sujet de la participation au processus électoral.
Ces dernières années, l'administration des élections a été confrontée à des actions de désinformation et des cyberattaques d'agents extérieurs. Afin de lutter contre ces menaces, Élections Canada collabore avec des organismes de sécurité fédéraux et ses vis-à-vis au Canada et à l'étranger.
Élections Canada doit aussi être prêt à faire face à des événements imprévus et à des situations difficiles. Au moment d'écrire ces lignes, le monde est aux prises avec la COVID-19. Même si nous ne saisissons pas encore toute la portée de cette pandémie, il est évident qu'elle aurait des répercussions sur la tenue d'une élection générale. Élections Canada a élaboré des plans indiquant comment une élection serait conduite dans le contexte de la pandémie.
D'autres problèmes ont menacé l'intégrité de l'administration des élections fédérales. Ils sont liés aux nouvelles technologies de communication, aux répercussions des médias sociaux et à la protection des renseignements personnels des électeurs.
Pour mieux comprendre les enjeux qui touchent l'administration des élections, Élections Canada consulte les Canadiens. Ainsi, il suscite la discussion entre experts et principaux intervenants, y compris les partis politiques et les organismes qui représentent différents groupes d'électeurs. Ces consultations l'aident également à évaluer l'administration de chaque élection et à en faire rapport au Parlement, en présentant des recommandations en vue d'améliorer l'application de la Loi électorale du Canada.
Notre histoire électorale est faite de changements progressifs. Elle est bâtie sur les réussites du passé et s'est constamment adaptée à l'évolution des circonstances, des valeurs et des attentes des Canadiens. La stabilité de notre démocratie électorale et la forte adhésion sociale qu'elle suscite sont en grande partie attribuables à un profond sentiment de continuité.
Cette célébration de notre 100e anniversaire rend hommage au travail de nos prédécesseurs et à un héritage dont nous sommes fiers. J'ai l'honneur d'être le directeur général des élections du Canada à ce moment de l'histoire de notre institution, et je suis reconnaissant envers ceux qui ont assumé cette fonction avant moi. Avec l'appui des anciens directeurs généraux des élections, Jean-Marc Hamel et Jean-Pierre Kingsley, et de mon prédécesseur immédiat, Marc Mayrand, nous soulignons cet anniversaire en présentant une révision et mise à jour de L'histoire du vote au Canada. Cet ouvrage, publié en 1997 par Jean-Pierre Kingsley pour le 75e anniversaire de l'organisme, a déjà fait l'objet d'une deuxième édition en 2007. Il retrace les origines de notre processus électoral et les réformes qui ont mené à l'élargissement graduel du droit de vote. Il examine également l'évolution de la réglementation du financement politique et de l'administration des élections par Élections Canada.
Je tiens à saluer toutes les personnes qui ont travaillé aux deux premières éditions et celles qui ont collaboré à cette troisième édition révisée et mise à jour. En plus de la contribution de nombreux membres du personnel d'Élections Canada, j'aimerais souligner celle de Penny Bryden, historienne à l'Université de Victoria, de Louis Massicotte, politologue à l'Université Laval, d'Alain Pelletier, expert en politique électorale, de James Robertson, expert en procédure et en droit parlementaire, et de Michael Dewing, rédacteur indépendant. Je remercie très sincèrement ces personnes ainsi que toutes les autres qui ont participé à la révision de L'histoire du vote au Canada.
Stéphane Perrault Directeur général des élections du Canada