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Note d'interprétation : 2020-07 (ébauche – novembre 2020)

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En vertu de l'article 16.1 de la Loi électorale du Canada, le directeur général des élections établit des lignes directrices et des notes d'interprétation concernant l'application de la Loi aux partis enregistrés, aux associations enregistrées, aux candidats à l'investiture, aux candidats et aux candidats à la direction. Avant d'établir une ligne directrice ou une note d'interprétation, il consulte les partis politiques fédéraux enregistrés et le commissaire aux élections fédérales, et les invite à formuler des commentaires sur l'ébauche. Les lignes directrices et les notes d'interprétation donnent des indications et favorisent une interprétation et une application uniformes de la Loi. Toutefois, elles ne sont fournies qu'à titre d'information et ne remplacent pas les dispositions de la Loi.


Cessions irrégulières entre entités politiques affiliées

Question

Les cessions de fonds, de biens ou de services sont un moyen pour les entités politiques d'un même parti enregistré de partager des ressources en dehors du cadre établi dans la Loi électorale du Canada (LEC) pour les contributions. La LEC contient des restrictions sur les types de cessions que différentes entités politiques peuvent effectuer ou accepter à différents moments.

Il est expressément indiqué dans la LEC qu'une cession autorisée ne constitue pas une contribution. La question est de savoir si une cession non autorisée (c'est-à-dire une « cession irrégulière ») est, par extension, toujours une contribution. Élections Canada a parfois refusé de traiter des cessions irrégulières comme des contributions, selon les circonstances, et les a traitées conformément à d'autres dispositions de la LEC.

La présente note vise à clarifier la manière dont les cessions irrégulières sont traitées et pourquoi. Elle analyse les objectifs du régime de cessions et du régime de contributions, et les sanctions en vigueur pour en favoriser le respect1.

Interprétation

  1. Les fonds, les biens ou les services faisant l'objet d'une cession irrégulière doivent généralement passer le test du régime de contributions lorsqu'ils tombent pour la première fois en la possession d'une entité politique. Par conséquent, dans la plupart des cas, les objectifs du régime sont atteints sans que les cessions irrégulières soient traitées comme des contributions illégales.
  2. Il existe des infractions précises dans la LEC pour certaines cessions irrégulières, comme les cessions monétaires d'une association ou d'un parti enregistré à un candidat à l'investiture ou à la direction (autres que des contributions dirigées), ce qui ouvre la voie à des mesures d'application. Ces cessions ne sont pas des contributions.
  3. Lorsqu'il n'y a pas d'infraction précise dans la LEC, comme c'est le cas pour certaines cessions irrégulières à un candidat à une élection, à l'investiture ou à la direction, une cession irrégulière n'est une contribution illégale que si elle est contraire aux objectifs de la LEC. La grande question, exposée ci-dessous, est de savoir si la transaction aurait pu être effectuée de manière légale si elle avait été structurée autrement.
Cessions à un candidat par un autre candidat, par un candidat à l'investiture ou par un candidat à la direction
  1. Les cessions irrégulières à un candidat faites par un autre candidat, par un candidat à l'investiture dans une autre circonscription ou par un candidat à la direction auraient pu être effectuées légalement par l'intermédiaire du parti enregistré ou d'une association enregistrée. Ces cessions ne sont pas des contributions. Toutefois, comme elles ne sont pas non plus des dépenses raisonnables de la campagne qui a effectué la cession, la transaction constitue une disposition inadéquate de l'excédent.
Cessions à un candidat à l'investiture ou à la direction par un candidat à une élection, à l'investiture ou à la direction
  1. Les cessions irrégulières à un candidat à l'investiture ou à la direction effectuées par un candidat à une élection, à l'investiture ou à la direction n'auraient pas pu être effectuées légalement par l'intermédiaire du parti enregistré ou d'une association enregistrée. Si de telles transactions étaient permises, les associations ou les partis enregistrés pourraient fournir des ressources au candidat qu'ils préfèrent lors d'une course à l'investiture ou à la direction. De telles contributions sont illégales au motif qu'une campagne, qui est une entité plutôt qu'un particulier, est un donateur inadmissible. Il y a une exception, rare en pratique : les cessions non monétaires offertes également par un candidat à une élection à tous les candidats à l'investiture ou à la direction.
Cessions non monétaires d'un candidat à l'investiture ou à la direction à un candidat, à une association enregistrée ou à un parti enregistré
  1. Les cessions non monétaires d'un candidat à l'investiture ou à la direction à un candidat, à une association enregistrée ou à un parti enregistré auraient pu être effectuées légalement si les biens avaient d'abord été vendus et si, dans certains cas, une cession avait ensuite été effectuée par l'intermédiaire du parti enregistré ou d'une association enregistrée. Ces cessions ne sont pas des contributions. Toutefois, s'il s'agit de biens immobilisés, la transaction constitue une disposition inadéquate de l'excédent.

Cadre législatif

Les dispositions de la LEC les plus pertinentes dans le contexte de la présente note d'interprétation sont les suivantes :

  • Une contribution monétaire s'entend de toute somme d'argent versée et non remboursable. (paragraphe 2(1))
  • S'entend d'une contribution non monétaire la valeur commerciale d'un service, sauf d'un travail bénévole, ou de biens ou de l'usage de biens ou d'argent, s'ils sont fournis sans frais ou à un prix inférieur à leur valeur commerciale. (paragraphe 2(1))
  • Seul un particulier qui est citoyen canadien ou résident permanent du Canada peut apporter une contribution à un parti enregistré, à une association enregistrée, à un candidat, à un candidat à l'investiture ou à un candidat à la direction. Les personnes morales, les groupes et les autres entités ne peuvent pas apporter de contributions. (paragraphe 363(1))
  • Si une entité politique accepte une contribution inadmissible, elle doit, dans les 30 jours suivant le moment où elle prend connaissance de la contravention, retourner la contribution inutilisée au donateur ou, si cela est impossible, remettre le montant de la contribution ou une somme égale à sa valeur commerciale au receveur général du Canada. (article 372)
  • Le versement de divers types de contributions inadmissibles et le fait de ne pas retourner ou remettre les contributions inadmissibles constituent des infractions. (paragraphes 497(1) et (2))
  • Les cessions de fonds, de biens ou de services entre entités politiques affiliées sont autorisées et ne constituent expressément pas des contributions dans diverses situations. Le tableau suivant, extrait des manuels sur le financement politique datant de 2020, indique quelles cessions monétaires et non monétaires sont permises entre entités politiques affiliées. (paragraphes 364(2) à (5), article 365)

Cessions – catégories et règles

À
DE Candidat à l'investiture Candidat à la direction Candidat Association de circonscription enregistrée Parti enregistré
Monétaire Non monétaire Monétaire Non monétaire Monétaire Non monétaire Monétaire Non monétaire Monétaire Non monétaire
Candidat à l'investiture Non Non Non Non Oui1 Non Oui2 Non Oui Non
Candidat à la direction Non Non Non Non Non Non Oui Non Oui Non
Candidat Oui3 Oui3 Non Non Non4 Non4 Oui Oui Oui Oui
Association de circonscription enregistrée Non Oui5 Non Oui5 Oui6 Oui Oui Oui Oui Oui
Parti enregistré Non Oui5 No7 Oui5 Oui6 Oui Oui8 Oui8 s.o. s.o.

1 Un candidat à l'investiture peut céder des fonds (mais non des biens ou des services) à un candidat du même parti, dans la circonscription où a eu lieu la course à l'investiture. Après le jour de l'élection, les cessions monétaires sont permises seulement aux fins du paiement des créances et des prêts liés à la campagne du candidat.

2 Un candidat à l'investiture ne peut céder des fonds qu'à l'association de circonscription enregistrée qui a tenu la course à l'investiture.

3 Les candidats peuvent céder des biens, des services et des fonds à leur campagne d'investiture pour la même élection.

4 Les candidats à une élection partielle remplacée par une élection générale peuvent céder des biens, des services et des fonds à leur campagne pour l'élection générale.

5 Les cessions non monétaires doivent être offertes également à tous les candidats à l'investiture ou à la direction.

6 Les cessions monétaires, autres que des fonds en fiducie, sont autorisées. Après le jour de l'élection, les cessions monétaires sont permises seulement aux fins du paiement des créances et des prêts liés à la campagne du candidat.

7 Les contributions dirigées sont la seule exception : elles peuvent être cédées au candidat à la direction.

8 Les partis enregistrés peuvent céder des biens, des services et des fonds à des associations de circonscription, qu'elles soient enregistrées ou non.

Note : Les candidats indépendants ne peuvent pas accepter de cessions de fonds, de biens ou de services d'autres entités politiques ni leur en apporter.

  • Voici des cessions irrégulières qui donnent directement lieu à une infraction :
    • Un parti enregistré ou une association enregistrée cède des fonds à un candidat à l'investiture ou à la direction, ou fournit des biens ou des services qui ne sont pas offerts également à tous les candidats. (alinéas 497(1)c), 497(2)b), 497.3(2)e) et 497.5(2)h))
    • Un parti enregistré, une association enregistrée ou un candidat à l'investiture cède des fonds à un candidat après le jour de l'élection, sauf si c'est pour payer des dépenses. (alinéas 497.4(1)r) et 497.4(2)t))
  • Une dépense de campagne électorale, une dépense de campagne d'investiture ou une dépense de campagne à la direction doit être une dépense raisonnable entraînée par une élection ou par une course à l'investiture ou à la direction. (paragraphes 374.1(1), 375(1) et 379.1(1))
  • Après une élection, la campagne d'un candidat doit céder ses biens immobilisés à des entités politiques précises ou les vendre à leur juste valeur marchande pour disposer de son excédent. Après une course, la campagne d'un candidat à l'investiture ou à la direction doit vendre ses biens immobilisés à leur juste valeur marchande pour disposer de son excédent. (paragraphes 476.91(2), 477.8(2) et 478.94(2))
  • Un bien immobilisé est un bien d'une valeur commerciale supérieure à 200 $, qui est normalement utilisé en dehors d'une période électorale ou d'une course autrement qu'aux fins d'une élection ou d'une course. (article 2)
  • L'excédent d'un candidat à une élection, à l'investiture ou à la direction s'entend de l'excédent des recettes de la campagne sur la somme des dépenses raisonnables de la campagne et des cessions légales faites par la campagne. Les campagnes doivent disposer de leur excédent en le cédant seulement à des entités politiques précises. (articles 476.93, 477.82 et 478.96)
  • La disposition inadéquate d'un excédent donne lieu à des infractions dans plusieurs cas :
    • L'agent financier d'un candidat à l'investiture omet de disposer de l'excédent en le cédant au candidat qui a remporté l'investiture, au parti enregistré ou à une association enregistrée du parti. (alinéas 497.3(1)t) et 497.3(2)t))
    • L'agent officiel d'un candidat omet de disposer de l'excédent en le cédant au parti enregistré ou à une association enregistrée du parti. (alinéas 497.4(1)q) et 497.4(2)s))
    • L'agent financier d'un candidat à la direction omet de disposer de l'excédent en le cédant au parti enregistré ou à une association enregistrée du parti. (alinéas 497.5(1)t) et 497.5(2)v))

Analyse et discussion

Contributions : règles et objectifs

Pour déterminer si une cession irrégulière devrait être traitée comme une contribution inadmissible, il est nécessaire d'examiner les règles et les objectifs du régime de contributions.

Le régime de contributions a été introduit en 2003 et modifié en 2006 pour limiter l'influence indue de l'argent en politique. Aussi bien les contributions monétaires que les contributions non monétaires sont visées par le régime. Il y a des restrictions quant à l'identité des donateurs (les particuliers qui sont citoyens canadiens ou résidents permanents du Canada) et au montant qu'ils peuvent donner. Les contributions de plus de 200 $ doivent être déclarées publiquement.

On peut considérer que les objectifs du régime de contributions sont les suivants :

  • limiter qui peut exercer une influence sur le processus politique;
  • faire en sorte que l'exercice d'influence se fasse en toute transparence;
  • accroître la participation des entités politiques, outre celles recevant des contributions importantes;
  • accroître la participation des particuliers, outre ceux ayant les moyens de verser des contributions importantes;
  • empêcher les entités politiques de profiter de contributions illégales.

L'interdiction des contributions illégales ou des tentatives d'esquiver le régime de contributions garantit l'atteinte des objectifs du régime. De telles transactions sont passibles de sanctions pénales et d'autres mesures de conformité, y compris de sanctions administratives pécuniaires. En outre, toute contribution illégale doit être retournée au donateur ou remise au receveur général du Canada, selon les circonstances. Cette sanction administrative, qui s'ajoute aux mécanismes d'application habituels, témoigne de l'importance aux yeux du législateur d'empêcher que des contributions illégales soient utilisées pour influencer des élections ou des courses. Cette sanction sévère doit aussi être appliquée systématiquement.

Le régime de contributions s'applique en parallèle, et parfois en interaction, avec le régime de cessions décrit ci-dessous.

Cessions : règles et objectifs

Le régime de cessions de la LEC permet aux entités politiques affiliées de partager des fonds, des biens et des services sous certaines conditions, sans être assujetties aux règles sur les contributions prévues dans la LEC. Il permet aux entités politiques permanentes (les partis enregistrés et les associations enregistrées), qui recueillent des contributions pendant toute l'année, de soutenir les entités politiques qui n'existent qu'en période de campagne. Il permet également de conserver les ressources dans le système politique, les entités temporaires cédant leurs ressources restantes à des entités politiques permanentes à la fin d'une campagne.

En permettant que des cessions soient effectuées librement sans être assujetties aux restrictions du régime de contributions, le législateur s'est montré convaincu que les objectifs de la LEC ne sont généralement pas mis en péril par des cessions entre entités affiliées, une fois que les fonds, les biens et les services font partie du système politique.

Toutefois, le législateur a choisi d'exclure du régime de cessions certaines transactions entre entités affiliées. Les cessions non autorisées peuvent être explicitement ou implicitement interdites. Certaines cessions interdites, notamment celles effectuées par des associations et des partis enregistrés, donnent lieu à des infractions précises. Par exemple, il est interdit à une association ou à un parti enregistré de faire une cession monétaire à un candidat à l'investiture ou à la direction, sauf s'il s'agit d'une contribution dirigée que le parti cède à un candidat à la direction. Toutes les cessions irrégulières sont répertoriées dans des tableaux à la fin de la note.

En général, on peut considérer que les objectifs du régime de cessions sont les suivants :

  • garder dans le système politique les fonds publics qui y sont entrés sous forme de remboursements, d'allocations et de crédits d'impôt;
  • conserver au sein d'un parti enregistré les fonds donnés à ses entités politiques;
  • prévenir le favoritisme dans les courses à l'investiture et à la direction internes d'un parti enregistré;
  • permettre aux ressources entrées dans le système politique de façon juste de circuler librement entre entités politiques affiliées, tant que les transactions ne vont pas à l'encontre d'autres objectifs du régime.

Difficulté de traiter une cession irrégulière comme une contribution illégale

Il est expressément indiqué dans la LEC que les cessions autorisées entre entités politiques ne constituent pas des contributions. C'est pourquoi Élections Canada traite généralement les cessions irrégulières entre entités politiques comme des contributions illégales, bien qu'il ait parfois refusé de le faire au vu de l'ensemble des circonstances, notamment dans les cas où cette démarche aurait eu des conséquences disproportionnées par rapport à l'erreur commise. Par exemple, lorsqu'un candidat sans créance impayée reçoit une cession monétaire d'une association ou d'un parti enregistré après le jour de l'élection, Élections Canada traite la transaction comme une infraction potentielle aux règles sur les cessions, mais pas comme une contribution illégale.

Si Élections Canada hésite parfois à traiter une cession irrégulière comme une contribution illégale, c'est essentiellement en raison des conséquences supplémentaires qu'entraînent les contributions illégales. Comme il a été mentionné, une contribution illégale doit être retournée au donateur ou, si elle a été utilisée, remise au receveur général du Canada. C'est le cas des contributions d'une source inadmissible, des contributions excédentaires, des contributions reçues dans le cadre d'un accord interdit, des contributions apportées en utilisant des fonds d'autrui fournis à cet effet, et des contributions en espèces de plus de 20 $. Les contributions anonymes de plus de 20 $ doivent également être remises au receveur général. La responsabilité criminelle du donateur et de la personne qui omet de renvoyer la contribution pourrait être engagée, à la suite d'une enquête du commissaire aux élections fédérales.

Par exemple, si la campagne d'un candidat cède les fonds excédentaires d'une élection directement à la campagne du même candidat pour une élection subséquente, il s'agit d'une cession irrégulière. De même, si un candidat soutenu par un parti se désiste dans les semaines précédant l'élection et est remplacé par un autre candidat du parti, une cession directe des fonds d'une campagne à l'autre constituerait une cession irrégulière.

Ces cessions devraient-elles être traitées comme des contributions illégales? Si oui, des infractions à la LEC seraient réputées avoir été commises, ou des sanctions administratives pécuniaires pourraient être imposées. De plus, il faudrait que les fonds soient retournés à l'entité cédante ou, advenant que la campagne bénéficiaire les ait utilisés, que le montant de la contribution soit remis au receveur général du Canada. En raison d'une erreur en partie technique, il faudrait donc que le montant total de la cession soit restitué.

Cette conséquence s'appliquerait automatiquement, sans possibilité de modification à la discrétion du directeur général des élections, même si les cessions ne vont pas à l'encontre d'un objectif du régime de contributions. Les fonds cédés auraient déjà été assujettis aux règles sur les contributions et auraient été déclarés au moment où ils sont entrés en la possession d'une entité politique.

Le fait de considérer les objectifs du régime plutôt que la manière dont une cession a été effectuée pour déterminer comment traiter une transaction n'est pas sans précédent. En 2008, dans l'affaire Rae c. Canada, la cour s'est penchée sur le cas d'un parti enregistré qui avait reçu 50 000 $ en cessions de la part de tous ses candidats à la direction et qui avait décidé de les rembourser après la course. Lorsqu'il a été consulté, le directeur général des élections de l'époque a déclaré que le remboursement constituait une cession interdite. Lors du contrôle judiciaire, la cour a statué qu'une « nouvelle cession » serait autorisée puisque ce n'était pas une tentative de favoriser un candidat en particulier ou d'esquiver les plafonds des contributions. Elle a déclaré que si une simple lecture de la LEC donnait à penser que la transaction était une cession interdite et donc une contribution illégale, cette interprétation serait une « victoire de la forme sur le fond » et ne serait pas conforme à l'intention du législateur2. En réalité, cette interprétation de la cour a fait passer les objectifs du régime avant la manière dont la transaction a été effectuée afin de déterminer comment elle devait être traitée.

Il est également important de noter que, comme dans l'affaire Rae, la majorité des cessions irrégulières qui n'entraînent pas d'infraction auraient en fait été légales si leur parcours avait été différent.

Prenons l'exemple d'un candidat qui cède des fonds à sa prochaine campagne. Le candidat, après la première élection, constate un excédent de 10 000 $. Avant la fermeture de son compte bancaire, une autre élection est déclenchée. L'agent officiel cède les 10 000 $ de la première campagne à la deuxième campagne. Si cette cession irrégulière était traitée comme une contribution illégale et que la deuxième campagne avait utilisé une partie des fonds, l'agent officiel serait alors tenu de remettre la totalité des 10 000 $ au receveur général du Canada. Toutefois, le candidat aurait pu légalement recevoir les 10 000 $ si l'agent officiel de la première campagne les avait cédés à l'association enregistrée, et si cette dernière les avait ensuite cédés à la deuxième campagne.

Prenons aussi l'exemple d'un candidat à l'investiture qui, à l'issue d'une course, cède du matériel de bureau d'une valeur de 5 000 $ à l'association qui a organisé la course. Il est interdit à un candidat à l'investiture de céder des biens immobilisés. Si cette cession irrégulière était traitée comme une contribution illégale, l'association ne pourrait pas, advenant qu'elle ait utilisé les ordinateurs avant de se rendre compte que la cession n'était pas autorisée, remettre le matériel au candidat à l'investiture. Elle serait plutôt obligée de verser 5 000 $ au receveur général du Canada. Cependant, si le candidat avait vendu les ordinateurs, il aurait pu céder le produit de la vente à l'association. Qui plus est, si l'entité cédante avait été un candidat à une élection plutôt qu'un candidat à l'investiture, il n'aurait même pas été nécessaire de vendre les biens.

Ces cessions irrégulières ne vont pas à l'encontre des objectifs de la LEC. Une interprétation de la LEC qui entraîne des sanctions disproportionnées par rapport à la gravité de l'infraction ne reflète pas l'intention du législateur au moment où la loi a été rédigée. Cela ne veut pas dire que des cessions irrégulières qui auraient pu être effectuées légalement ne seront pas sanctionnées. Une cession irrégulière effectuée par un candidat à une élection, à l'investiture ou à la direction, même si elle avait pu être effectuée par voie légale, n'en demeure pas moins illégale et doit être annulée au motif qu'il s'agit d'une disposition inadéquate de l'excédent.

Les cessions irrégulières qui n'auraient pas pu être effectuées légalement, à savoir les cessions aux candidats à l'investiture et à la direction, posent un autre problème. Ces cessions vont à l'encontre de l'objectif de la LEC de faire en sorte que les entités politiques d'un parti enregistré entretiennent des rapports financiers neutres avec les candidats à l'investiture et à la direction3. Si une cession irrégulière ne donne lieu à aucune infraction précise, il peut être approprié de la traiter comme une contribution illégale (soit parce que le donateur est inadmissible, soit parce que la contribution est illégale pour d'autres raisons) et d'exiger sa restitution.

Aperçu du traitement des cessions irrégulières

Cessions associées à des infractions précises

Lorsqu'une cession irrégulière entre entités affiliées est associée à une infraction précise dans la LEC – ce qui comprend toutes les cessions irrégulières par des associations et des partis enregistrés –, l'intention du législateur est que des mesures d'application soient prises en conséquence de ces infractions. L'entité cédante commet toujours une infraction, mais pas nécessairement le bénéficiaire de la cession. Ces transactions ne constituent pas des contributions.

Si aucune infraction précise n'est prévue dans la LEC, il est possible de traiter les cessions irrégulières de deux façons, à la lumière de l'analyse qui précède.

Cessions pour lesquelles aucune infraction n'existe – option 1

Comme première option, Élections Canada pourrait traiter toutes les cessions irrégulières de candidats à une élection, à l'investiture ou à la direction pour lesquelles aucune infraction précise n'existe, que la cession eût pu être effectuée légalement ou non, comme une disposition inadéquate de l'excédent.

Dans ce cas, on pourrait faire valoir qu'une cession irrégulière de fonds, de biens ou de services de la campagne d'un candidat à une élection, à l'investiture ou à la direction ne constitue pas une dépense raisonnable. Par exemple, si un candidat envoie des fonds de campagne à un candidat affilié dans une autre circonscription, la transaction n'est ni une cession autorisée ni une dépense de campagne électorale valable. Cette transaction crée donc un écart entre les rentrées et les sorties de fonds autorisées dans le compte bancaire du candidat, ce qui équivaut à une disposition inadéquate de l'excédent. Un agent financier ou officiel qui ne dispose pas correctement d'un excédent commet une infraction de responsabilité stricte ou intentionnelle, et Élections Canada renverrait ces cas au commissaire aux élections fédérales aux fins d'application de la loi.

Selon cette interprétation de la LEC, il n'y aurait aucune conséquence pour le bénéficiaire de la cession, ce qui signifie, par exemple, qu'un candidat à la direction ayant accepté une cession monétaire irrégulière d'un autre candidat à la direction ne serait pas légalement tenu de restituer la cession.

Cessions pour lesquelles aucune infraction précise n'existe – option 2

Comme deuxième option, Élections Canada pourrait traiter les cessions irrégulières pour lesquelles aucune infraction précise n'existe et qui auraient pu être effectuées légalement (p. ex. une cession d'un candidat à un autre candidat) comme une disposition inadéquate de l'excédent, tandis que les cessions irrégulières qui ne pouvaient pas être effectuées légalement seraient traitées comme des contributions illégales (p. ex. une cession d'un candidat à l'investiture à un candidat à la direction).

Selon cette approche, obliger le bénéficiaire à restituer une contribution illégale, au donateur si elle n'a pas été utilisée ou au receveur général du Canada si elle a été utilisée, constituerait une solution à court terme qui contribuerait à préserver l'équité de la course. Le donateur s'exposerait à des mesures d'application, au motif qu'une campagne n'est pas un donateur admissible, tout comme le bénéficiaire si la contribution n'est pas restituée.

Préférence pour l'option 2

Si le législateur a donné aux associations et aux partis enregistrés la possibilité d'organiser des courses internes, il a également choisi de réglementer certains aspects de ces courses, dont l'aspect financier dans un but d'équité, au moyen des régimes de contributions et de cessions. Pour les raisons exposées dans la présente note, Élections Canada estime que l'option 2 s'inscrit mieux dans cet objectif.

Selon l'interprétation d'Élections Canada, les conséquences des cessions irrégulières sont exposées dans les tableaux ci-dessous. À noter qu'ils ne font pas état des cessions autorisées.

Les cessions irrégulières et leurs conséquences


Tableau 1 : les cessions irrégulières à des candidats
De À Type de cession Conséquences
Candidat à l'investiture Candidat dans la même circonscription Monétaire, après le jour de l'élection, autre que celles destinées au paiement de créances Cession interdite; l'entité cédante commet une infraction; n'est pas une contribution.
Candidat à l'investiture Candidat dans une autre circonscription Monétaire Disposition inadéquate de l'excédent; l'entité cédante commet une infraction; n'est pas une contribution.
Candidat à la direction Candidat Monétaire Disposition inadéquate de l'excédent; l'entité cédante commet une infraction; n'est pas une contribution.
Candidat à l'investiture

Candidat à la direction
Candidat Non monétaire S'il s'agit de biens immobilisés : disposition inadéquate de l'excédent; l'entité cédante commet une infraction; n'est pas une contribution1.
Candidat Candidat, sauf si c'est à sa propre campagne dans le contexte d'une élection remplacée Monétaire

Non monétaire, jusqu'au jour de l'élection
Disposition inadéquate de l'excédent; l'entité cédante commet une infraction; n'est pas une contribution.
Candidat Candidat, sauf si c'est à sa propre campagne dans le contexte d'une élection remplacée Non monétaire, après le jour de l'élection S'il s'agit de biens immobilisés : disposition inadéquate de l'excédent; l'entité cédante commet une infraction; n'est pas une contribution1.

1 Les biens non immobilisés ou les services restants peuvent être fournis au candidat, mais ils doivent être vendus à la campagne ou fournis sous forme de contributions non monétaires personnelles par le candidat à une élection, à l'investiture ou à la direction.


Tableau 2 : les cessions irrégulières à des candidats à l'investiture
De À Type de cession Conséquences
Candidat à l'investiture

Candidat à la direction
Candidat à l'investiture Toute cession Contribution illégale1
Candidat Candidat à l'investiture, sauf si c'est à sa propre campagne pour la même élection Toute cession Contribution illégale1, 2
Association enregistrée

Parti enregistré
Candidat à l'investiture Monétaire Cession interdite; l'entité cédante et le bénéficiaire de la cession commettent une infraction; n'est pas une contribution.
Association enregistrée

Parti enregistré
Candidat à l'investiture Non monétaire, non offerte également à tous les candidats à l'investiture Cession interdite; l'entité cédante commet une infraction; n'est pas une contribution.

1 Sous l'option 1, la cession constituerait une disposition inadéquate de l'excédent plutôt qu'une contribution.

2 Sous l'option 2, si la cession est non monétaire et que le candidat a offert les biens ou les services également à tous les candidats à l'investiture, ce n'est pas une contribution. Il pourrait s'agir d'une disposition inadéquate de l'excédent.


Tableau 3 : les cessions irrégulières à des candidats à la direction
De À Type de cession Conséquences
Candidat à l'investiture

Candidat à la direction
Candidat à la direction Toute cession Contribution illégale1
Candidat Candidat à la direction Toute cession Contribution illégale1, 2
Association enregistrée Candidat à la direction Monétaire Cession interdite; l'entité cédante et le bénéficiaire de la cession commettent une infraction; n'est pas une contribution.
Parti enregistré Candidat à la direction (sauf s'il s'agit de contributions dirigées) Monétaire Cession interdite; l'entité cédante et le bénéficiaire de la cession commettent une infraction; n'est pas une contribution.
Association enregistrée

Parti enregistré
Candidat à la direction Non monétaire, non offerte également à tous les candidats à la direction Cession interdite; l'entité cédante commet une infraction; n'est pas une contribution.

1 Sous l'option 1, la cession constituerait une disposition inadéquate de l'excédent plutôt qu'une contribution.

2 Sous l'option 2, si la cession est non monétaire et que le candidat a offert les biens ou les services également à tous les candidats à la direction, ce n'est pas une contribution. Il pourrait s'agir d'une disposition inadéquate de l'excédent.


Tableau 4 : les cessions irrégulières à des partis enregistrés
De À Type de cession Conséquences
Candidat à l'investiture

Candidat à la direction
Parti enregistré Non monétaire S'il s'agit de biens immobilisés : disposition inadéquate de l'excédent; l'entité cédante commet une infraction; n'est pas une contribution1.

1 Les biens non immobilisés ou les services restants peuvent être fournis au parti, mais ils doivent être vendus au parti ou fournis sous forme de contributions non monétaires personnelles par le candidat à l'investiture ou à la direction.


Tableau 5 : les cessions irrégulières aux associations enregistrées
De À Type de cession Conséquences
Candidat à l'investiture Association enregistrée autre que celle ayant tenu la course Toute cession Disposition inadéquate de l'excédent; l'entité cédante commet une infraction; n'est pas une contribution.
Candidat à l'investiture Association enregistrée qui a tenu la course Non monétaire S'il s'agit de biens immobilisés : disposition inadéquate de l'excédent; l'entité cédante commet une infraction; n'est pas une contribution1.
Candidat à la direction Association enregistrée Non monétaire S'il s'agit de biens immobilisés : disposition inadéquate de l'excédent; l'entité cédante commet une infraction; n'est pas une contribution1.

1 Les biens non immobilisés ou les services restants peuvent être fournis à l'association, mais ils doivent être vendus à l'association ou fournis sous forme de contributions non monétaires personnelles par le candidat à l'investiture ou à la direction.

Conclusion

Élections Canada estime que les objectifs du régime de contributions sont atteints dans la plupart des cas, sans que les cessions irrégulières soient traitées comme des contributions illégales. Lorsque des cessions irrégulières sont associées à des infractions précises dans la LEC, ces infractions sont un fondement valable de prendre des mesures d'application pour promouvoir le respect futur des règles sur les cessions.

Lorsqu'il n'existe aucune infraction précise dans la LEC, notamment pour certaines cessions irrégulières de candidats à une élection, à l'investiture ou à la direction, Élections Canada déterminera la nature de la cession selon qu'elle aurait pu être effectuée ou non légalement. Une cession irrégulière pourrait donc être traitée comme une contribution illégale à restituer.

Notes de bas de page

Note 1 La présente note d'interprétation ne s'applique pas aux cessions effectuées par des associations de circonscription ou des partis politiques radiés après la date d'entrée en vigueur de la radiation, sauf pendant les six mois de transition au cours desquels une association est radiée à la suite d'un redécoupage de sa circonscription ou d'une fusion de son parti avec un autre.

Note 2 Rae c. Canada, 2008 CF 246, paragraphes 31 et 36.

Note 3 Une association ou un parti enregistré qui fait une cession irrégulière à un candidat à l'investiture ou à la direction commet une infraction précise à la LEC et s'expose à des sanctions. Toutefois, il n'y a aucune infraction équivalente si une telle cession est effectuée par un candidat à une élection, à l'investiture ou à la direction.