open Menu secondaire

Note d'interprétation : 2018-09 (octobre 2019)

Version PDF pour imprimer


En vertu de l'article 16.1 de la Loi électorale du Canada, le directeur général des élections établit des lignes directrices et des notes d'interprétation concernant l'application de la Loi aux partis enregistrés, aux associations enregistrées, aux candidats à l'investiture, aux candidats et aux candidats à la direction d'un parti. Avant d'établir une ligne directrice ou une note d'interprétation, il consulte les partis politiques fédéraux enregistrés et le commissaire aux élections fédérales, et les invite à formuler des commentaires sur l'ébauche. Les lignes directrices et les notes d'interprétation donnent des indications et favorisent une interprétation et une application uniformes de la Loi. Toutefois, elles ne sont fournies qu'à titre d'information et ne remplacent pas les dispositions de la Loi.

Créances impayées et exigences en matière de rapports

Question

Depuis longtemps, les partis et associations enregistrés doivent déclarer certaines créances impayées dans leur rapport financier. Cependant, les modifications apportées à la Loi électorale du Canada (LEC) en 2015 ont entraîné un manque d'uniformité dans les rapports. Certains partis et associations déclarent tous leurs créditeurs à la fin de l'exercice financier, tandis que d'autres déclarent seulement les comptes arrivés à échéance. La présente note d'interprétation vient clarifier la notion de créance impayée en vertu de la LEC et l'application des exigences en matière de rapports.

Interprétation

  1. Une créance est une dette contractée par une entité politique pour des dépenses engagées ou des prêts obtenus.
  2. Aux fins de la production d'un état des créances impayées dans le rapport financier annuel d'un parti enregistré ou d'une association enregistrée, une créance relative à une dépense est « impayée » à compter du jour où son paiement est exigible jusqu'à ce qu'elle soit payée en entier.
  3. À d'autres fins de rapport d'un parti enregistré ou d'une association enregistrée, notamment la production d'un état des dépenses pour une élection partielle dans un rapport financier annuel ou d'un état des dépenses pour une élection générale, une créance relative à une dépense est « impayée » à compter du jour où la dépense est engagée jusqu'à ce qu'elle soit payée en entier.
  4. Si aucune date d'échéance n'est précisée sur une facture ou un contrat écrit, le paiement d'une créance relative à une dépense est réputé exigible à la réception des biens ou des services visés.
  5. Un prêt est « impayé » à compter du jour où il est obtenu jusqu'à ce qu'il soit remboursé en entier.
  6. Conformément à la LEC, les partis et associations enregistrés doivent inclure dans leur rapport financier annuel les renseignements suivants sur les créances impayées :
    • toutes les créances relatives à des dépenses dont le paiement est exigible au 31 décembre;
    • tous les prêts qui n'ont pas été payés en entier au 31 décembre;
    • tout renseignement additionnel concernant les créances, y compris les prêts, qui demeurent impayées 18 ou 36 mois après la date d'échéance;
    • les créances impayées déclarées précédemment, y compris les prêts, qui ont été payées en entier depuis la fin de l'exercice précédent.

Cadre législatif

Les dispositions de la LEC les plus pertinentes pour la présente note d'interprétation sont les suivantes.

Pour les partis enregistrés :

  • Toute personne ayant une créance sur un parti enregistré présente un compte détaillé au parti ou à un de ses agents enregistrés. (art. 427)
  • Le rapport financier d'un parti enregistré doit comporter un état de l'actif et du passif dressé selon les principes comptables généralement reconnus, notamment :
    • un état des créances faisant l'objet d'une poursuite pour le recouvrement d'un montant impayé;
    • un état des créances impayées, y compris celles qui découlent des prêts consentis. (al. 432(2)e))
  • L'état des créances impayées doit notamment indiquer les créances mentionnées dans l'état produit pour l'exercice précédent qui ont été payées intégralement depuis sa production, ainsi que les créances qui demeurent impayées 18 ou 36 mois après la date où le paiement est exigible. (par. 432(6))
  • À l'exception des prêts, les créances doivent être payées dans les trois ans suivant la date à laquelle elles sont devenues exigibles. L'omission de payer les créances dans le délai de trois ans entraîne une infraction. (art. 428 et al. 497.1(1)g))

Pour les associations enregistrées :

  • Toute personne ayant une créance sur une association enregistrée doit présenter un compte détaillé à l'association ou à un de ses agents de circonscription. (art. 475.1)
  • Le rapport financier d'une association enregistrée doit comporter un état de l'actif et du passif dressé selon les principes comptables généralement reconnus, notamment :
    • un état des créances faisant l'objet d'une poursuite pour le recouvrement d'un montant impayé;
    • un état des créances impayées, y compris celles qui découlent des prêts consentis. (al. 475.4(2)d))
  • L'état des créances impayées doit notamment indiquer les créances mentionnées dans l'état produit pour l'exercice précédent qui ont été payées intégralement depuis sa production, ainsi que les créances qui demeurent impayées 18 ou 36 mois après la date où le paiement est exigible. (par. 475.4(6))
  • À l'exception des prêts, les créances doivent être payées dans les trois ans suivant la date à laquelle elles sont devenues exigibles. L'omission de payer les créances dans le délai de trois ans entraîne une infraction. (art. 475.2 et al. 497.2(1)j))

Analyse et discussion

Contexte législatif

Jusqu'en 2015, les partis et associations enregistrés étaient uniquement tenus de déclarer les créances qui étaient contestées ou qui étaient susceptibles de faire l'objet d'une demande auprès du directeur général des élections ou d'un juge. Cela comprenait les créances qui demeuraient impayées après le délai prescrit par la Loi, c'est-à-dire six mois après la date à laquelle elles étaient devenues exigibles. Lorsque le Parlement a adopté le projet de loi C-23 en 2014, le délai prescrit par la Loi a été prolongé à trois ans après la date à laquelle le paiement est exigible. Le projet de loi a eu pour effet d'abroger les dispositions selon lesquelles les créances impayées étaient réputées constituer des contributions après une certaine période, et d'établir une infraction pour omission de payer les créances dans le délai.

Le projet de loi C-23 a également apporté des exigences de déclaration plus strictes pour les créances impayées. Par conséquent, les partis et associations enregistrés doivent maintenant déclarer :

  • les créances impayées au 31 décembre;
  • tout renseignement additionnel concernant les créances qui demeurent impayées 18 ou 36 mois après la date où le paiement est arrivé à échéance, y compris toute créance faisant l'objet d'une poursuite ou d'une contestation, si un calendrier de remboursement a été établi, et si le créancier a radié la créance de ses comptes;
  • les créances impayées déclarées dans le rapport pour l'exercice financier précédent et qui ont été payées intégralement depuis.

Les exigences accrues en matière de rapports visent à assurer la transparence; par exemple, une créance impayée pendant très longtemps pourrait indiquer qu'on tente de contourner les règles sur les contributions, ou qu'une influence indue est possiblement exercée par le créancier sur l'entité politique redevable.

Considérations

La LEC ne définit pas le terme « impayé » dans le contexte des créances. Avant 2015, les partis et associations enregistrés étaient uniquement tenus de déclarer les prêts, les créances impayées après le délai de six mois, les créances faisant l'objet d'une contestation et les créances pour lesquelles une facture avait été envoyée plus de trois mois après que la dépense a été engagée.

Après les changements législatifs apportés en 2015, il est arrivé qu'Élections Canada, les partis enregistrés et les associations enregistrées considèrent les créances impayées comme des créances devenues exigibles. Cela semblait respecter les objectifs de la LEC, puisqu'il y avait un souci de transparence dans le cas des créances pour lesquelles on pouvait croire à une tentative de contourner les règles ou d'exercer une influence indue. Dans d'autres cas, Élections Canada ainsi que les partis et associations enregistrés avaient une interprétation différente de la LEC, selon laquelle toute créance qui n'avait pas été payée constituait une créance impayée, même si leur paiement n'était pas encore exigible.

D'une part, si on examine la Loi, il est possible de conclure que le Parlement voulait distinguer les notions de créance et de créance impayée. Par exemple, l'alinéa 432(2)e) exige que le rapport financier comporte un état de l'actif et du passif du parti, notamment :

  1. (i) un état des créances faisant l'objet d'une poursuite en vertu de l'article 429;
  2. (ii) un état des créances impayées, y compris celles qui découlent des prêts consentis au parti au titre de l'article 373.

La signification du terme créance est suggérée dans les articles 427 et 475.1 de la version anglophone de la LEC, lesquels stipulent que toute personne ayant une créance à payer sur une dette doit présenter un compte détaillé de la créance ou tout autre document justificatif au parti enregistré ou à une de ses associations. Il est sous-entendu qu'une créance est un montant à payer; une fois le montant payé, on ne peut plus parler d'une créance.

Selon cette interprétation, il serait redondant de désigner une « créance impayée » comme un montant à payer. Si on examine les exigences de déclaration, selon lesquelles les partis et associations enregistrés sont tenus de déclarer les « créances qui demeurent impayées 18 ou 36 mois après la date où le paiement est exigible », on pourrait envisager d'utiliser la date où le paiement est exigible pour déterminer si la créance est classée comme impayée. Ainsi, une créance impayée serait définie comme un montant qui demeure impayé après la date à laquelle le paiement est devenu exigible.

D'autre part, dans le domaine comptable, on désigne les créances impayées davantage comme des comptes créditeurs. Selon cette définition, une créance impayée est une créance qui n'a pas encore été payée en entier à la fin de l'exercice financier. Les dépenses engagées avant la fin de l'exercice pour lesquelles aucune facture n'a été reçue seraient déclarées selon les principes de comptabilité d'exercice.

Cette deuxième interprétation est appuyée par les exigences de financement politique pour les élections et les courses. Le libellé des dispositions concernant les créances impayées pour les candidats, les candidats à l'investiture et les candidats à la direction après une élection ou une course est essentiellement le même que pour les partis et associations enregistrés dans leur rapport financier annuel. Ainsi, une seule interprétation pourrait être appliquée à toutes les entités politiques.

Pour les candidats, les candidats à l'investiture et les candidats à la direction, il existe un lien évident entre les dépenses de campagne – qui doivent être déclarées en détail comme des montants payés, des biens ou des services contribués ou cédés, ou des créances impayées – et l'état des créances impayées. Les partis enregistrés sont également tenus de déclarer les dépenses électorales de cette façon, qu'elles soient payées ou non (pour les élections partielles, la déclaration se fait dans leur rapport financier annuel). Si les créances impayées étaient seulement les montants qui demeurent impayés après la date à laquelle le paiement est exigible, le lien entre les dépenses et les créances impayées serait rompu, ce qui compliquerait davantage le remboursement des dépenses payées après la soumission du rapport, mais avant la date où le paiement est exigible.

De plus, les candidats, les candidats à l'investiture et les candidats à la direction doivent ouvrir un compte bancaire exclusivement pour leur campagne et le fermer « dès qu'il a été disposé [...] de l'excédent de fonds de [campagne] et des créances impayées » (par. 476.65(4), 477.46(4) et 478.72(4)). Le compte doit être fermé lorsque toutes les obligations financières ont été respectées. Cependant, si les créances impayées étaient seulement celles dont le paiement est exigible, les comptes pourraient être fermés avant que la campagne ait payé ses créances assorties d'un long délai de paiement.

Autre considération importante : certaines créances, y compris certains prêts, n'ont pas de date de paiement précise. Si on considère que les créances impayées sont seulement celles qui sont exigibles, les factures qui n'ont pas de date de paiement ou dont la date de paiement est éloignée – qui constituent précisément les types de dépenses pour lesquelles la transparence est de mise – ne seraient pas détaillées dans le rapport financier annuel des partis et associations enregistrés. Elles seraient prises en compte uniquement dans la vaste catégorie des comptes créditeurs et des frais courus. De plus, les prêts qui n'ont pas de terme seraient déclarés dans le rapport de l'exercice financier pendant lequel ils ont été obtenus, mais aucun détail ne serait fourni dans les rapports des exercices subséquents, même si les prêts demeuraient impayés.

Enfin, il pourrait être utile de prendre en compte la signification courante du terme « impayé » ailleurs dans la LEC, qui s'applique dans la plupart des cas. Par exemple, le paragraphe 376(4) de la version anglophone de la LEC stipule qu'un frais engagé constitue une dépense engagée par un parti enregistré ou un candidat qu'elle soit payée ou impayée. Il n'y a pas d'option médiane. De plus, une personne peut entamer une procédure de recouvrement d'une créance impayée si le parti enregistré ou l'association enregistrée la conteste ou refuse de la payer (art. 429, 475.3). Il n'est pas nécessaire d'attendre que la facture soit exigible avant de procéder au recouvrement. Dans ce contexte, la signification d'impayé se défend d'elle-même.

Définition d'une créance impayée

Dans sa décision quant à l'interprétation à adopter parmi les deux interprétations présentées, Élections Canada a pris en compte l'objectif de la LEC d'assurer la transparence, ainsi que la mesure dans laquelle les mêmes termes sont utilisés dans les dispositions portant sur les créances impayées pour les différentes entités politiques. On a estimé que les principes de transparence et, plus particulièrement, de cohérence, étaient mieux soutenus par une interprétation qui désigne une créance impayée comme toute créance qui n'a pas été payée en entier. Cette interprétation rejoignait également la signification courante du mot. Une interprétation à cet effet a été présentée dans une ébauche de cette note en novembre 2018.

Cependant, l'interprétation définitive d'Élections Canada doit également tenir compte des commentaires formulés par les partis enregistrés sur l'ébauche de la note d'interprétation pendant la période de consultation. Certains partis ont plaidé en faveur d'une interprétation téléologique des dispositions de la LEC. Ils ont affirmé que la déclaration de centaines de créances dont le paiement n'est pas encore exigible n'aiderait pas Élections Canada à relever les transactions qui seraient, en fait, des contributions non monétaires. Par ailleurs, le fait de calculer et de déclarer tous les montants dus, y compris les charges constatées, constituerait un fardeau important. Certains partis ont également soulevé des préoccupations relatives à la confidentialité et à la protection des renseignements personnels. En effet, des employés du parti ou de l'association affichant des créances impayées relatives à des dépenses pourraient voir leur nom et les montants qui leur sont dus divulgués dans les rapports de fin d'exercice sans que cette mesure favorise l'atteinte des objectifs du régime.

Conclusion

Compte tenu des arguments présentés de part et d'autre dans la version initiale de la note, et des observations subséquentes des partis enregistrés, Élections Canada a revu son ébauche de la note d'interprétation. La LEC a pour but de favoriser la transparence, et les modifications apportées par le Parlement en 2014 visaient à s'assurer que toutes les créances impayées, y compris les prêts, sont bien déclarées. Toutefois, il est aussi vrai que les rapports inutiles qui imposent un fardeau aux participants sans contribuer de façon appréciable à l'objectif de transparence ne reflètent pas l'intention du Parlement.

Dans les circonstances, il convient d'interpréter les dispositions de la LEC de façon à favoriser la transparence sans imposer d'exigences additionnelles inutiles en matière de rapports. À cette fin, Élections Canada présente ci-dessous son interprétation des dispositions.

Dans la préparation de leur rapport financier annuel, les partis et associations enregistrés doivent inclure un état des créances impayées, y compris les prêts. Une créance relative à une dépense est impayée à partir du jour où son paiement est exigible jusqu'à ce qu'elle soit payée en entier. Un prêt est impayé à compter du jour où il est obtenu jusqu'à ce qu'il soit remboursé en entier. Par souci de transparence, si aucune date d'échéance n'est précisée sur une facture ou un contrat écrit, le paiement d'une créance relative à une dépense est réputé exigible à la réception des biens ou des services visés. Cette interprétation veille à ce qu'aucune créance impayée ne demeure non déclarée indéfiniment.

Cette interprétation ne s'applique qu'à la production d'un état des créances impayées dans le rapport financier annuel des partis ou des associations enregistrés. Elle ne s'applique pas à toute autre fin de production de rapport d'un parti enregistré ou d'une association enregistrée, notamment la production d'un état des dépenses pour une élection partielle dans un rapport financier annuel ou d'un état des dépenses pour une élection générale, ni à la production de rapport de candidats. Dans tous ces cas, une créance est « impayée » à compter du jour où la dépense est engagée jusqu'à ce qu'elle soit payée en entier. De cette façon, l'état des dépenses d'une élection ou d'une course donnera un portrait d'ensemble complet. Autrement, les dépenses électorales ou les dépenses de course impayées dont le paiement n'était pas encore exigible ne seraient pas prises en compte dans le calcul des plafonds des dépenses.