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Perspectives électorales – Les jeunes et les élections

Perspectives électorales – Juillet 2003

La participation électorale et le manque de connaissances

La participation électorale et le manque de connaissances

Paul Howe
Professeur adjoint, Département de science politique, Université du Nouveau-Brunswick

Depuis l'élection générale fédérale de novembre 2000, le déclin de la participation des jeunes électeurs aux élections canadiennes a suscité énormément d'attention. Dans le cas de l'élection de 2000, on estime que 25 % des jeunes de 18 à 24 ans se seraient rendus aux urnes – après correction de la tendance des sondages à produire des estimations gonflées – alors que le taux de participation générale est tombé à 64 % note 1, soit le taux le plus bas depuis la Deuxième Guerre mondiale. Le déclin de la participation des jeunes doit donc occuper une place de choix dans toute étude sur l'abstention des électeurs et les stratégies visant à y remédier.

Les chercheurs qui se sont penchés sur ce phénomène constatent qu'il ne s'agit pas d'un phénomène nouveau, contrairement à ce que l'on puisse penser. En effet, les sondages menés lors des élections générales fédérales de 1968 à 2000 révèlent que les Canadiens ont une tendance profonde à moins voter pendant leur jeunesse que plus tard dans leur vie. Le taux de participation électorale augmente en effet d'environ 15 points entre les âges de 20 et 50 ans. Cependant, ces effets du cycle de vie sur la participation électorale ne sont pas particulièrement critiques à l'heure actuelle puisqu'ils ne sont pas en cause dans le déclin généralisé de la participation électorale note 2. Les différences apparues entre les générations au cours des 20 dernières années, soit entre les Canadiens nés dans les années 1960 et 1970 et ceux qui sont nés auparavant, sont plus importantes. Le taux de participation des cohortes nées dans les années 1970, donc des personnes ayant commencé à voter dans les années 1990, est d'environ 20 points inférieur à celui des membres des générations d'avant le baby-boom (nés avant 1945) lorsque ceux-ci étaient de jeunes adultes. À une époque où les cohortes de jeunes représentent une proportion plus importante de l'électorat, leur abstention le jour d'élection commence à se faire sentir et représente une bonne partie du déclin global de la participation électorale au cours des dernières élections note 3.

Connaissances en politique

Il est urgent d'examiner les divers facteurs relatifs aux différences d'âge ayant une incidence sur la participation électorale dans le but de déterminer lesquels sont sous-jacents aux importants effets de cohorte et lesquels sont responsables du modèle du cycle de vie. Un effet de cohorte qui ressort clairement est l'important écart en matière de connaissances politiques qui existe entre les cohortes de jeunes et leurs aînés. Dans les sondages menés au cours des élections générales de 1984, 1993, 1997 et 2000, ainsi que dans une étude séparée réalisée en 1990, on a posé aux Canadiens un grand nombre de questions de fait touchant leurs connaissances de la politique du pays, notamment les noms des chefs des partis politiques et les promesses électorales des divers partis. Chaque sondage comprenait une série différente de questions. Il fallait donc trouver un moyen de normaliser le tout aux fins de comparaison. Une méthode simple consistait à attribuer, selon leur niveau de connaissances, une cote de 0 à 100 (un rang centile) aux répondants de chaque sondage par rapport aux autres répondants du même sondage. À partir de ces résultats normalisés, le tableau 1 illustre le niveau de connaissances en politique au fil du temps et révèle l'écart entre les cohortes et un groupe de référence, plus âgé (soit les personnes nées entre 1926 et 1938). Deux points ressortent : d'abord, il y a de grandes différences en matière de connaissances politiques entre les cohortes plus jeunes et le groupe de référence, et le fossé tend à s'élargir à chaque nouvelle cohorte; puis, ce fossé ne se referme que légèrement avec le temps, même avec la progression en âge des cohortes plus jeunes (une légère amélioration apparaît lorsque les cohortes sont relativement jeunes, puis le fossé se stabilise plus ou moins par la suite). Étant donné les écarts considérables qui persistent entre les personnes nées à des périodes précises, la tendance suggère un effet de cohorte plutôt que celui d'un modèle de cycle de vie où les connaissances augmentent au fur et à mesure que les électeurs avancent en âge.

Tableau 1
Un manque de connaissances grandissant, 1984 à 2000
  1984 1990 1993 1997 2000
1939-1954 -4,6 -4,6 -4,5 -4,7 -2,6
1955-1966 -15,4 -11,7 -8,9 -11,2 -10,7
1967-1971   -23,7 -16,2 -14,4 -16,1
1972-1975     -26,2 -19,1 -23,3
1976-1979       -24,0 -26,7
1980-1982         -33,3

Les entrées représentent l'écart entre le niveau moyen de connaissances de chaque cohorte et la cohorte de référence (1926-1938), les connaissances en politique étant mesurées sur une échelle de 0 à 100.
Sources : Études sur les élections canadiennes de 1984, 1993, 1997 et 2000 et Survey of Attitudes About Electoral Reform (1990). Voir la section Remerciements pour de plus amples renseignements.



Ce n'est cependant qu'une des manières dont les connaissances en politique se mêlent aux effets de cohorte ayant entraîné le déclin de la participation électorale au cours des dernières élections. Un autre aspect concerne l'effet accru des connaissances en politique sur la participation électorale des personnes qui viennent de joindre les rangs de l'électorat. Le tableau 2 découpe les données des diverses cohortes de naissance note 4 et illustre le fossé de la participation électorale entre les personnes qui possèdent un niveau élevé de connaissances en politique et ceux qui en possèdent moins. Il semble que ce fossé soit sensiblement plus grand chez les cohortes de jeunes que chez leurs aînés. Prenons par exemple le taux de participation de la cohorte de 1976 à 1982 aux élections de 2000. Il y avait une différence de 46,9 points entre les répondants le moins renseignés et le mieux renseignés (taux de participation de 41,3 % pour le premier groupe et de 88,2 % pour le deuxième groupe). Bref, deux forces dynamiques travaillent ensemble pour faire baisser la participation des cohortes de jeunes, à savoir le niveau inférieur de connaissances, dont les effets sont aggravés par l'impact croissant des connaissances sur la participation électorale. Par conséquent, les connaissances en politique sont un facteur critique, sinon le facteur critique, sous-jacent à la différence de participation entre les cohortes.

Tableau 2
L'impact croissant des connaissances sur la participation électorale, 1984 à 2000
Cohorte 1984 1990 1993 1997 2000
Avant 1926 10,6 9,1 11,9 15,6 4,2
1926-1938 12,5 7,7 9,1 12,3 20,4
1939-1954 8,3 8,4 10,5 12,6 17,6
1955-1966 27,7 19,6 21,4 21,6 24,2
1967-1975   10,5* 31,1 33,8 31,9
1976-1982       35,8* 46,9
Total 18,2 13,8 21,4 23,3 32,3

* N < 20 pour la catégorie de connaissances élevées
Les entrées représentent le fossé de la participation électorale entre les personnes qui connaissent peu la politique et ceux qui la connaissent bien; chaque groupe représente environ un tiers de l'ensemble des répondants. Certaines cellules sont vides en raison du manque de répondants dans ces cohortes pour ces années.
Sources : Études sur les élections canadiennes de 1984, 1993, 1997 et 2000 et Survey of Attitudes About Electoral Reform (1990)



On pourrait s'opposer à cette conclusion en faisant valoir que le problème est en fait plus grave et que le manque de connaissances en politique des Canadiens est plutôt symptomatique d'un malaise plus profond, à savoir le désengagement généralisé des jeunes Canadiens face à la politique. Dans cette optique, le problème est d'abord et avant tout une question de motivation, à savoir que les jeunes Canadiens ne votent pas (et ne sont pas au courant de la politique) simplement parce qu'ils ne s'y intéressent pas. Cependant, une analyse semblable portant sur l'intérêt pour la politique des cohortes de naissance au fil du temps mine cette hypothèse. Quand il s'agit d'intérêt pour la politique, les effets de cohorte sont plutôt négligeables. L'intérêt pour la politique se manifeste en revanche de façon plus marquée dans un modèle de cycle de vie. Les jeunes adultes qui manifestent un peu d'intérêt pour la politique sont plus enclins à s'y intéresser davantage au fur et à mesure qu'ils avancent en âge. Lorsque les divers éléments sont réunis dans un seul modèle de participation électorale, les conclusions sont renforcées : l'intérêt pour la politique produit le plus grand effet dans le cas du modèle de cycle de vie de la participation électorale alors que les différences entre les cohortes s'expliquent essentiellement par les connaissances en politique note 5.

Une certaine réflexion sur les liens déterminants entre les connaissances et l'intérêt mine également la notion que la motivation est le principal élément d'influence en ce qui concerne le désengagement politique. S'il est raisonnable de suggérer que l'intérêt puisse inciter quelqu'un à acquérir des connaissances en politique, il est tout aussi raisonnable de supposer que l'éducation rend la politique plus intelligible et par conséquent plus intéressante. Ces deux aspects sont sans doute liés dans un cercle vertueux, l'intérêt engendrant les connaissances et les connaissances piquant la curiosité. Il suffirait d'un élan d'un côté ou de l'autre du cercle pour déclencher le mouvement. Le simple bon sens voudrait qu'une augmentation des connaissances à l'adolescence, par exemple, soit très efficace puisque à cet âge, les intérêts sont relativement fluides et malléables. Des considérations pratiques portent aussi à croire que le fait de souligner l'importance des connaissances en politique représente la stratégie la plus sensée. Il semble en effet moins difficile d'enseigner la politique aux jeunes que de les amener à s'intéresser à une matière qu'ils estiment tout à fait ennuyeuse.

Éducation civique

Le raisonnement décrit plus haut nous amène à la question de l'éducation civique. Les jeunes étudient-ils suffisamment la politique à l'école? Si nous en faisions plus, cela aurait-il un effet bénéfique sur les connaissances en politique et la participation électorale? La littérature dans ce domaine est quelque peu ambiguë. Certains suggèrent que les effets à long terme de l'éducation civique soient moins concluants, surtout si celle-ci est donnée trop tôt dans le cycle de l'éducation note 6. Les grandes conclusions peuvent toutefois masquer des différences subtiles. Nous devons en apprendre davantage sur les incidences éventuelles d'une éducation civique à grand déploiement dans un pays où l'on n'a jamais insisté sur le sujet et qui semble se classer après d'autres nations à cet égard note 7.

Heureusement, nous disposons d'une étude de cas toute prête, à savoir le nouveau programme d'éducation civique introduit dans les écoles secondaires de l'Ontario. Depuis 2000, tous les élèves de la 10e année doivent prendre un cours d'éducation civique dans le cadre du programme d'études canadiennes et mondiales note 8. Le caractère obligatoire du cours rend l'initiative encore plus intéressante et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, tous les élèves, y compris ceux qui autrement n'auraient pas assisté à ce cours, reçoivent des rudiments d'éducation civique. Par ailleurs, ce fait même est un avantage pour les chercheurs qui désirent évaluer les résultats de ce nouveau programme. Si le cours d'éducation civique était facultatif, il soulèverait la problématique de l'autosélection, c'est-à-dire que les élèves ayant déjà des connaissances en politique et un certain intérêt à cet égard seraient plus enclins à le suivre. Il serait alors difficile d'évaluer le véritable impact du cours. Cette possibilité n'existant pas, il devrait être possible d'évaluer l'éducation civique de manière plus définitive quant à ses incidences sur le niveau de connaissances, l'engagement et la participation politique. On pourra d'ailleurs le constater très bientôt, puisque certains finissants pourront voter à la prochaine élection fédérale ou provinciale. Étudier ces questions et diffuser les résultats de sorte que les autres provinces puissent bénéficier de l'expérience de l'Ontario serait une mesure concrète possible face au problème du déclin de la participation électorale des jeunes Canadiens.

Journaux, télévision et Internet

Tableau 3
Attention accordée à la politique à la télévision et connaissances en politique
Âge Attention accordée à la politique à la télévision Connaissances en politique (échelle de 0 à 100)
18-29 Peu 21
Moyennement 35
Beaucoup 54
30-39 Peu 38
Moyennement 45
Beaucoup 64
40-49 Peu 43
Moyennement 51
Beaucoup 61
50 et plus Peu 51
Moyennement 58
Beaucoup 65

L'attention accordée à la politique, mesurée à partir de l'attention accordée à la campagne électorale fédérale à la télévision pendant les derniers jours de la campagne (échelle de 0 à 10, 0 à 3 étant considéré « Peu », 4 à 6 « Moyennement » et 7 à 10 « Beaucoup »).
Source : Étude sur l'élection canadienne 2000



Lorsqu'on étudie le rôle éventuel de l'éducation civique dans le rehaussement des connaissances et de la participation, il faut tenir compte des nombreux canaux d'influence. Comme d'autres l'ont déjà fait remarquer, l'éducation civique suppose bien plus que de bourrer les crânes des élèves avec des faits. Il est tout aussi important de leur inculquer des compétences et des préférences qui soutiennent l'apprentissage continu après les études. Selon Henry Milner, l'objectif devrait être d'inculquer une « culture citoyenne » faisant que l'on se tienne spontanément au courant de la politique note 9.

Un des aspects de cette culture citoyenne dont on parle souvent est la lecture du journal. Les journaux représentent une source importante d'information politique, mais les jeunes générations sont moins portées à les acheter. Il y a aussi d'autres stratégies qui méritent tout autant d'être soulignées. La télévision semble être le moyen de prédilection des jeunes Canadiens pour acquérir de l'information politique. Le tableau 3, basé sur l'Étude sur l'élection canadienne 2000, illustre le niveau de connaissances en politique des divers groupes d'âge relativement à l'attention accordée à la campagne électorale fédérale à la télévision; les connaissances en politique sont mesurées sur une échelle de 0 à 100. Dans le cas des personnes ayant moins de 30 ans, l'effet de la télévision était certes remarquable : une différence de 33 points en connaissances politiques distinguait la catégorie qui l'écoutait peu de celle qui l'écoutait beaucoup. L'effet de la télévision était aussi considérable pour la catégorie adjacente (30 à 39 ans), mais diminuait considérablement pour les groupes plus âgés. La lecture des journaux est également importante pour s'informer sur la politique et ce, pour tous les groupes, mais chez les jeunes de 18 à 39 ans, c'est la télévision qui affiche le plus grand effet, surtout si les variables sont soumises à des contrôles par analyse multivariable note 10.

Une stratégie générale visant à rehausser le niveau de connaissances en politique chez les jeunes Canadiens devrait donc viser notamment à modifier les habitudes d'écoute des jeunes de manière à ce qu'ils accordent plus d'attention à la politique. L'école est sans doute le meilleur point de départ. En vue de développer une culture citoyenne, on pourrait inclure au programme d'éducation civique l'écoute d'émissions axées sur la politique. Tout comme les élèves doivent parfois lire le journal tous les jours pour ce cours, ils pourraient aussi devoir suivre les actualités à la télévision tous les soirs (ce qui risquerait d'ailleurs d'être plus productif). Les actualités pourraient aussi être écoutées en classe et servir de base de discussions et de débats. Pour ceux qui jurent par la presse écrite, cette stratégie peut sembler une forme de capitulation, mais elle peut s'avérer le moyen le plus efficace de maintenir un niveau de base de connaissances en politique pour les générations élevées à l'ère de la presse électronique.

On pourrait aussi encourager l'utilisation d'Internet comme source d'information politique. Même si, à l'heure actuelle, on connaît peu les effets d'Internet sur le niveau des connaissances en politique note 11, la consultation régulière de sites médiatiques fiables sur le Web peut finir par valoir la lecture régulière des journaux pour ce qui est d'accroître ses connaissances en politique. Inculquer de bonnes habitudes dès le jeune âge dans le cadre d'un programme enrichi d'éducation civique serait sans doute un moyen efficace de profiter d'une tendance déjà bien ancrée chez les jeunes générations, soit l'usage extensif d'Internet.

Ces suggestions visant à redresser la participation électorale sont axées sur une seule dimension : le niveau inférieur de connaissances des jeunes Canadiens. Or le second aspect, soit l'effet accru des connaissances sur le vote chez les jeunes générations, est tout aussi important et, sans doute, il présente le plus grand défi à relever.

Il est tout à fait raisonnable de penser que les connaissances en politique auraient un effet sur la participation électorale. Si les électeurs votent pour exercer leur influence sur la politique publique et ceux qui la formulent, il semble tout aussi naturel que ceux qui sont moins renseignés sur ces questions et sur les acteurs politiques soient moins enclins à se rendre aux urnes. Ce qui par ailleurs est le plus frappant dans les habitudes de voter ou de ne pas voter des cohortes est la différence que fait l'éducation dans la participation des jeunes cohortes, alors qu'elle fait si peu de différence chez les cohortes plus âgées. Chez les cohortes plus âgées, l'écart entre la participation des personnes les plus éduquées et les moins éduquées en la matière représentait normalement 10 points lors des récentes élections (voir le tableau 2), ce qui signifie qu'environ 80 % à 85 % des citoyens âgés mal informés votent malgré ce manque évident.

Devoir civique


Le manque de connaissance des enjeux et des acteurs politiques est nettement moins susceptible de dissuader les Canadiens plus âgés de voter que les jeunes."

On peut supposer que la participation électorale des générations plus âgées se maintient par autre chose que le désir de faire valoir son opinion sur les questions de l'heure et les leaders qui les gèreront. Certains ont suggéré qu'il s'agissait d'un sens profond du devoir civique note 12. Il incombe à chaque citoyen, qu'il soit immergé dans les questions de l'heure ou non, de se présenter aux urnes le jour d'élection. Pour les électeurs qui sont de cet avis, le fait de voter relève plutôt d'un réflexe que d'une décision délibérée.

Les chercheurs qui lient l'importance du devoir civique au fait de voter ont en même temps établi que les groupes de jeunes avaient un sens du devoir moins prononcé note 13. Ce phénomène cadre parfaitement avec les grandes tendances qui ressortent de plusieurs études. Les jeunes générations sont moins portées à emboîter le pas et à suivre la ligne tracée par les autres autour d'eux. Ces jeunes sont plus autodéterminés, plus autonomes dans leurs prises de décisions et moins enclins à s'en remettre à une autorité externe note 14. En ce qui concerne le fait de voter ou non, les jeunes sont davantage portés à se laisser guider par leurs propres idées que par les pressions sociales.

C'est dans ce contexte que les connaissances politiques se manifestent. Les citoyens autodéterminés voteront s'ils estiment qu'il s'agit d'un geste personnellement utile. Ce n'est sans doute pas le cas des personnes qui ne sont pas au courant de la politique. Le fait de cocher une case ou une autre avec peu d'information pour les orienter serait un geste vide, voire contre-productif. Il est certes toujours possible de s'informer au moment d'une élection, mais il est difficile de tout commencer à zéro. La courbe d'apprentissage serait extrêmement raide. C'est ainsi que les connaissances, en l'absence d'un grand sens du devoir civique, influencent fortement la décision de voter.

Conclusion

L'analyse de cet article est certes conjecturale, mais semble plausible pour expliquer l'importance croissante des connaissances dans la participation politique. Elle comporte aussi une incidence de taille, à savoir que le déclin de la participation électorale chez les jeunes Canadiens provient en partie d'un mouvement culturel intense qui a modifié la base des actions sociales et politiques des nouvelles générations. Le comportement autodéterminé est devenu une norme qui ne sera pas facile à changer. Sans doute devra-t-on simplement accepter les nouvelles motivations relatives au fait de voter ou non.

Or, si on ne peut changer cette partie de l'équation, on peut au moins s'en servir à notre avantage. Puisque les connaissances influencent fortement la participation électorale des cohortes de jeunes, on pourrait la faire augmenter sensiblement grâce à une éducation politique accrue. En examinant les divers facteurs qui ont contribué au déclin de la participation des jeunes électeurs, on sera mieux en mesure de déterminer quelles approches peuvent produire de l'effet, et ainsi cerner les forces à mobiliser pour en profiter au maximum.

Remerciements

Les ensembles de données proviennent de l'Institute for Social Research (ISR) de l'Université York. Les études sur les élections canadiennes de 1984, 1993, 1997 et 2000 ont été financées par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH). Le Survey of Attitudes About Electoral Reform (1990) a été commandé par la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis. Les principaux chercheurs participant à ces études étaient : R. D. Lambert, S. D. Brown, J. E. Curtis, B. J. Kay et J. M. Wilson pour l'étude sur l'élection canadienne de 1984; André Blais et Elisabeth Gidengil pour le Survey of Attitudes About Electoral Reform (1990); Richard Johnston, André Blais, Henry Brady, Elisabeth Gidengil et Neil Nevitte pour l'étude sur l'élection canadienne de 1993; André Blais, Elisabeth Gidengil, Richard Nadeau et Neil Nevitte pour l'Étude sur l'élection canadienne 1997; André Blais, Elisabeth Gidengil, Richard Nadeau et Neil Nevitte pour l'Étude sur l'élection canadienne 2000. Les chercheurs originaux, les commanditaires des études et l'ISR n'assument aucune responsabilité pour les analyses et interprétations dans le présent document.

NOTES

Note 1 Jon H. Pammett et Lawrence LeDuc, « Pourquoi la participation décline aux élections fédérales canadiennes : un nouveau sondage des non-votants » [rapport affiché en ligne], Élections Canada (mars 2003), www.elections.ca sous la rubrique Lois et politiques électorales. Le taux de participation générale de 64 % est le taux corrigé par Élections Canada après l'élection de 2000, après que le Registre national des électeurs a été purgé des doublons (le premier taux était d'un peu plus de 61 %).

Note 2 La logique étant que les effets du cycle de vie peuvent diminuer la participation générale seulement si les jeunes représentent la plus grande proportion de l'électorat. Toutefois, la répartition de l'électorat selon l'âge demeure plus ou moins constante au fil du temps.

Note 3 André Blais et coll., « The Evolving Nature of Non-Voting: Evidence from Canada », communication présentée lors de l'assemblée annuelle de l'American Political Science Association tenue à San Francisco du 30 août au 2 septembre 2001.

Note 4 Les cohortes du tableau 1 sont intégrées à des bandes plus larges des années de naissance du tableau 2 pour augmenter les tailles des échantillons et donner des estimations plus fiables.

Note 5 Cette analyse a été faite au moyen des données des études sur les élections canadiennes de 1984, 1988, 1993, 1997 et 2000. Ces résultats ainsi que l'analyse des cohortes sur l'intérêt pour la politique seront revus en détail par l'auteur dans un prochain article.

Note 6 Voir Henry Milner, Civic Literacy: How Informed Citizens Make Democracy Work, Hanover, New Hampshire, University Press of New England, 2002, p. 118-121.

Note 7 Les résultats du sondage international de connaissances géopolitiques chez les jeunes de 18 à 24 ans placent le Canada en troisième avant-dernière place d'un groupe de neuf pays, avant le Mexique et les États-Unis. Voir l'article intitulé « Geography Quiz Stumps College-Age Canadians » du Globe and Mail, le 21 novembre 2002, p. A14.

Note 8 Détails provenant du ministère de l'Éducation de l'Ontario, « Le curriculum de l'Ontario, 9e et 10e années, Études canadiennes et mondiales », p. 46-53, en ligne à http://www.edu.gov.on.ca/fre/document/ curricul/secondary/canadian/canascf.pdf

Note 9 Milner, Civic Literacy, surtout les chapitres 7, 8 et 9.

Note 10 Ces résultats sont présentés en détail dans « Name That Premier: The Political Knowledge of Canadians Past and Present », communication présentée par Paul Howe à l'assemblée annuelle de l'Association canadienne de science politique tenue à Toronto du 29 au 31 mai 2002, p. 17-19.

Note 11 L'utilisation d'Internet est comprise dans l'analyse multivariable de Paul Howe dans « Name That Premier », au tableau 4 en page 31. Internet a un effet positif, bien que ses effets sur les connaissances politiques soient moindres que le fait de lire le journal ou de regarder la télévision. La mesure d'Internet du sondage servant à cette analyse est relativement imprécise en ce sens que l'on a simplement demandé aux gens s'ils se servaient d'Internet pour s'informer de la politique. Une mesure plus précise, à savoir quels sites Web étaient consultés et combien de fois, aurait sans doute donné de meilleurs résultats.

Note 12 André Blais, To Vote or Not to Vote: The Merits and Limits of Rational Choice Theory, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2000, p. 92-114.

Note 13 Blais, To Vote or Not to Vote, p. 97.

Note 14 Voir Neil Nevitte, The Decline of Deference: Canadian Value Change in Cross-National Perspective, Peterborough, Ontario, Broadview Press, 1996 et Russell Dalton, Citizen Politics: Public Opinion and Political Parties in Advanced Industrial Democracies, London, Chatham House Publishers, 2002, surtout les chapitres 1 à 6.


Note : 

Les opinions exprimées par les auteurs ne reflètent pas nécessairement celles du directeur général des élections du Canada.