Perspectives électorales - Réforme du financement des élections : Canada, Grande-Bretagne et États-Unis
Perspectives électorales – Mai 2002
Révision des limites des circonscriptions électorales fédérales
Herschell Sax
Directeur adjoint, Représentation parlementaire, Élections Canada
Le processus de révision des limites des circonscriptions électorales fédérales, qui devra refléter les changements et les mouvements dans la population canadienne, est entamé. La révision, également appelée « redécoupage électoral », s'effectue conformément à la Loi constitutionnelle de 1867 après chaque recensement décennal. Cette fois-ci, le directeur général des élections a amorcé le redécoupage électoral le 12 mars, lorsqu'il a reçu du statisticien en chef du Canada l'état des résultats du recensement. Ce projet complexe est régi par la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales (L.R.L.C.E.), L.R.C. 1985, ch. E-3, telle que modifiée.
Pour isoler le processus de toute ingérence politique, des commissions entièrement indépendantes révisent les limites des circonscriptions. Conformément aux dispositions de la L.R.L.C.E., Élections Canada fournit divers services professionnels, techniques, administratifs et financiers aux commissions. Il existe une commission de délimitation des circonscriptions électorales pour chaque province. Chacune de ces commissions se compose de trois membres : un juge nommé par le juge en chef de la province pour diriger la commission et deux autres membres nommés par le président de la Chambre des communes. Comme le Territoire du Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut comprennent chacun une seule circonscription, ils n'ont pas besoin de commission de délimitation.
Après une série d'audiences publiques et dans un délai maximal d'un an à compter de la réception de l'état certifié établi par le statisticien en chef, chaque commission publie un rapport précisant si elle juge nécessaire d'apporter des modifications à certaines circonscriptions. Une fois que les commissions ont étudié les objections des députés (par l'entremise d'un comité parlementaire), le directeur général des élections envoie l'ébauche d'un décret de représentation fondé sur les recommandations des commissions au ministre nommé aux fins de la L.R.L.C.E. Le décret de représentation précisera le nombre de députés qui siégeront à la Chambre des communes pour chaque province et divisera chaque province en circonscriptions électorales. Il indiquera aussi les limites de chaque circonscription et précisera sa population et son nom. Les limites des circonscriptions utilisées aux élections fédérales en Ontario sont également utilisées aux élections provinciales.
L'échéancier prévu pour le prochain redécoupage indique qu'un nouveau décret de représentation devrait être proclamé dès 2003. Le décret de représentation entrera en vigueur à la date de la première dissolution de la législature qui arrivera au moins un an après cette proclamation. Ainsi, toute élection générale fédérale déclenchée plus d'un an après la proclamation serait conduite en utilisant les limites et les noms de circonscription précisés en vertu du nouveau décret de représentation. L'échéancier dépend de la date à laquelle les commissions auront terminé leur travail et de celle à laquelle le comité désigné par la Chambre des communes aura fini d'étudier toute opposition, le cas échéant.
Le processus de révision
Le tableau suivant explique les principales étapes de révision des circonscriptions électorales fédérales. Il indique les articles de la L.R.L.C.E. applicables à chaque étape.
La formule
Le calcul de la répartition des sièges aux provinces (conformément à la Loi constitutionnelle de 1867) est effectué en quatre étapes :
1 - L'attribution de sièges aux territoires
Des 282 sièges que la Chambre des communes du Canada comptait en 1985 lorsque la formule a été révisée, trois sièges sont attribués aux territoires, ce qui laisse 279 sièges. Ce nombre sert au calcul du quotient électoral.
2 - Le calcul du quotient électoral
On divise le chiffre total de la population des dix provinces par 279 (le nombre obtenu après avoir alloué des sièges aux territoires) pour obtenir le quotient électoral. Celui-ci sert à déterminer le nombre de sièges pour chaque province.
3 - L'attribution de sièges à chaque province
Le nombre théorique de sièges attribués à chaque province à la Chambre des communes se calcule en divisant le chiffre de la population totale de chacune d'elles par le quotient électoral obtenu à l'étape 2; si le résultat donne une fraction supérieure à 0,50, le nombre de sièges est arrondi au nombre entier supérieur.
4 - Les rajustements
Une fois déterminé le nombre théorique de sièges par province, on fait les rajustements nécessaires en appliquant la « clause sénatoriale » et la « clause des droits acquis ».
La clause sénatoriale garantit qu'aucune province ne peut avoir à la Chambre des communes moins de sièges qu'au Sénat. En vertu de la nouvelle clause des droits acquis, inscrite dans la Loi de 1985 sur la représentation électorale, aucune province ne peut avoir moins de sièges qu'elle n'en a obtenu en 1976 (ou qu'elle n'en comptait au cours de la 33e Législature).
1. La répartition des sièges – L.R.L.C.E., articles 13 et 14
Le processus de répartition des sièges débute après chaque recensement décennal, lorsque le statisticien en chef du Canada envoie un état certifié des résultats du recensement au directeur général des élections du Canada et au ministre chargé de l'application de la L.R.L.C.E. Les résultats indiquent la population de chaque province, par circonscription électorale et par secteur de recensement.
À partir des résultats du recensement et à l'aide de la formule prescrite aux articles 51 et 51A de la Loi constitutionnelle de 1867, le directeur général des élections du Canada calcule le nombre de sièges qui revient à chaque province et publie les résultats dans la Gazette du Canada.
2. L'établissement des commissions – L.R.L.C.E., articles 3 à 6, 13, 15 et 20
Les dix commissions de délimitation des circonscriptions doivent être constituées et chargées de délimiter les nouvelles circonscriptions dans les 60 jours suivant la date à laquelle le statisticien en chef du Canada fournit au gouvernement et au directeur général des élections du Canada les chiffres de population.
Le président de la commission de chaque province est choisi par le juge en chef de la province, tandis que les deux autres membres sont choisis et nommés par le président de la Chambre des communes. Les commissions sont officiellement créées par le gouverneur en conseil (le Cabinet).
Une fois que le directeur général des élections du Canada leur a remis les cartes et les chiffres de population tirés du dernier recensement décennal, les commissions ont un an pour formuler leurs propositions, tenir des audiences publiques et présenter un rapport final. Selon les lignes directrices de la L.R.L.C.E., la révision ne se réduit pas simplement à un calcul automatique; il s'agit plutôt de chercher un équilibre délicat tenant compte tout autant des intérêts humains que des caractéristiques géographiques des circonscriptions en cause.
La tâche des commissions consiste à partager le territoire qui leur est assigné en un certain nombre de circonscriptions électorales, de telle sorte que la population comprise dans chacune de ces circonscriptions corresponde « d'aussi près qu'il est raisonnablement possible » (L.R.L.C.E., art. 15) au quotient obtenu en divisant la population totale de la province par le nombre de circonscriptions à y créer. Ce quotient est déterminé par le directeur général des élections au début du processus. En fixant les limites des circonscriptions électorales, il faut tenir compte de « la communauté d'intérêts ou l'identité culturelle d'une circonscription électorale... ou de son évolution historique... (et) des dimensions géographiques réalistes pour les circonscriptions des régions peu peuplées, rurales ou septentrionales... ».
Afin de tenir compte de ces facteurs humains et géographiques, les commissions sont autorisées à s'éloigner du quotient fixé pour la province en déterminant les limites des circonscriptions électorales. Toutefois, sauf « dans les circonstances qu'elles considèrent exceptionnelles », les commissions ne peuvent s'éloigner de plus de 25 % du quotient.
3. Les audiences publiques – L.R.L.C.E., article 19
Les Canadiens sont représentés à la Chambre des communes sur une base géographique.
Chaque électeur vote dans la circonscription où il habite.
En 1964, lorsque le Parlement a établi les règles régissant la délimitation des circonscriptions, il s'est rendu compte que pour rendre le processus aussi équitable que possible, il fallait non seulement empêcher toute ingérence politique mais également permettre aux électeurs de manifester leur point de vue aux commissions. Chaque commission invite donc les particuliers, les groupes et les députés intéressés à exprimer leurs points de vue sur ses propositions (y compris le nom des circonscriptions), après avoir avisé par écrit la commission de leur intention à cet égard. Les audiences publiques sont tenues en divers endroits choisis pour faciliter la participation du plus grand nombre possible de citoyens intéressés. Auparavant, « des présentations et des observations entendues aux audiences publiques demandant des changements aux propositions d'une commission, 50 % avaient trait à la communauté d'intérêt, 18 % à l'évolution historique et de 12 à 15 % à la géographie » note 1 .
Les commissions font publier dans les journaux, au moins 60 jours avant la date de la première audience publique, le tracé des circonscriptions qu'elles suggèrent, en indiquant la date et l'endroit de chacune des audiences publiques.
Chaque commission doit tenir au moins une audience publique avant de terminer son rapport.
Comme on reconnaît que les députés tiendront inévitablement à se prononcer sur le nom et les limites des circonscriptions proposées, la Loi les autorise non seulement à se faire entendre aux audiences publiques, mais aussi à exprimer leur opposition aux propositions émises par les commissions lorsque les rapports sont déposés à la Chambre des communes (L.R.L.C.E., ART. 22 ET 23).
4. La remise des rapports – L.R.L.C.E., article 20
À partir du moment où les chiffres de population lui ont été communiqués, chaque commission a un an pour terminer son rapport sur les limites des nouvelles circonscriptions électorales.
Le directeur général des élections du Canada peut, au besoin, accorder une prolongation de six mois au plus.
5. La participation des députés – L.R.L.C.E., article 21 et paragraphes 22(1) et (2)
Chaque commission transmet, par l'entremise du directeur général des élections du Canada, son rapport au président de la Chambre des communes, qui veille à ce qu'il soit déposé en Chambre puis transmis au comité désigné pour traiter des questions électorales.
Les députés ont 30 jours, à compter de la date du dépôt d'un rapport, pour faire connaître par écrit leurs oppositions; chacune d'entre elles doit être signée par au moins dix députés.
Le comité a 30 jours de séance pour examiner les oppositions soulevées à l'égard d'un rapport et pour renvoyer celui-ci au président de la Chambre des communes.
6. Le renvoi des rapports aux commissions – L.R.L.C.E., paragraphe 22(3) et article 23
Les rapports sont ensuite retournés aux commissions, accompagnés des procès-verbaux du comité de la Chambre des communes. Les commissions décident alors s'il y a lieu de modifier leurs rapports. Elles doivent examiner toutes les objections, mais ne sont pas tenues de modifier leurs propositions. Dans tous les cas, ce sont les commissions qui décident en dernier ressort du tracé des limites des circonscriptions.
7. Le nouveau décret de représentation électorale – L.R.L.C.E., articles 24 à 27
Le directeur général des élections du Canada rédige un document intitulé décret de représentation électorale, où sont identifiées et décrites les circonscriptions électorales constituées par les commissions, et il transmet le document au ministre désigné.
Dans les cinq jours suivant la réception par le ministre du projet de décret de représentation électorale, le gouverneur en conseil doit faire connaître publiquement les nouvelles limites par proclamation. Au plus tard cinq jours après cette proclamation, le décret de représentation électorale et la proclamation déclarant son entrée en vigueur doivent être publiés dans la Gazette du Canada.
On ne peut utiliser les nouvelles limites des circonscriptions électorales au cours d'une élection avant qu'il ne se soit écoulé au moins un an entre la proclamation du décret de représentation électorale et la date de dissolution de la législature en vue d'une élection générale.
Décret de représentation actuel
Province and Territory | Number of Federal Electoral Districts |
---|---|
Colombie-Britannique | 34 |
Alberta | 26 |
Saskatchewan | 14 |
Manitoba | 14 |
Ontario | 103 |
Québec | 75 |
Nouveau-Brunswick | 10 |
Nouvelle-Écosse | 11 |
Île-du-Prince-Édouard | 4 |
Terre-Neuve-et-Labrador | 7 |
Territoire du Yukon | 1 |
Territoires du Nord-Ouest | 1 |
Nunavut | 1 |
Total | 301 |
Le décret de représentation actuel a été proclamé le 8 janvier 1996 et est entré en vigueur à la dissolution de la législature le 27 avril 1997, pour la 36e élection générale. Il a donné lieu à une augmentation du nombre de sièges à la Chambre des communes, de 295 à 301, avec quatre sièges additionnels attribués à l'Ontario et deux, à la Colombie- Britannique, en grande partie en raison de la croissance de la population dans ces provinces. Le prochain redécoupage ajoutera sept sièges : trois en Ontario, deux en Alberta et deux en Colombie-Britannique.
Vous trouverez des renseignements additionnels sur le processus du redécoupage sur le site Web d'Élections Canada (www.elections.ca).
Notes
Retour à la Note 1 John C. Courtney, Commissioned Ridings, Designing Canada's Electoral Districts, McGill-Queen's University Press, 2001, p. 208.
Note:
Les opinions exprimées par les auteurs ne reflètent pas nécessairement celles du directeur général des élections du Canada.