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Perspectives électorales - Technologie dans le processus électoral

Perspectives électorales – Juin 2000

Internet et les élections au Canada

Internet et les élections au Canada

Tom McMahon
Directeur par intérim, Services juridiques, Élections Canada

Impossible de nos jours de lire le journal ou d'écouter les nouvelles, voire même d'entendre le discours du Trône, sans qu'on nous parle de l'importance d'Internet! Il en est question dans tous les domaines, et il est donc tout naturel de se demander : qu'en est-il de l'effet d'Internet sur les élections?

Les répondants

Pour nous aider à répondre à cette question, Élections Canada a écrit début 2000 à tous les partis politiques fédéraux enregistrés, à tous les directeurs généraux des élections au Canada ainsi qu'à diverses « tierces parties » (des groupes susceptibles de vouloir faire de la promotion pendant les élections, mais qui ne présenteront pas de candidats) et à des universitaires. Les réponses, impressionnantes par leur qualité sinon par leur nombre, présentent un point de vue instructif sur les problèmes que nous devrons affronter concernant Internet et les élections. Nous avons posé quatre questions et fait savoir que nous n'attribuerions pas de remarques personnelles aux répondants, dont nous donnerions seulement la liste. Nous avons également demandé à nos correspondants de commenter les dispositions du projet de loi C-2, la nouvelle Loi électorale du Canada proposée, qui ont un rapport avec Internet.

Nous avons reçu des réponses de Robert Patterson, directeur général des élections de la Colombie-Britannique, de Robert Jenkins, directeur général des élections de Terre-Neuve et du Labrador, de représentants du Directeur général des élections du Québec, de Julian West, représentant du Parti vert, de Nancy Riche, secrétaire-trésorière du Congrès du travail du Canada, de Stephen Best, directeur de Environment Voters, de Aaron Freeman, membre du conseil d'administration de Démocratie en surveillance, du président de La Frontière Électronique du Canada, David Jones, professeur à l'Université McMaster et du chroniqueur de droit dans le domaine technologique au Globe and Mail, Michael Geist, professeur à l'Université d'Ottawa. Les réponses que nous avons reçues ne sont pas censées représenter les positions officielles des organismes énumérés plus haut.

QUESTION 1 : LA PUBLICITÉ SUR INTERNET

Dans quelle mesure, le cas échéant, croyez-vous que la publicité électorale sur Internet pourrait avoir une incidence significative sur les électeurs à la prochaine élection générale (p. ex. informations électorales, répercussions sur les intentions de vote, financement des campagnes)?

La question vise les annonces publicitaires sur Internet, comme les bandes-annonces que l'on achète sur les sites commerciaux qui ne sont pas contrôlées par la personne ou l'organisme qui fait passer l'annonce. (La question 2 vise les sites Web de différentes parties intéressées.)

Les répondants considèrent qu'Internet est un média foncièrement différent de la radio et de la télévision. Il s'agit essentiellement d'une technologie « du tirer » : l'utilisateur doit se rendre sur le site, puis consulter les annonces du site et en extraire l'information qu'il désire. La radio et la télévision sont des technologies « du pousser » : les auditeurs et spectateurs sont exposés à des annonces sans qu'ils aient rien d'autre à faire que de choisir une station. Ils ne peuvent pas décider d'activer ou non l'annonce publicitaire comme c'est le cas sur un site Web; ils ne peuvent que changer de station. Comme le dit un répondant, « le Web n'a pas de pauses publicitaires ». Et un autre : « Les sites Web peuvent être considérés comme des versions électroniques de placards : il faut y aller pour savoir qu'ils existent, et ensuite il faut prendre le temps de lire ce qu'ils disent ».

De plus, beaucoup de Canadiens n'ont pas accès à Internet, et ceux qui y ont accès ne s'en servent pas très souvent. En général, pour eux, la toile n'a pas remplacé les médias traditionnels. Enfin, Internet compte un nombre presque infini de sites, qui, dans la vaste majorité des cas, ne sont pas canadiens. Cela signifie qu'il est extraordinairement difficile pour la publicité électorale canadienne sur Internet d'atteindre un grand nombre de Canadiens, sans parler de les amener à cliquer sur ces annonces! Les répondants estiment donc en général que la publicité électorale canadienne sur Internet n'aurait guère d'effet sur les électeurs dans un proche avenir. Un répondant a cependant fait remarquer que les jeunes connaissent mieux Internet et qu'il faut s'attendre à ce que l'information électorale sur le Web ait plus d'effet sur eux que sur d'autres segments de la société.

QUESTION 2 : LES SITES WEB DES PARTIS

Dans quelle mesure, le cas échéant, croyez-vous que les sites Web des diverses entités (p. ex. partis politiques enregistrés, candidats, tiers – c'est-à-dire ceux qui font de la publicité électorale pendant un scrutin, mais qui ne parrainent pas de candidats) pourraient avoir une incidence significative sur les électeurs à la prochaine élection générale?

Les répondants estiment généralement que ces sites seront un moyen très efficace de rejoindre les gens déjà convaincus par les messages de leurs propriétaires. Donc le site Web (et les listes de correspondants électroniques) d'un parti peut être un excellent moyen d'encourager ses sympathisants à donner de l'argent et du temps et de communiquer de l'information qui aidera ces gens à expliquer et à défendre les positions du parti. On a également fait remarquer que la qualité des sites Web peut varier considérablement.

L'un des répondants résume comme suit la situation : « Les électeurs en général et les convoités indécis en particulier ne cherchent guère à se procurer de la documentation ou de l'information électorale. La plupart des gens ne s'intéressent ni à la politique ni aux élections. »

Selon l'un des répondants, « au cours de la dernière élection fédérale, les sites Web des partis ont été généralement considérés comme médiocres et ils ne comportaient pas nécessairement d'information qui ne se trouvait pas déjà ailleurs. (...) Les sites Web représentent un potentiel fantastique, mais je crois que les principaux partis décideront de ne pas consacrer beaucoup de temps, d'argent ou de ressources humaines à l'élaboration de sites vraiment efficaces. Cela dit, je serais ravi d'avoir tort. »

Voici ce que pense un autre répondant des candidats qui ont des sites indépendants de ceux de leur parti : « Je pense que cela prête à confusion : pourquoi ne sont-ils pas tout simplement sur le site de leur parti? Aujourd'hui, tout le monde doit être sur la toile, et je pense qu'il va y avoir un regroupement autour de sites de parti réalisés avec soin au lieu de sites individuels créés par les candidats eux-mêmes. »

THE PERCENTAGE OF ADULTS USING THE INTERNET DURING A 30-DAY PERIOD

THE PERCENTAGE OF ADULTS USING THE INTERNET DURING A 30-DAY PERIOD

Source: Angus Reid Group, Inc.
Canadians are second only to the Americans as the most active users of the Internet in the world, according to a survey done by the Toronto-based Angus Reid Group. It found that during a one-month period, 56 percent of Canadian adults or 12.5 million persons surfed the Web. This compared to 59 percent of American adults. The study also found that global Internet usage could reach 1 billion users by 2005, with more than 300 million people already logged on. There were an estimated 40 million Internet users worldwide in 1996.

QUESTION 3 : QUE FAIT INTERNET QUE LES MÉDIAS TRADITIONNELS NE FONT PAS?

Dans le cadre d'une campagne électorale, Internet offre-t-il des fonctions qui ne pourraient être exécutées tout aussi efficacement avec d'autres types de médias?

Internet n'est pas un substitut très efficace de la publicité dans les médias traditionnels ni un très bon moyen de toucher les indécis, mais il permet certaines choses que les médias traditionnels ne peuvent pas faire. Comme l'explique un des répondants, « Internet va également jouer un rôle important dans la mobilisation des participants aux campagnes électorales. La possibilité de faire du bruit autour d'une question et de répandre rapidement la nouvelle sera un élément important dans la prochaine élection. Il suffit de considérer le rôle d'Internet dans le cadre des dernières réunions de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) l'automne dernier, à Seattle, pour comprendre directement son pouvoir de mobilisation parmi les divers groupes électroniques. (...) Il permet de mobiliser des gens à l'échelle nationale beaucoup plus rapidement – les médias sont encore généralement des instruments locaux, alors que la toile est un réseau d'envergure nationale. »

Comme la citation qui précède le rappelle, Internet est bien entendu un moyen d'information. Le réseau n'est pas en soi ce qui importe, mais bien plutôt son aptitude à informer des gens qui peuvent ensuite prendre des mesures concrètes dans le monde non virtuel.

D'autres qualités distinguent Internet des médias traditionnels : sa capacité illimitée à fournir de l'information et sa capacité à fournir cette information sans le filtre des journalistes et des commentateurs. Si un électeur veut connaître le programme d'un parti politique, il peut le trouver rapidement sur Internet tel que le parti en question l'a formulé. De plus, Internet combine pages Web, formulaires électroniques et courrier électronique (y compris des listes de distribution électroniques automatisées qui permettent d'envoyer de l'information à un grand nombre de gens d'un seul clic) à très peu de frais comparativement à d'autres formes de publicité. Toutes ces caractéristiques font qu'Internet permet de communiquer beaucoup plus rapidement que les autres médias. Ainsi, un parti politique ou un tiers parti qui voudrait réfuter les affirmations d'un autre parti peut envoyer des messages à un grand nombre de gens, notamment à des journalistes, presque instantanément. Le travail des équipes « d'intervention rapide » des partis politiques, qui veillent à ce qu'aucune attaque ne reste sans réponse, est beaucoup plus facile lorsqu'elles utilisent les moyens offerts par Internet.

Une question n'a pas été abordée par les répondants : le ciblage des électeurs. C'est Stephen Best, de Environment Voters, qui en a parlé au Comité de la Chambre des communes chargé d'examiner le projet de loi C-2 le 23 novembre 1999. Le texte en est publié à l'adresse électronique suivante : http://www.parl.gc.ca/InfoComDoc/36/2/HAFF/Meetings/Evidence/haffev15-f.htm. Stephen Best y explique comment Environment Voters participe aux campagnes électorales.

Stephen Best n'a pas parlé d'Internet, mais il est clair qu'il est ou qu'il sera bientôt infiniment plus efficace d'utiliser Internet pour obtenir les résultats d'élections antérieures par bureau de scrutin, pour obtenir des données démographiques sur ces bureaux de vote, pour élaborer de la documentation sur les antécédents d'un candidat, pour envoyer des messages (ou produire et distribuer des vidéos) et même pour faire des sondages d'opinion publique. Il faut donc s'attendre à ce qu'Internet, conjugué à d'autres moyens technologiques de pointe, facilite le travail de ceux qui veulent exercer une influence sur les électeurs et les résultats électoraux dans une circonscription donnée ou dans leur ensemble.

Lors d'une récente conférence sur les campagnes et les élections aux États-Unis, plusieurs intervenants ont fait valoir que le courrier électronique est encore plus important qu'un site Web. La clé du succès d'une campagne sur Internet est de convaincre les visiteurs d'un site Web à donner leur adresse de courrier électronique pour qu'on puisse ensuite leur transmettre les communiqués.

Par expérience, nous savons que nous pouvons faire fléchir 4 % des votes, en moyenne. Dans cette optique, Environment Voters fait campagne dans les circonscriptions électorales dans lesquelles l'issue du vote est généralement déterminée par une marge de 4 % ou moins. Environment Voters ne fait campagne que dans les circonscriptions détenues par des membres du parti au pouvoir. Ceux-ci sont les seuls politiciens que les électeurs peuvent tenir responsables du rendement du gouvernement en matière d'environnement. Que nous fassions campagne en faveur du candidat du parti au pouvoir ou de celui de l'opposition, le processus reste le même : Environment Voters utilise les plus récentes techniques électorales.

Afin de déterminer les circonscriptions à privilégier, nous effectuons une analyse des antécédents de vote pour trois élections, par bureau de vote. Nous déterminons les secteurs où se trouve l'essentiel des votes ainsi que les secteurs susceptibles de faire changer l'issue du scrutin. Afin de déterminer les électeurs à qui nous devrons nous adresser et ce que nous devons leur dire, nous recueillons de l'information démographique et nous effectuons des sondages d'opinion détaillés dans les secteurs susceptibles d'influer sur l'issue du vote. Nous préparons des dossiers et des profils complets sur le candidat, qui peuvent comprendre des coupures de presse, des photos et des documents vidéo de la Chambre des communes. Nous recueillons aussi de l'information sur ses opposants à mesure que leur identité est connue.

Nous élaborons notre message politique à partir de ces recherches. Nous véhiculons notre message au moyen de documents vidéo que nous distribuons de porte à porte. Nous utilisons aussi d'autres médias directs comme le téléphone ou les envois postaux.

(...) Les élections représentent un jeu à somme nulle. Les difficultés d'un candidat sont autant de bonnes nouvelles pour l'autre. Une analyse par bureau de scrutin effectuée après les élections en Ontario a révélé une diminution de 5,46 % des votes pour le PC dans les bureaux où Environment Voters a fait campagne, en comparaison d'une diminution de 0,95 % dans les bureaux où nous n'avons pas fait campagne.

En ce qui concerne les libéraux à l'échelon provincial, principaux bénéficiaires de notre campagne, le vote en faveur du candidat libéral dans les bureaux où Environment Voters a fait campagne a augmenté de 14,31 % en comparaison de 8,81 % pour les bureaux où nous n'avons pas fait campagne.

Les campagnes d'Environment Voters, très ciblées et fondées sur la recherche, semblent efficaces. La publicité politique générale non ciblée a peu d'impact, voire aucun.

QUESTION 4 : INTERNET PEUT-IL COMPROMETTRE L'INTÉGRITÉ DES ÉLECTIONS AU CANADA?

Y aurait-il des mesures à prendre pour éviter qu'Internet ne mette en jeu l'intégrité du système électoral canadien?

Les répondants ont évoqué divers problèmes potentiels, bien qu'ils soient généralement d'avis qu'Internet a peu de chances de compromettre l'intégrité du système électoral du Canada. Par exemple : « Il est difficile d'imaginer qu'une quelconque manifestation d'Internet puisse remettre en cause l'intégrité du système électoral du Canada. C'est du côté des médias au caractère intrusif comme la radio et la télévision, qui ne laissent pas à l'électeur d'autre choix que d'écouter et de regarder, qu'il faut chercher la menace la plus grande pour l'intégrité du système électoral canadien. Tout le monde s'agite incroyablement au sujet d'Internet, ce qui suscite des craintes invraisemblables, mais ces craintes sont sans fondement. »

Voici la remarque d'un des répondants : « Si les électeurs croient qu'il incombe aux administrateurs des élections, par exemple à Élections Canada, de s'assurer qu'Internet ne compromet pas l'intégrité du système électoral du Canada, je pense que c'est une tâche impossible. La facilité avec laquelle on peut créer un site Web interdit complètement qu'on puisse contrôler Internet. La seule chose qu'on peut faire effectivement est de prendre des mesures lorsque les parties concernées portent des problèmes à l'attention des administrateurs. Et, même dans ce cas, ces mesures s'appliqueraient bien après un scrutin.

« Il est impossible de prédire les répercussions à long terme d'Internet sur le système électoral, mais, en fin de compte, il donnera peut-être lieu à des améliorations, par exemple grâce à l'accès universel aux bulletins de vote, à l'élimination des obstacles pour les électeurs handicapés et à l'accès rapide aux renseignements relatifs au financement des campagnes électorales, etc.

« La crainte d'une compromission de l'intégrité du système électoral et des particuliers et partis en jeu pourrait venir de menaces, de mensonges, de désinformation ou de piratage visant à corrompre d'autres sites. Ce ne sont pas des problèmes dont les administrateurs des élections s'occupent généralement. »

Un autre répondant est de l'avis suivant : « Nous croyons qu'Élections Canada devrait s'intéresser à l'usage malveillant d'Internet, par exemple à l'exploitation d'un site utilisant le nom d'un candidat ou d'un parti de façon telle que les gens puissent croire qu'il s'agit du site de ce parti. On a déjà vu des gens acheter des désignations pour ensuite rançonner un parti ou un candidat. Le danger le plus insidieux tient au fait que ce genre de site servirait à répandre des mensonges. Le site peut être enregistré et conservé à l'étranger par un particulier ou un groupe. Comment réglementer dans ce cas? On pourrait aussi envisager le rôle du site Web d'Élections Canada pour acheminer les gens vers les sites corrects, si les sites pirates deviennent un problème. »

Toujours sur ce thème, un autre répondant remarque : « Il faut appliquer les lois de la même façon, qu'on soit dans le virtuel ou le réel. Cela signifie que les questions relatives au financement des campagnes électorales sont traitées de la même façon et que les actes qui mériteraient des sanctions dans le réel en feront également l'objet dans le virtuel. Je pense plus particulièrement aux messages diffamatoires affichés sur Internet ou aux sites de « tierces parties » qui sont en réalité la couverture d'un parti officiel. »

Un autre répondant pense par ailleurs ce qui suit : « Certaines parties du projet de loi C-2 essaient de prévoir un contrôle des dépenses sur Internet comme dans les médias traditionnels. C'est peut-être souhaitable, mais ce n'est ni possible ni pratique. Le Canada n'a pas le pouvoir de faire appliquer ses lois à l'étranger à des non-Canadiens. (...) Les dispositions de C-2 concernant Internet sont juridiquement et technologiquement nulles et non avenues. »

L'un des répondants exprime l'avis suivant : « Le Canada doit décider de ne pas être un pionnier dans le domaine des élections par Internet. Il faudra examiner avec soin de nombreuses questions d'ordre technique et juridique avant même de songer à mettre à l'essai des systèmes de vote par Internet. »

Un autre répondant explique combien il sera difficile de s'assurer que les électeurs de l'Ouest n'obtiennent pas d'information sur le vote des électeurs de l'Est avant que les bureaux de scrutin de l'Ouest soient fermés. Les électeurs ont toujours pu téléphoner à un ami dans une région de l'Est, mais le courriel et les sites Web vont multiplier le nombre des gens qui, dans l'Ouest, auront accès aux résultats des élections dans l'Est. Un répondant suggère une solution : veiller à ce que les bureaux de scrutin ferment tous en même temps, par exemple à 19 h en Colombie-Britannique et à 23 h en Nouvelle-Écosse. Sinon, les heures d'ouverture des bureaux de scrutin pourraient rester les mêmes, mais le compte des bulletins pourrait commencer en même temps partout au pays. S'il fallait éviter que les résultats n'arrivent trop tardivement aux Canadiens de l'Atlantique, le compte des bulletins pourrait être reporté au lendemain.

L'un des répondants rappelle le fait que les médias traditionnels ignorent les petits partis politiques. La télévision, la radio et, à un moindre degré, les médias imprimés peuvent prétendre manquer de temps ou d'espace pour justifier leur intérêt primordial pour les grands partis, mais ces limites n'existent pas sur les sites Web des médias d'information. « Écarter un parti revient à commettre un mensonge, et je crois que cela compromet l'intégrité du système électoral et qu'Élections Canada devrait réglementer cet aspect. »

Le projet de loi C-2 et Internet

Par ailleurs, si vous avez des remarques à faire sur les aspects du projet de loi C-2, la nouvelle Loi électorale du Canada proposée, qui peuvent avoir un rapport avec Internet, nous vous serions reconnaissants de nous en faire part.

Le projet de loi C-2 comporte un certain nombre de dispositions qui ont un rapport avec Internet. La partie 17 du projet de loi (articles 349 à 362) réglemente la publicité de tiers, c'est-à-dire de ceux qui font de la publicité électorale mais qui ne présentent pas de candidats. La partie 16 a trait aux communications, et l'article 319 définit la « publicité électorale » comme « un message publicitaire favorisant ou contrecarrant un parti enregistré ou l'élection d'un candidat, notamment par une prise de position sur une question à laquelle est associé un parti enregistré ou un candidat. » La définition comprend d'importantes précisions quant aux formes de communication, notamment sur Internet (alinéa d) ci-dessous), qui ne sont pas considérées comme de la publicité électorale :

  • a) la diffusion d'éditoriaux, de débats, de discours, de nouvelles, d'entrevues, de chroniques, de commentaires ou de lettres;
  • b) la promotion ou la distribution, pour une valeur non inférieure à sa valeur commerciale, d'un ouvrage dont la mise en vente avait été planifiée sans égard à la tenue de l'élection;
  • c) l'envoi d'un document par une personne ou un groupe directement à ses membres, ses actionnaires ou ses employés;
  • d) la diffusion par un individu, sur une base non commerciale, de ses opinions politiques sur le réseau communément appelé Internet.

Le projet de loi C-2 énonce donc clairement qu'il y a au moins certaines sortes de renseignements électoraux sur Internet qui ne seront pas considérés comme de la publicité électorale et qui ne seront donc pas assujettis à la réglementation des tiers prévue dans sa partie 17. Rappelons cependant que les dépenses des candidats et des partis politiques sont assujetties à une réglementation et que les dépenses associées aux sites Web feront partie du calcul même si elles ne sont pas rattachées à ce qui est défini comme étant de la publicité. (Le projet de loi C-2 définit également les dépenses électorales, à l'article 407, et leur fixe des limites.)

L'un des répondants ayant exprimé des opinions sur les liens entre le projet de loi C-2 et Internet est de l'avis suivant : « Les tierces parties ne devraient pas avoir le droit de faire leur propre publicité. Nous pensons que les sites Web des tiers ne devraient pas tomber sous le coup d'une telle interdiction. L'information pourrait être exactement la même, mais nous pensons qu'il y a une distinction entre les sites Web qui donnent de l'information aux gens qui la cherchent sur ces sites et des moyens comme les listes postales, les babillards, la télévision, etc., qui cherchent à atteindre des gens qui ne sont pas en train de chercher cette information. »

Voici la remarque d'un autre répondant : « Pour autant que je sache, la « période d'interdiction » concernant l'information électorale a été considérablement réduite [elle est aujourd'hui de 24 heures, la journée du scrutin], et encore y a-t-il des exceptions à cette stricte réglementation pour les particuliers qui affichent de l'information politique sur Internet [voir l'alinéa 319d) ci-dessus]. »

Ce répondant poursuit sa réflexion en rappelant l'importance de la publicité politique anonyme : « Si l'on contraint les gens à s'identifier publiquement lorsqu'ils expriment une opinion politique, on empiète sur leurs droits en éliminant le secret des intentions de vote, de sorte que les gens s'autocensurent au lieu de révéler leur point de vue (ce qui pourrait avoir des conséquences négatives pour l'emploi, etc.). Ce bâillonnement du discours politique enfreint le droit de tous les Canadiens à avoir accès à la diversité des opinions politiques qui existent dans notre société. »

Un autre répondant estime en revanche que le projet de loi C-2 devrait prévoir une divulgation plus rapide du montant des dons reçus par les partis : « Les déclarations devraient être trimestrielles, et chaque don être associé à une date. Comme il est possible de déclarer et d'afficher ces renseignements sur Internet, le montant de tous les dons reçus jusqu'à (...) la fin de chaque trimestre pourrait facilement être connu dans les jours suivants. Pour les déclarations effectuées au cours d'une période électorale, le rapport devrait être remis une semaine avant la date de l'élection, et aucun don ne devrait être accepté au cours de la dernière semaine de la campagne électorale. Cela permettrait de s'assurer que les électeurs sauront qui donne à chaque candidat et parti avant de prendre leur décision. » Dans le système actuel, les dons versés en janvier d'une année ne sont connus qu'en juillet de l'année suivante, soit 18 mois plus tard. Le même répondant recommande également qu'Élections Canada améliore la capacité de recherche de l'information financière sur son site Web en y installant une base de données qu'il sera possible d'interroger en direct de sorte qu'un utilisateur puisse consulter le site Web, taper le nom d'un donateur et voir tous les dons que celui-ci a faits à un parti ou un candidat, sans avoir à télécharger des fichiers trop lourds ou trop nombreux.

L'une des dispositions du projet de loi C-2 concernant la période d'interdiction a trait à la publicité électorale le jour du scrutin (art. 323). L'article 324 prévoit que l'interdiction ne s'applique pas à « la publicité électorale diffusée sur le réseau communément appelé Internet avant le début de la période d'interdiction prévue à ce paragraphe et non modifiée durant celle-ci ». Par conséquent, s'il y a une publicité électorale sur un site Web avant le jour du scrutin et que cette publicité n'est pas modifiée ce jour-là, il n'y a pas infraction à l'article 323.

L'article 326 du projet de loi C-2 prévoit que six éléments d'information concernant les sondages d'opinion doivent être publiés (la marge d'erreur, le commanditaire du sondage, entre autres). Le paragraphe (2) ajoute deux autres éléments d'information dans le cas de la diffusion publique par d'autres moyens que la radiodiffusion (journaux et Internet) : a) la formulation des questions d'enquête et b) les moyens par lesquels un rapport sur les résultats d'enquête peut être obtenu.

L'article 330 interdit l'utilisation de stations de radiodiffusion étrangères pour essayer d'influencer les électeurs canadiens. Cette interdiction ne s'applique pas à Internet, mais l'article 331 prévoit ce qui suit : « Il est interdit à quiconque n'est ni citoyen canadien ni résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et ne réside pas au Canada d'inciter de quelque manière des électeurs, pendant la période électorale, à voter ou à s'abstenir de voter ou à voter ou à s'abstenir de voter pour un candidat donné ».

Aucune des dispositions du projet de loi C-2 concernant la radiodiffusion ne s'applique à Internet (voir la définition de la radiodiffusion à l'article 2, qui fait état de la radiodiffusion réglementée par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Jusqu'ici, le CRTC ne réglemente ni ne surveille aucunement ce qui est diffusé sur Internet et considère que l'information affichée sur Internet n'est généralement pas de la « radiodiffusion » par nature).

Conclusion

D'après des enquêtes récentes, un quart des Canadiens ont accès à Internet chez eux, mais il est clair que cette proportion va augmenter considérablement dans les années qui viennent. Il n'en reste pas moins que, étant donné la nature d'Internet et la façon dont il est utilisé, il ne semble pas menacer sérieusement l'intégrité du système électoral du Canada, bien que certains problèmes d'exécution de la loi puissent probablement se poser. Globalement, il semblerait qu'Internet offre aux Canadiens un excellent moyen d'exprimer leurs opinions politiques et de s'associer plus facilement et à moindres frais que jamais auparavant avec des gens qui pensent comme eux.


Note : 

Les opinions exprimées par les auteurs ne reflètent pas nécessairement celles du directeur général des élections du Canada.