Examen de la conformité : Rapport final et recommandations
Résumé
Le présent rapport final, accompagné d’une liste de recommandations, fait suite à un examen de six mois du problème de la « non-observation » des règles et normes prescrites aux fonctionnaires électoraux lors des scrutins fédéraux.
Élections Canada a demandé à un expert-conseil indépendant, spécialiste de l'administration électorale, de diriger l'examen et de rédiger le rapport. Le présent document est remis au directeur général des élections du Canada conformément au mandat reçu. Son contenu et ses recommandations sont soumis à la haute direction d'Élections Canada pour alimenter sa réflexion sur les priorités et les plans à établir en vue de la 42e élection générale, prévue le 19 octobre 2015, et des élections suivantes.
Tous les citoyens canadiens de 18 ans ou plus ont le droit de voter dans leur circonscription fédérale de résidence. La Loi électorale du Canada (la Loi) prévoit une large gamme de procédures visant à protéger l'intégrité du processus électoral. Parmi ces procédures, certaines obligent l'électeur à prouver son admissibilité (identité, citoyenneté, âge et résidence) avant de recevoir un bulletin de vote.
Pour la vaste majorité des électeurs – ceux qui sont déjà inscrits à la bonne adresse – les procédures du jour du scrutin se résument à la simple et rapide vérification d'une seule pièce d'identité avec photo attestant leur identité et leur adresse de résidence. Cependant, si la personne n'est pas inscrite, ou ne possède pas de documents d'identité acceptables au moment du vote, les fonctionnaires électoraux doivent appliquer les procédures spéciales « d'exception » prévues dans la Loi.
L'administration de ces procédures « d'exception » fait partie des tâches confiées aux fonctionnaires électoraux. S'ils ne les appliquent pas correctement, ils commettent des erreurs sérieuses, que les tribunaux qualifient « d'irrégularités », et qui peuvent entraîner l'invalidation du vote.
La façon dont les fonctionnaires électoraux administrent les règles sur l'inscription des électeurs et l'utilisation de répondants pour l'identité a d'abord été mise en question lors d'une contestation judiciaire de l'élection de mai 2011 dans la circonscription d'Etobicoke-Centre. Des erreurs dans l'administration des règles sur l'admissibilité ont été relevées dans un échantillon de dix bureaux de scrutin, et ont été jugées assez graves pour que la Cour supérieure de l'Ontario annule cette élection.
La Cour suprême du Canada a par la suite cassé cette décision, jugeant que la preuve ne répondait pas aux conditions d'annulation d'un scrutin prévues par la Loi électorale du Canada. L'affaire a néanmoins révélé que des travailleurs électoraux avaient fait un nombre important d'erreurs graves – des « irrégularités » administratives – dans le cadre de leurs fonctions. Le directeur général des élections du Canada, pendant que cette affaire suivait son cours, a annoncé qu'Élections Canada prendrait des mesures pour améliorer l'observation des procédures et des normes le jour du scrutin.
Dans l'affaire d'Etobicoke-Centre, les juges ont convenu que, s'il y avait eu des « irrégularités », rien ne prouvait qu'il y avait eu fraude, ou que des électeurs inadmissibles avaient obtenu un bulletin de vote. Il reste que l'intégrité fondamentale du processus électoral a été publiquement mise en doute en raison de reportages médiatiques indiquant que des fonctionnaires électoraux n'avaient pas correctement appliqué les procédures avant de remettre les bulletins.
Dans le cadre de l'examen de la conformité, une vérification nationale des documents remplis aux bureaux de scrutin a été réalisée. Elle a révélé que les problèmes constatés dans Etobicoke-Centre n'étaient pas isolés. La vérification a montré que la plupart des fonctionnaires électoraux canadiens ont de la difficulté à administrer les règles « d'exception » complexes qui font partie de leurs tâches le jour du scrutin.
On estime que 15 % des électeurs ont besoin qu'on leur applique une procédure « d'exception » quelconque avant de recevoir un bulletin de vote. L'administration du processus de vote « ordinaire » ne pose pas problème en général, mais la vérification a révélé que des erreurs sont commises dans la majorité des cas où une procédure non ordinaire est requise. Des erreurs graves, que les tribunaux qualifieraient « d'irrégularités » risquant d'entraîner l'annulation du vote, ont été observées dans 12 % des cas d'inscription le jour du scrutin, et dans 42 % des cas d'utilisation d'un répondant.
Dans l'ensemble, la vérification a permis d'estimer que 1,3 % de tous les votes exprimés le jour de l'élection fédérale de 2011 ont été entachés d'une « irrégularité ». Plus de 12 millions de citoyens canadiens ont voté le 2 mai 2011. La vérification montre donc que l'application des contrôles prévus par la Loi pour confirmer l'admissibilité des votants a fait gravement défaut, en raison d'erreurs systémiques commises par les fonctionnaires électoraux, dans plus de 165 000 cas. Comme le pays compte 308 circonscriptions, on peut dire que les fonctionnaires électoraux ont fait en moyenne plus de 500 erreurs administratives graves par circonscription le jour du scrutin.
C'est évidemment inacceptable. Ces erreurs fréquentes, outre leurs conséquences légales, minent la confiance du public dans la bonne administration du processus électoral. Cet examen de la conformité avait pour objectifs primordiaux d'établir les causes de ces erreurs, et de déterminer des correctifs pratiques à y apporter.
L'examen a montré que les causes sont liées à plusieurs facteurs : complexité; supervision; recrutement; formation; mise à jour de la liste électorale; facteurs historiques et culturels; et différences entre les paliers de gouvernement. Il faut bien saisir la réalité du travail électoral pour comprendre le problème : plus de 200 000 fonctionnaires électoraux doivent être recrutés et formés, le plus souvent pour une seule journée de travail survenant à quelques années d'intervalle d'une fois à l'autre.
Les intervenants consultés pendant le processus d'examen ont proposé de nombreuses solutions qui pourraient améliorer l'observation des règles à l'élection de 2015. Le consensus général était toutefois que ce problème ne pourrait être pleinement réglé sans un remaniement fondamental du processus de vote. Cette réforme – qui passerait par la simplification et la rationalisation – est nécessaire pour réduire le risque d'erreur et rendre gérable le fardeau administratif des fonctionnaires électoraux. Elle nécessitera une révision en profondeur du cadre législatif électoral.
Malheureusement, il n'est pas possible de mettre en place un nouveau modèle de prestation des services électoraux à l'échelle nationale d'ici la prochaine élection fédérale. Cependant, si les parlementaires en donnent la permission, Élections Canada pourrait lancer un projet pilote avant ou pendant la 42e élection générale en 2015. Cette nouvelle approche pourrait, potentiellement, être intégrée à la Loi et mise en œuvre dans l'ensemble du pays avant l'élection de 2019.
Pour 2015, il est recommandé d'accorder la priorité à une série de modifications législatives modestes, et à des changements administratifs substantiels. Ces recommandations visent à réduire au minimum les erreurs graves – les « irrégularités » – qui autrement se produiront.
Les recommandations de ce rapport ne pourront être mises en œuvre que si des modifications législatives sont apportées d'ici un an. Nul doute qu'il s'agit d'un défi important pour le directeur général des élections et Élections Canada, mais sans modification de la Loi électorale du Canada, le respect des règles ne pourra pas être amélioré de façon significative à la 42e élection générale.
Telles qu'elles sont actuellement structurées, les règles électorales sont très difficiles à mettre en œuvre par les simples particuliers qui reçoivent la charge temporaire d'administrer le processus de vote le jour du scrutin. Ce problème peut être réglé, mais seulement avec la coopération des parlementaires, qui devront lancer un processus de modernisation de la législation électorale dès maintenant, et à long terme.
Début de la Réponse du directeur général des élections du Canada
L'examen de la conformité a mis en évidence le rôle crucial que joue l'exactitude de l'administration électorale dans la confiance du public à l'égard de notre système électoral et de ses résultats.
Élections Canada convient avec M. Neufeld qu'une amélioration marquée des taux d'exactitude atteints par les fonctionnaires électoraux chargés d'administrer les procédures le jour du scrutin nécessite une refonte complète du modèle actuel de prestation des services électoraux.
Nous avons commencé à élaborer un nouveau modèle de service largement inspiré de l'approche qui a fait ses preuves aux élections provinciales et municipales du Nouveau-Brunswick. Le nouveau modèle changerait fondamentalement la façon de servir les électeurs et comprendrait une restructuration des fonctions et des rôles des fonctionnaires électoraux ainsi que l'utilisation de la technologie dans les lieux de scrutin, par exemple une liste électorale électronique pouvant être mise à jour en temps réel et une compilation automatique des résultats.
En établissant ce nouveau modèle, Élections Canada avait comme objectifs d'offrir des services plus pratiques et mieux adaptés aux électeurs, d'accroître globalement l'efficacité en simplifiant les tâches et la formation des fonctionnaires électoraux, et d'améliorer leurs conditions de travail. À la suite de l'examen de M. Neufeld, nous reconnaissons la nécessité d'accorder une importance accrue à la conformité pendant l'élaboration et la mise à l'essai du modèle.
M. Neufeld estime, tout comme Élections Canada, qu'il serait impossible de mettre pleinement en œuvre un nouveau modèle de service à temps pour l'élection générale de 2015, en supposant que le Parlement accepte un tel modèle. L'ampleur des changements entraînerait un risque important, et des essais exhaustifs seront essentiels pour démontrer l'efficacité du nouveau modèle avant de l'adopter à l'échelle nationale.
Plus tard ce printemps, nous entamerons des discussions avec les parlementaires et divers intervenants sur les détails du nouveau modèle de service et du projet pilote proposé. En 2014, nous demanderons l'autorisation du Parlement pour lancer le projet pilote, que nous devrions mener d'ici janvier 2015, lors d'un scrutin. Nous prévoyons déployer le nouveau modèle partout au Canada après l'élection générale de 2015.
Un nouveau modèle de prestation des services électoraux permettrait de résoudre des questions fondamentales de conformité d'ici 2019. Toutefois, nous convenons avec M. Neufeld qu'il faut améliorer immédiatement les programmes actuels en vue de l'élection de 2015, tout en sachant que ces améliorations atténueront le problème de la non-conformité, mais ne suffiront pas à le régler.
Élections Canada appuie les recommandations de M. Neufeld sur la révision des pratiques administratives en vue de l'élection générale de 2015 : entreprendre de nouvelles initiatives pour réduire les inscriptions et le recours aux répondants le jour du scrutin; améliorer le contrôle de la qualité dans les lieux de scrutin; simplifier les procédures; clarifier les instructions écrites; améliorer les méthodes de recrutement; moderniser la formation; mesurer la conformité de façon continue.
Nous constatons que bon nombre des améliorations que M. Neufeld recommande de mettre en œuvre pendant l'élection générale de 2015 pourraient être intégrées au nouveau modèle de prestation des services électoraux qui serait utilisé lors des scrutins ultérieurs.
En 2010, Élections Canada a recommandé des modifications législativesnote 1, largement appuyées par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambrenote 2, qui viendraient renforcer les changements administratifs que nous prévoyons apporter afin d'améliorer la conformité lors de l'élection générale de 2015.
Je tiens à exprimer ma gratitude à M. Neufeld ainsi qu'à l'ensemble des personnes et des organismes qui ont généreusement investi temps et énergie dans cet examen, nous ont donné leur honnête opinion sur la nature du problème de la non-conformité et nous ont transmis leurs suggestions d'améliorations. Ces intervenants faisaient partie du personnel électoral en région, des travailleurs électoraux de première ligne, des partis politiques ainsi que d'organismes électoraux provinciaux, territoriaux et internationaux. J'entends continuer à collaborer avec tous les intervenants alors que nous nous préparerons à mettre en œuvre les changements qui découleront de cet examen.
La section « Recommandations » du présent rapport contient une réponse détaillée à chacune des recommandations de M. Neufeld, dont un résumé des modifications législatives, tirées du rapport de recommandations de 2010 d'Élections Canada, que nous chercherons à apporter avant l'élection générale de 2015note 3.
Le directeur général des élections,
Marc Mayrand
Retour à la note 1 Faire face à l'évolution des besoins – Recommandations du directeur général des élections du Canada à la suite de la 40e élection générale
Retour à la note 2 Réponse aux recommandations du directeur général des élections concernant la réforme législative à la suite de la 40e élection générale
Retour à la note 3 Réponse du directeur général des élections du Canada à la recommandation 11 du présent rapport
Fin de la réponse du directeur général des élections du Canada