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Déclarations et discours

Allocution du directeur général des élections

au sujet de

l'atteinte à la sécurité des renseignements personnels associée à Cambridge Analytica et Facebook

devant le

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique

Le 1er novembre 2018

Le discours prononcé fait foi

Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au Comité aujourd'hui.

Comme vous le savez, le monde numérique a transformé la façon dont la société collecte, crée, communique et consomme de l'information. Si ces transformations peuvent être bénéfiques pour la démocratie, elles engendrent aussi des menaces complexes qui posent de nouveaux défis. C'est un enjeu important et préoccupant pour les Canadiens, à l'approche de la prochaine élection générale.

Aujourd'hui, j'aimerais aborder quatre sujets qui ont retenu l'attention d'Élections Canada et qui sont liés à votre étude :

  • l'ingérence étrangère;
  • l'information numérique;
  • la cybersécurité;
  • la protection des renseignements personnels.

Je suis heureux de pouvoir expliquer au Comité le rôle que joue Élections Canada afin de préserver la confiance dans le processus électoral, et de pouvoir parler des domaines dans lesquels nous collaborons avec d'autres, puisqu'il n'y a pas de solution unique et qu'aucun organisme ne peut à lui seul contrer ces menaces.

Ingérence étrangère

Je parlerai d'abord de la question de l'ingérence étrangère, qui recoupe en partie les autres sujets que j'ai mentionnés.

Au Canada, les préoccupations récentes à propos de l'ingérence étrangère tournent principalement autour du financement étranger de tiers – des entités qui cherchent à influencer le débat électoral sans y participer directement en tant que partis ou candidats.

Les règles sur le financement politique au Canada interdisent aux tiers d'utiliser à des fins de publicité électorale des contributions provenant de source étrangère. Les règles actuelles contiennent toutefois un certain nombre de lacunes et ne s'appliquent qu'au financement des dépenses de publicité et non pas aux autres activités partisanes.

Le projet de loi C-76 élargirait considérablement le régime des tiers et inclurait des mesures visant à éliminer la possibilité d'utiliser des fonds provenant de l'étranger lors des élections canadiennes. Ces mesures comprennent une clause anti-évitement et une interdiction de vendre de l'espace publicitaire à des entités étrangères.

Comme vous le savez, l'ingérence étrangère peut aussi prendre d'autres formes, comme des campagnes de désinformation et des cyberattaques.

Information numérique

L'expansion des médias sociaux et Web a transformé le domaine de l'information. Les catégories traditionnelles, comme les nouvelles, les chroniques, les satires et la publicité, s'estompent rapidement. Les citoyens n'ont plus seulement du mal à déterminer qui est journaliste : ils ont aussi peu de chances de savoir si un robot ou un humain est à l'origine d'une publicité ou d'une publication dans les médias sociaux, ou si celle-ci exprime une opinion réelle ou fait partie d'une campagne d'influence nationale ou étrangère.

Il n'y a pas de solution simple; toutefois, des éléments de réponse prennent forme. Les efforts visant à améliorer la culture numérique sont, à mon avis, essentiels. Il est rassurant de savoir que les Canadiens se méfient de plus en plus de ce qu'ils voient ou lisent dans les médias sociaux.

Dans le contexte électoral, la Loi électorale du Canada exige actuellement que la source des publicités faites par les partis, les candidats et les tiers soit indiquée. Il en va de même pour les publicités dans les médias sociaux. Ces différentes entités doivent également rendre compte de leurs dépenses de publicité.

Le projet de loi C-76 obligerait les plateformes de médias sociaux à publier et à conserver un registre des publicités électorales et partisanes. C'est un pas dans la bonne direction, qui appuie la transparence et facilite l'exécution de la loi.

De plus, le projet de loi C-76 clarifierait et élargirait les dispositions actuelles qui visent certaines formes d'usurpation d'identité en ligne, de même que certaines fausses déclarations concernant les candidats.

Pour sa part, le rôle essentiel d'Élections Canada est de veiller à ce que les Canadiens aient facilement accès à de l'information exacte sur le processus de vote et qu'ils sachent où, quand et comment s'inscrire et voter.

En prévision de la prochaine élection générale, nous planifions lancer une campagne d'information des électeurs à compter du printemps prochain. Nous surveillerons aussi les médias sociaux pour être en mesure de rectifier rapidement toute information inexacte sur le processus de vote. De plus, nous créerons un répertoire en ligne de toutes nos communications publiques afin que les citoyens et les journalistes puissent vérifier si de l'information qui semble provenir d'Élections Canada vient vraiment de nous. J'ai également encouragé les partis politiques à faire de même avec leurs propres communications.

De concert avec le commissaire aux élections fédérales, nous avons aussi consulté des représentants des plateformes de médias sociaux pour mieux comprendre leur fonctionnement et pour établir des canaux de communication en cas d'incidents.

Cybersécurité

Le troisième sujet de préoccupation est la cybersécurité. Les organismes de sécurité fédéraux sont chargés d'assurer la sécurité nationale, y compris la cybersécurité. Mais comme vous l'ont dit des représentants du CST, la cybersécurité est un sport d'équipe qui nécessite la participation de tous les joueurs.

Même si nous continuons d'utiliser des bulletins papier qui sont comptés à la main, Élections Canada offre de plus en plus de services en ligne aux électeurs, aux candidats et aux partis politiques. L'une de mes principales responsabilités est de protéger les biens numériques d'Élections Canada, en suivant les conseils et l'expertise de nos partenaires fédéraux du domaine de la sécurité.

Au cours des deux dernières années, nous avons réalisé d'importants investissements pour renouveler notre infrastructure technologique et pour améliorer notre posture et nos pratiques de sécurité. Par exemple, nous avons effectué la migration vers un nouveau centre de données plus sécurisé. Nous offrons aussi des séances de sensibilisation à la sécurité au personnel de l'administration centrale et des 338 bureaux locaux.

Les autres participants au processus électoral, dont les médias et les partis politiques, doivent aussi se protéger contre le piratage. Le Centre canadien pour la cybersécurité offre d'excellentes ressources et de très bons conseils pour tous. Certaines mesures sont efficaces et peu coûteuses, tandis que d'autres peuvent nécessiter des investissements importants.

Dans ce contexte, vous voudrez peut-être évaluer la nécessité d'accorder éventuellement une subvention spéciale aux partis politiques pour les aider à mettre à niveau et améliorer la sécurité de leurs systèmes informatiques, et examiner des moyens d'établir une subvention équitable.

Protection des renseignements personnels

Le dernier point que je souhaite aborder est la protection des renseignements personnels. Le Comité a recommandé d'assujettir les partis politiques à des règles de base en matière de protection des renseignements personnels et à la surveillance du commissaire à la protection de la vie privée du Canada. C'est une recommandation que j'appuie et que j'ai moi-même formulée dans le contexte du projet de loi C-76. J'ai été déçu d'apprendre qu'elle n'avait pas été acceptée à l'étape de l'étude en comité.

En vertu de la loi, les partis politiques et les candidats ont accès aux renseignements de base des électeurs fournis sur les listes électorales, soit leur nom, leur adresse et leur identifiant numérique. Ils ont besoin de ces renseignements pour communiquer avec les électeurs. La loi leur donne aussi accès au Registre du vote, communément appelé « cartes de bingo », qui leur permet de savoir qui a voté, à la fin de chaque jour de vote par anticipation et à intervalles réguliers pendant le jour de l'élection. C'est ce qui leur permet de « faire sortir le vote ».

Par ailleurs, les partis politiques utilisent de plus en plus de données sur les électeurs pour leurs activités de financement et de campagne. Ces données peuvent comprendre de l'information sur les allégeances politiques ou les activités de bénévolat d'une personne, ou d'autres renseignements que le parti juge utiles.

Le projet de loi C-76 obligerait les partis à publier leur propre politique sur la protection des renseignements personnels. C'est un petit pas dans la bonne direction, car le projet de loi ne prévoit aucune norme minimale ni aucune surveillance. Le projet de loi C-76 ne précise pas non plus si cette politique doit inclure un mécanisme permettant aux Canadiens de confirmer et de corriger les renseignements que les partis détiennent à leur sujet. Toutefois, rien n'empêche les partis d'adopter un tel mécanisme ou d'autres mesures pour rassurer les Canadiens à propos de la façon dont on collecte, utilise et protège leurs renseignements.

On a observé que les partis avaient beaucoup à gagner en ayant de rigoureuses politiques et pratiques de protection des renseignements personnels, et je pense que c'est vrai. Mais avant tout, je crois que la démocratie électorale y gagnerait beaucoup.

Conclusion

Monsieur le Président, j'aimerais conclure en soulignant l'importance du travail entrepris par le Comité.

Bien que les menaces envers les démocraties électorales soient réelles et impossibles à éliminer, elles peuvent être atténuées. Élections Canada a pris des mesures importantes pour renforcer sa posture en matière de sécurité et pour s'assurer que les électeurs aient facilement accès à de l'information exacte sur le processus de vote. Nous continuerons de collaborer avec nos partenaires du domaine de la sécurité, et j'ai l'intention de discuter avec les partis politiques du rôle qu'ils pourraient jouer.

La santé de notre démocratie dépend plus que jamais des efforts et de la collaboration de tous les participants.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.