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Déclarations et discours

Allocution du directeur général des élections par intérim
devant le
Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre
au sujet du
projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et
d'autres lois et apportant des modifications corrélatives à d'autres
textes législatifs

Le 28 mai 2018


Le discours prononcé fait foi

Je vous remercie, Monsieur le Président.

Je suis heureux de comparaître aujourd'hui devant le Comité concernant le projet de loi C-76, Loi sur la modernisation des élections.

Tout d'abord, je tiens à dire que j'appuie le projet de loi. Les modifications prévues amélioreront l'accès des Canadiens au processus de vote et renforceront les valeurs fondamentales de transparence et d'égalité des chances en ce qui a trait au financement politique. S'il est adopté, le projet de loi permettra également de moderniser et d'améliorer l'administration des élections fédérales afin de répondre aux besoins futurs des électeurs.

Je suis heureux de constater que le projet de loi donne suite à une bonne centaine des 132 recommandations présentées par l'ancien directeur général des élections dans son rapport de 2016 intitulé Un régime électoral pour le 21e siècle. Vu que bon nombre d'entre elles ont déjà reçu l'appui unanime du Comité, les membres pourront donc plus facilement se concentrer sur les éléments nouveaux ou sur ceux qui n'ont pas reçu leur appui.

Aujourd'hui, j'aimerais me concentrer sur trois sujets. Je parlerai d'abord de questions importantes pour lesquelles j'estime que les dispositions du projet de loi pourraient être améliorées, c'est-à-dire la protection des renseignements personnels, l'intégrité et le régime de financement politique des tiers. Ensuite, je parlerai du plan adopté par Élections Canada pour mettre en œuvre le projet de loi avant la prochaine élection générale. Enfin, je recommanderai quelques modifications techniques que le Comité pourrait apporter au projet de loi pour en faciliter la mise en œuvre.

Identification des électeurs

Avant d'aborder les questions importantes, j'aimerais parler de l'identification des électeurs, un aspect du projet de loi qui continue à être source de confusion pour les partis politiques, les citoyens et les médias. En fait, depuis 2007, tous les électeurs doivent prouver leur identité et leur adresse avant de voter.

La plupart des Canadiens s'acquittent de cette exigence en présentant tout simplement leur permis de conduire. Toutefois, environ 14 % des Canadiens n'ont pas de permis de conduire et ont besoin d'autres options.

Le projet de loi C-76 propose de rétablir un mécanisme semblable à l'ancien système de répondants, ce qui permettrait aux électeurs sans pièce d'identité de faire confirmer leur identité et leur adresse par un autre électeur. Cette possibilité aidera surtout les groupes d'électeurs qui ont de la difficulté à participer au processus électoral, tels les sans-abri, les Autochtones et les personnes âgées qui résident dans un établissement de soins de longue durée. Elle pourrait également être utile aux électeurs des régions rurales qui doivent s'inscrire le jour de l'élection et qui ont de la difficulté à prouver leur adresse. La possibilité de recourir à un répondant n'élimine pas l'obligation de prouver son identité et son adresse. Elle offre tout simplement un autre moyen de le faire, qui oblige le répondant et l'électeur à faire une déclaration solennelle par écrit.

Le projet de loi C-76 permet également au directeur général des élections d'autoriser l'utilisation de la carte d'information de l'électeur comme pièce d'identité aux bureaux de vote. Là encore, il existe une certaine confusion. Pour qu'un électeur puisse utiliser sa carte d'information de l'électeur comme pièce d'identité à un bureau de vote, la carte doit contenir son adresse et être accompagnée d'une autre pièce d'identité portant son nom.

Les électeurs qui peuvent utiliser leur carte d'information de l'électeur comme preuve d'adresse pour voter à une élection provinciale sont surpris d'apprendre, lorsqu'ils se présentent avec leur carte au bureau de vote lors des élections fédérales, qu'ils ne peuvent pas en faire autant. La carte d'information de l'électeur est l'un des rares documents délivrés par un organisme fédéral à indiquer l'adresse. En permettant aux électeurs de l'utiliser comme preuve d'adresse avec un autre document qui confirme leur identité, on améliorera l'accès au vote pour un grand nombre de Canadiens.

Protection des renseignements personnels

La première question importante que je souhaite aborder est la protection des renseignements personnels. En vertu du projet de loi C-76, les partis politiques qui souhaitent être enregistrés seront désormais tenus de publier sur leur site Web une politique sur la protection des renseignements personnels. Malheureusement, le projet de loi n'exige pas que cette politique reflète les principes fondamentaux de protection des renseignements personnels reconnus à l'échelle internationale et applicables aux autres organismes fédéraux. Les membres voudront peut-être envisager de resserrer les normes établies dans le projet de loi.

Par ailleurs, je suis préoccupé par le manque de surveillance indépendante prévue dans le projet de loi. La simple publication sur un site Web d'une politique sur la protection des renseignements personnels ne garantit pas son observation. Idéalement, la surveillance à cet égard serait confiée au commissaire à la protection de la vie privée, qui est l'expert désigné du Parlement. Sinon, une autre forme de surveillance indépendante pourrait être envisagée. Quoi qu'il en soit, les Canadiens doivent avoir l'assurance que les partis politiques respectent activement les mêmes principes de protection des renseignements personnels que les autres organismes.

Intégrité

Une autre disposition du projet de loi qui pourrait être améliorée concerne l'intégrité électorale. Une nouvelle infraction, fondée sur le Code criminel, a été ajoutée pour l'utilisation non autorisée d'un ordinateur dans l'intention d'influencer les résultats d'une élection. C'est une bonne nouvelle; le commissaire aux élections fédérales aura ainsi compétence pour agir à cet égard à la prochaine élection générale. Toutefois, je recommande fortement au Comité d'élargir la portée de la disposition en modifiant son libellé.

Dans sa version actuelle, pour qu'une infraction soit commise, il faut établir qu'il y avait intention d'influencer les résultats d'une élection. Cette exigence semble très élevée. À l'échelle internationale, l'expérience a démontré que les acteurs malveillants peuvent vouloir miner la confiance dans l'intégrité du processus électoral, sans nécessairement avoir l'intention d'influencer les résultats d'une élection. Dans le tableau des amendements proposés, je suggère un autre libellé pour cette infraction qui, selon moi, serait plus facilement applicable.

Régime de financement politique des tiers

Enfin, puisqu'il est question de l'essence du projet de loi C-76, j'aimerais formuler quelques commentaires sur le nouveau régime de financement politique des tiers. Les changements proposés représentent une amélioration considérable des dispositions de la Loi électorale du Canada qui s'appliquent aux tiers, dont la portée et l'effet sont limités. Réglementer les dépenses des tiers, notamment pour le porte-à-porte, les appels visant à stimuler la participation des électeurs et la publicité électorale, contribuera à uniformiser les règles pour les tiers et les autres entités politiques. Élargir le pouvoir du directeur général des élections pour l'examen et la vérification des rapports de dépenses des tiers est également important sur le plan de la transparence.

J'aimerais cependant porter quelques points à l'attention des membres du Comité. Le premier concerne la différence entre les règles applicables aux tiers et aux partis politiques au cours de la nouvelle « période préélectorale ». En effet, pendant cette période, pour les partis politiques, seule la publicité électorale est assujettie à un plafond; alors que les tiers sont limités dans presque toutes leurs activités. Je me demande si cette approche assure un juste équilibre.

De plus, les tiers qui ont reçu ou dépensé, ou qui ont l'intention de dépenser, 10 000 $ ou plus sont tenus de produire deux comptes provisoires en période préélectorale : un premier dans les cinq jours suivant l'enregistrement, et le second au plus tard le 15 septembre, soit pratiquement à la délivrance du bref. En comparaison, aucune exigence en matière de production de rapports n'est prévue pour les partis en période préélectorale : ils n'ont qu'à déclarer leurs dépenses préélectorales dans leur rapport sur les dépenses électorales après l'élection générale. Encore une fois, le projet de loi semble créer une situation de dissimilitude.

Le nouveau régime de financement politique des tiers apporte des améliorations considérables en limitant l'utilisation de fonds de l'étranger en campagne électorale. Il élargit notamment la portée des activités réglementées, afin que les tiers ne puissent pas obtenir de fonds de l'étranger, par exemple, pour effectuer des appels visant à stimuler la participation des électeurs, une activité qui n'est pas visée par le régime actuel.

Toutefois, le projet de loi n'élimine pas complètement la possibilité de recourir à des fonds de l'étranger. En effet, les tiers sont toujours autorisés à financer leurs activités en puisant à même leurs recettes générales, lesquelles peuvent comprendre des fonds provenant de diverses sources, y compris étrangères. Ainsi, un tiers pourrait utiliser des fonds de l'étranger pour financer ses activités courantes, et consacrer d'autres revenus ne provenant pas de l'étranger à ses activités électorales.

Pour éliminer cette possibilité, il faudrait aller plus loin que le projet de loi C-76, et établir un régime de financement politique plus exhaustif. Pour ce faire, le Parlement pourrait envisager diverses mesures, soit des plafonds de contribution ou des restrictions supplémentaires pour les entités qui recueillent des fonds auprès de sources étrangères. Il faudrait atteindre un juste équilibre entre la restriction des activités politiques des tiers et la protection de la liberté d'expression aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés. Enfin, le fardeau général de la réglementation applicable aux tiers devrait également être pris en compte.

Mise en œuvre du projet de loi C-76

Lors de ma comparution du mois dernier au sujet du Budget principal des dépenses, j'ai signalé qu'il restait peu de temps pour mettre en œuvre des modifications législatives importantes avant la prochaine élection, et qu'il faudrait probablement faire des compromis. J'aimerais profiter de l'occasion pour vous présenter notre plan, qui veillera à ce que les dispositions essentielles du projet de loi soient mises en œuvre à temps pour octobre 2019.

En premier lieu, un certain nombre de dispositions du projet de loi relèvent du pouvoir discrétionnaire du directeur général des élections, et seront l'occasion d'offrir de meilleurs services à l'avenir. Nous examinerons attentivement ces dispositions, et dans de nombreux cas, nous reporterons leur mise en œuvre après l'élection générale de 2019. Pour 2019, nous nous concentrerons sur les modifications non discrétionnaires prévues au projet de loi.

En second lieu, compte tenu de mes propos précédents, vous ne serez pas surpris d'apprendre que nous limiterons au minimum les changements aux systèmes informatiques. Il faudra certainement apporter des changements à nos systèmes pour mettre en œuvre un projet de loi de cette ampleur, mais nous exercerons un contrôle étroit de notre processus décisionnel pour limiter les répercussions sur les systèmes, dans la mesure du possible.

Finalement, selon le rythme auquel le projet de loi suivra le processus législatif, il faudra peut-être également produire deux séries de matériel électoral pour la prochaine élection, afin d'être prêt à conduire une élection conformément à la version actuelle ou modifiée de la Loi. La mise en œuvre de ce plan et la production de tous les nouveaux systèmes requis entraîneront des dépenses supplémentaires à l'approche de l'élection.

Les Canadiens s'attendent à ce qu'Élections Canada soit prêt à mener une élection de façon rigoureuse et efficace, une élection pour laquelle l'intégrité des systèmes et des procédures aura été vérifiée, et près de 300 000 fonctionnaires électoraux auront été formés adéquatement.

Tableau des amendements

Pour conclure, Monsieur le Président, j'ai remis au Comité un tableau d'amendements. Ce tableau traite d'un certain nombre de questions techniques qui, comme je l'ai mentionné au début de mon allocution, devraient selon moi être examinées par le Comité pour améliorer le contenu du projet de loi. Je ne les passerai pas en revue maintenant, mais je serai heureux de répondre à vos questions.

Voilà qui conclut mon allocution, Monsieur le Président.

Merci.