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Déclarations et discours - Déclin de la participation électorale : peut-on renverser la tendance?

Déclin de la participation électorale : peut-on renverser la tendance?

Marc Mayrand, directeur général des élections du Canada

À l'élection fédérale du 2 mai 2011, 61,1 % des électeurs canadiens inscrits se sont rendus aux urnes. Même s'il s'agit d'une légère hausse par rapport à l'é lection de 2008 (58,8 %), on est encore bien loin de la moyenne de 75 % enregistrée au Canada pendant les décennies qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale. Ce déclin est d'autant plus inquiétant qu'il touche excessivement les jeunes. La recherche a démontré que les habitudes de vote s'acquièrent à un jeune âge. Si les jeunes ne votent pas maintenant, on a de bonnes raisons de croire qu'ils seront des électeurs moins actifs plus tard. Cette situation a des conséquences pour la santé à long terme de notre système démocratique. Pourquoi les jeunes Canadiens ne participent-ils pas au processus électoral? Et que pouvons-nous faire pour les encourager à voter?

Le taux de participation des jeunes à l'élection de mai 2011 était bien en deçà de la moyenne : à peine 38,8 % des 18 à 24 ans et 45,1 % des 25 à 34 ans. Une étude commandée par Élections Canada à la suite de l'élection a permis de mieux en comprendre les raisons. L'Enquête nationale auprès des jeunes – l'étude la plus complète qui a été réalisée à ce jour auprès des Canadiens âgés de 18 à 34 ans – expose en détail les obstacles auxquels ils se sont heurtés sur le plan de la motivation et de l'accès. Lorsqu'on leur a demandé pourquoi ils n'avaient pas voté, bien des répondants ont mentionné des problèmes d'accès – ils étaient trop occupés, ne pouvaient pas se rendre à leur bureau de scrutin ou ignoraient où celui-ci se trouvait. Mais en approfondissant un peu la question, le vrai problème était, dans la majorité des cas, la motivation. En d'autres termes, s'ils avaient la motivation pour voter, la plupart des jeunes pourraient surmonter les obstacles d'accès.

Alors, qu'est-ce qui explique ce manque de motivation? Bon nombre des non-votants interrogés estimaient ne pas avoir les connaissances suffisantes pour voter, notamment sur les candidats, les partis politiques et leurs plateformes. En général, ils s'intéressaient moins à la politique, étaient moins portés à considérer le vote comme un devoir civique et étaient plus nombreux à penser que tous les partis politiques étaient semblables et qu'aucun ne traitait des enjeux importants pour les jeunes. En revanche, les répondants qui s'y connaissaient en politique et qui s'y intéressaient étaient beaucoup plus nombreux à voter, de même que ceux qui avaient discuté de politique en famille et – facteur important – qui avaient eu des contacts directs avec un parti ou un candidat pendant la campagne. Ces résultats soulignent l'importance de l'éducation civique – à l'école et à la maison – pour développer les connaissances en politique, les compétences et l'intérêt qui encouragent la participation électorale. Ils réaffirment également le rôle essentiel des partis politiques et des candidats pour mobiliser les jeunes et les encourager à voter.

En vertu de la Loi, Élections Canada a le mandat d'exécuter des programmes d'information et d'éducation de l'électorat, plus particulièrement auprès de ceux qui éprouvent de la difficulté à exercer leurs droits démocratiques. Par exemple, nous offrons des outils appuyant l'éducation civique des jeunes avant qu'ils n'aient l'âge de voter, et ce, pendant et entre les élections. Il est crucial d'assurer une éducation civique par l'expérience de manière continue. Une partie essentielle de notre stratégie à cet égard consiste en la tenue d'une élection parallèle pour les élèves du primaire et du secondaire coïncidant avec les périodes d'élections officielles. Élections Canada a chargé Vote étudiant d'organiser de telles élections pour chaque élection générale fédérale déclenchée depuis 2004. Vote étudiant est un organisme sans but lucratif et non partisan qui a pour mandat d'intéresser les jeunes Canadiens à la vie démocratique du pays et de les aider à acquérir les aptitudes nécessaires pour devenir des citoyens actifs. Le programme Vote étudiant combine un apprentissage en classe, des discussions en famille, l'observation des médias et une expérience de vote authentique. Fait intéressant, les résultats de Vote étudiant ont permis jusqu'à maintenant de prédire à tous coups quel parti serait porté au pouvoir lors d'une élection fédérale.

Au cours de l'élection fédérale de mai 2011, 3 750 écoles (soit près du tiers de toutes les écoles au Canada) ont participé au programme Vote étudiant, et plus de 563 000 élèves ont voté. Une évaluation menée après le programme pour le compte d'Élections Canada a permis de constater qu'il avait eu des incidences positives sur la connaissance de la politique et du processus électoral parmi les élèves, sur la probabilité qu'ils discutent de politique avec leurs parents, sur leur intérêt pour le sujet et sur leur conviction que le vote constitue un devoir civique. Le programme a également profité aux parents et aux enseignants. Ces derniers ont indiqué que des outils, tels que des descriptions simples des plateformes électorales des partis ou des vidéos de leur chef à l'intention des élèves, pourraient aussi contribuer à la mobilisation des jeunes dans le futur.

Au-delà de l'éducation civique, quels autres moyens peut-on prendre pour préparer les jeunes Canadiens à devenir des citoyens engagés? Qu'en est-il de ceux qui sont déjà en âge de voter et qui ne fréquentent plus l'école? Nos recherches ont démontré que les jeunes Canadiens souhaitent avoir des contacts avec les politiciens, qui jouent un rôle essentiel pour les renseigner sur la politique et les motiver à participer à la vie démocratique pendant et entre les élections. Les jeunes qui votent sont influencés par les politiciens, surtout si un parti ou un candidat communique directement avec eux lors d'une campagne. Lorsqu'ils ont l'impression que les partis traitent d'enjeux importants pour eux, ils sont plus motivés à voter.

Voilà autant de pièces du casse-tête. Toutefois, il faudra que tous les intervenants – parents, enseignants, jeunes, politiciens, médias et organismes électoraux – travaillent de concert pour renverser cette tendance et fournir aux jeunes Canadiens les outils dont ils ont besoin pour participer activement à la vie démocratique.

Le présent éditorial est initialement paru dans le numéro du 6 février 2012 du journal The Hill Times.