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Parachever le cycle des réformes électorales – Recommandations du directeur général des élections du Canada sur la 38e élection générale


Chapitre 4 – Questions financières

4.1 Pouvoirs d'examen et d'enquête du directeur général des élections


La Loi électorale du Canada devrait conférer au directeur général des élections les pouvoirs d'examen et d'enquête nécessaires pour vérifier l'exactitude et l'intégralité de tout rapport financier que la Loi exige des partis enregistrés, des associations enregistrées, des candidats, des candidats à la direction, des candidats à l'investiture et des tiers. Toute mesure d'examen ou d'enquête visant une autre personne ou entité, ou impliquant l'entrée dans le domicile, nécessiterait une autorisation judiciaire préalable, sauf sur consentement de la personne ou de l'entité.

La divulgation est un aspect important de la réglementation électorale. Les principales entités politiques (partis enregistrés, associations enregistrées, candidats, candidats à l'investiture et candidats à la direction) doivent toutes présenter au directeur général des élections un rapport annuel ou un rapport de campagne électorale, ou les deux. Les partis enregistrés qui reçoivent l'allocation trimestrielle prévue par la Loi doivent aussi produire des rapports trimestriels. En outre, les cessions de ressources entre ces entités doivent être divulguées. L'ensemble de ces rapports fait état des contributions versées à l'entité et de ses recettes et dépenses – toutes des données dont la publication est exigée par la Loi. Les tiers doivent également soumettre des rapports sur leurs dépenses de publicité électorale, qui sont eux aussi accessibles au public.

La divulgation sert au moins deux fins d'intérêt public : elle constitue un aspect important du vote éclairé et sert de base au remboursement de dépenses électorales versé par l'État aux partis et aux candidats qui y ont droit54.

En matière de vote éclairé, la divulgation permet aux électeurs de tenir compte des activités et des liens financiers d'une entité politique dans leur décision de vote. Elle renforce la confiance du public dans les entités politiques en lui permettant de confirmer ou de rejeter les allégations et les soupçons d'influence ou d'activités illicites ou irrégulières. Par exemple, la publication des contributions est un outil important qui permet d'identifier les liens éventuels entre le soutien financier d'un parti politique et l'attribution de marchés publics.

Pour ce qui est du remboursement de dépenses par l'État, les partis et les candidats doivent rendre compte de leurs dépenses électorales payées pour que le remboursement approprié puisse leur être versé.

Bien entendu, les déclarations inexactes, incomplètes ou frauduleuses ne favorisent pas ces objectifs, pas plus que les déclarations non vérifiées ou non vérifiables. Un renseignement qui ne peut être vérifié ne renforce pas la confiance du public. Les remboursements de l'État devraient donc être fondés sur des renseignements vérifiables. Les renseignements incorrects sont contre-productifs : les erreurs, omissions ou fausses déclarations non décelées peuvent inspirer des jugements inexacts au profit ou au détriment de certaines entités politiques55.

Le directeur général des élections a des pouvoirs de vérification limités concernant les rapports des candidats et des candidats à l'investiture, et aucun véritable pouvoir d'examen concernant les rapports des partis enregistrés, des associations enregistrées, des candidats à la direction et des tiers. Ses pouvoirs actuels de vérification ne suffisent pas aux fins des exigences de divulgation.

Actuellement, le public doit accepter les renseignements fournis par les entités politiques (sous réserve des plaintes, enquêtes et mesures du commissaire aux élections fédérales).

Bien que le directeur général des élections n'ait pas le pouvoir formel de vérifier les rapports des candidats et des candidats à l'investiture, il peut vérifier indirectement certains aspects de ces rapports par recoupement avec d'autres aspects des rapports – notamment les pièces justificatives fournies, telles que les relevés bancaires. Cette méthode ne s'applique toutefois pas aux rapports des partis enregistrés, des associations enregistrées et des candidats à la direction, qui ne sont accompagnés d'aucune pièce justificative. Par ailleurs, le processus peut s'avérer inefficace dans le cas des candidats et des candidats à l'investiture qui ne se conforment tout simplement pas aux exigences de la Loi. L'examen et la comparaison des documents ne peuvent pas révéler les opérations financières réalisées hors du cadre de la Loi. Par exemple, le versement d'une contribution inadmissible, particulièrement une contribution monétaire, qui n'est pas déposée dans un compte de campagne et qui sert à payer une dépense électorale non déclarée, ne peut pas être décelée par un simple examen des documents joints au rapport de campagne.

La Loi contient certaines dispositions d'examen qui prennent la forme de vérifications indépendantes des rapports. Les partis enregistrés et les candidats sont en effet tenus de joindre le rapport d'un vérificateur à leurs rapports. Il en est de même pour les associations enregistrées, les candidats à l'investiture, les candidats à la direction et les tiers qui atteignent certains montants de contributions ou de dépenses56. Toutefois, pour plusieurs raisons, ces exigences peuvent ne pas suffire aux fins du vote éclairé et de la saine gestion des finances publiques.

Premièrement, le vérificateur a uniquement accès à l'information de l'entité sur laquelle porte sa vérification – et ne peut pas exiger d'information des personnes ou organisations avec lesquelles l'entité aurait été en relations57.

Deuxièmement, aux termes de la Loi, le vérificateur est seulement tenu d'indiquer si le rapport de l'entité « présente fidèlement les renseignements contenus dans les écritures comptables sur lesquelles il est fondé ». Autrement dit, le vérificateur indique seulement si le rapport reflète fidèlement les dossiers financiers de l'entité. Il n'est ni capable de vérifier l'intégralité de ces dossiers, ni tenu d'en rendre compte58.

Troisièmement, les vérificateurs ne sont pas des agents publics. Ils sont choisis par l'entité politique qui les embauche.

Quatrièmement, l'examen de rapports soumis par des candidats a révélé que l'obligation de fournir un rapport de vérification ne garantit pas la fiabilité ou l'exactitude des rapports de candidats. En effet, cet examen a révélé un taux élevé d'erreurs ou d'omissions à corriger : 99 % des rapports produits à la suite de la 38e élection générale en contenaient, qu'ils aient fait l'objet d'une vérification ou non. Ces résultats sont conformes à ceux des élections précédentes59. Ce taux élevé d'inexactitudes fait ressortir la nécessité pour le directeur général des élections d'effectuer un examen indépendant des dépenses électorales des candidats dans le cadre du processus de remboursement.

Il ne fait pas de doute que les vérificateurs privés jouent un rôle important en réduisant le fardeau des agents publics. Mais pour les raisons énoncées ci-dessus, un mécanisme d'examen devrait être prévu pour les cas pertinents.

La présentation d'un rapport faux ou trompeur constitue une infraction à la Loi. Le commissaire aux élections fédérales, qui veille à l'application et au respect de la Loi, ne dispose d'aucun pouvoir d'examen ou de vérification sur les rapports soumis en vertu de la Loi. Lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire qu'une entité réglementée a commis une infraction, il peut faire appel aux dispositions du Code criminel pour obtenir un mandat de perquisition. Toutefois, ce pouvoir est uniquement valable dans le contexte du droit pénal et ne favorise pas les principaux objectifs de la divulgation, à savoir le vote éclairé et la saine gestion des deniers publics.

En conséquence, la Loi devrait conférer au directeur général des élections le pouvoir de vérifier et d'examiner les rapports des entités politiques. Cette vérification prendrait vraisemblablement la forme de contrôles par sondages plutôt que d'un processus universel et exhaustif.

Dans certains cas, il faudrait étendre le pouvoir d'examen, en précisant ses balises, aux dossiers des personnes ou organisations qui pourraient avoir eu des relations fonctionnelles avec l'entité visée par l'examen. Nous recommandons que les pouvoirs d'examen suivants soient attribués au directeur général des élections :

  1. Le directeur général des élections devrait pouvoir examiner tout document possiblement ou effectivement lié aux renseignements qui ont été ou devraient être inclus dans les dossiers de l'entité ou dans un rapport.
     
  2. Le directeur général des élections devrait avoir accès aux lieux nécessaires à l'exercice de son pouvoir d'examen et il devrait pouvoir obliger le propriétaire, l'occupant ou le responsable des lieux à donner toute assistance raisonnable au mandataire et à répondre à toutes les questions pertinentes liées à l'exactitude ou à l'intégralité des dossiers ou des livres.
     
  3. Si le lieu auquel le directeur général des élections doit avoir accès est une résidence, l'accès à ce lieu devrait uniquement être autorisé sur consentement de l'occupant ou sur présentation d'un mandat ex parte décerné par un juge.
     
  4. Pour assurer l'exactitude ou l'intégralité d'un rapport exigé d'un parti enregistré, d'une association enregistrée, d'un candidat, d'un candidat à l'investiture, d'un candidat à la direction ou d'un tiers, le directeur général des élections devrait pouvoir obliger toute personne, sur avis signifié en personne ou par messagerie, à fournir, dans un délai raisonnable précisé dans l'avis :

    a) toute information ou tout renseignement additionnel, y compris au sujet d'un rapport ou d'un rapport supplémentaire;

    b) tout document.

  5. L'autorisation d'un juge devrait être nécessaire pour imposer l'obligation ci-dessus à quiconque sauf un parti enregistré, une association enregistrée, un candidat, un candidat à l'investiture, un candidat à la direction ou un tiers.
     
  6. Si un document est examiné ou fourni conformément aux dispositions susmentionnées,

    a) la personne qui en fait l'examen ou à laquelle il est fourni, ou tout employé du Bureau du directeur général des élections, devrait pouvoir en produire ou en faire produire une ou plusieurs copies;

    b) tout document certifié par le directeur général des élections ou par un mandataire comme une copie faite conformément à la présente disposition devrait constituer une preuve de la nature et du contenu du document original et devrait avoir la force probante d'une preuve apportée de la façon régulière.

  7. La Loi devrait aussi stipuler qu'il est interdit à toute personne de gêner, déranger ou malmener une personne dans l'exercice des fonctions attribuées en vertu des dispositions ci-dessus et que, sous réserve de toute autre loi, toute personne doit, à moins d'en être incapable, s'acquitter de toutes les exigences de ces dispositions.

Règle générale, le directeur général des élections n'est pas autorisé à recourir à l'examen civil ni au pouvoir d'enquêter pour obtenir des renseignements dans le but de fournir au commissaire aux élections fédérales les moyens d'intenter une poursuite contre un tiers. Leur recours est assujetti aux garanties prévues par la Charte en ce qui a trait au droit de garder le silence ainsi qu'au droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, tel que l'a indiqué la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Jarvis (2002), 219 D.L.R. (4th) 233 (CSC).

4.2 Divulgation du travail bénévole


Un parti enregistré qui reçoit l'allocation trimestrielle prévue à l'article 435.01 de la Loi électorale du Canada devrait être tenu à tout le moins de soumettre, avec le rapport financier annuel décrit à l'alinéa 424(1)a), un état du travail bénévole fourni au parti.

Selon la Loi, le « travail bénévole » fourni à une entité politique réglementée n'est pas une contribution. Le travail bénévole se définit comme suit :

Services fournis sans rémunération par une personne en dehors de ses heures normales de travail, à l'exclusion de ceux qui sont fournis par une personne travaillant à son compte et pour lesquels elle demande habituellement une rémunération60.

La Commission d'enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires (Commission Gomery) a entendu des témoignages selon lesquels un parti enregistré aurait profité du travail à temps plein de « bénévoles » qui étaient en fait rémunérés par un autre organisme au même moment. Ce type d'activité constitue une contribution faite au parti enregistré par l'organisme qui paie le salaire du bénévole. Mais si les partis ne déclarent pas ce travail comme tel, et qu'en plus ils ne sont pas tenus de déclarer le travail bénévole, les stratagèmes de ce genre risquent davantage de passer inaperçus, ce qui contrarie l'application de la Loi.

Afin de brosser un tableau plus précis des contributions qui leurs sont fournies, les partis enregistrés devraient être tenus à tout le moins de fournir l'information nécessaire concernant le travail bénévole qu'ils reçoivent au cours de l'année. Plus particulièrement, le rapport devrait comprendre les nom et adresse des bénévoles.

Cette exigence devrait uniquement s'appliquer aux partis enregistrés qui reçoivent l'allocation trimestrielle prévue à l'article 435.01 de la Loi – ceux qui ont obtenu au moins 2 % du vote à l'échelle nationale ou 5 % du vote dans les circonscriptions où ils ont soutenu un candidat à la dernière élection générale. La divulgation est surtout utile dans le cas de ces partis, car ils sont les plus susceptibles de participer au gouvernement du pays. Comme ils reçoivent une allocation trimestrielle, ces partis peuvent affecter plus de ressources aux tâches liées à des exigences de divulgation un peu plus sévères.

Quant aux candidats, aux petits partis et aux associations enregistrées, ils dépendent presque entièrement de bénévoles. Dans leur cas, le fardeau de faire rapport sur le travail bénévole surpasserait vraisemblablement les avantages de la divulgation.

4.3 Envoi de bulletins parlementaires après la délivrance du bref


La Loi électorale du Canada devrait clairement établir que les bulletins parlementaires envoyés par les députés en période électorale, s'ils ont pour effet de favoriser ou contrecarrer un parti enregistré ou l'élection d'un candidat, constituent de la publicité électorale.

Les bulletins parlementaires envoyés par les députés en période électorale sont une source constante de confusion61.

L'article 319 de la Loi définit la publicité électorale comme la « diffusion, sur un support quelconque au cours de la période électorale, d'un message publicitaire favorisant ou contrecarrant un parti enregistré ou l'élection d'un candidat, notamment par une prise de position sur une question à laquelle est associé un parti enregistré ou un candidat62 ». Ainsi, un bulletin parlementaire de député qui a pour effet de favoriser ou contrecarrer un parti enregistré, la réélection d'un député ou l'élection d'un autre candidat, ou qui prend position sur une question à laquelle est associé un parti enregistré ou un candidat, peut constituer de la publicité électorale s'il est envoyé pendant une élection.

On peut favoriser ou contrecarrer un parti ou un candidat de bien d'autres manières que par des déclarations directes. On peut en effet agir indirectement, en favorisant ou en contrecarrant une position à laquelle le parti ou le candidat est associé, ou parler en bien ou en mal de ses succès ou échecs passés. Ainsi, dans le contexte de la publicité électorale des tiers, le paragraphe 350(2) traite des dépenses faites dans le but de favoriser ou contrecarrer l'élection de candidats, notamment :

a) en les nommant;

b) en montrant leur photographie;

c) en les identifiant par la mention de leur appartenance politique;

d) en prenant une position sur une question à laquelle ils sont particulièrement associés.

Cela dit, le Bureau de régie interne de la Chambre des communes a adopté le 30 mars 2004 une règle selon laquelle tous les députés ayant droit à des envois collectifs peuvent faire imprimer et poster un bulletin parlementaire d'une page dans les 10 jours suivant la dissolution du Parlement, selon le principe du premier arrivé, premier servi63. Tout contenu relié à l'élection est cependant interdit.

Les bulletins parlementaires, lorsqu'ils sont envoyés en période non électorale, établissent un lien utile entre les députés et leurs commettants, contribuent de façon importante à susciter la participation des citoyens au processus politique fédéral, et renseignent efficacement les électeurs sur les travaux de la Chambre. Toutefois, lorsqu'ils sont envoyés après le déclenchement d'une élection et qu'ils favorisent un parti enregistré ou la réélection d'un candidat, de tels envois constituent une forme importante de publicité électorale. Dans ce cas, les bulletins parlementaires qui sont payés à même les deniers publics, s'ils ne sont pas reconnus comme de la publicité électorale, échappant ainsi au plafond des dépenses électorales, donnent aux députés sortants un avantage important qui n'est pas accordé aux autres candidats et aux partis n'ayant aucune représentation à la Chambre des communes.

À chaque scrutin, Élections Canada reçoit plusieurs plaintes de candidats et de citoyens qui considèrent comme injuste la diffusion de bulletins parlementaires en période électorale.

Pour ces raisons, la Loi devrait clairement énoncer que l'envoi d'un bulletin parlementaire par un député en période électorale, s'il a pour effet de favoriser ou de contrecarrer un parti enregistré ou l'élection d'un candidat, notamment par les moyens énumérés au paragraphe 350(2) de la Loi, constitue de la publicité électorale. Cette clarification de la Loi mettrait tous les candidats sur un pied d'égalité quant aux dépenses de publicité électorale.

Comme il est d'usage actuellement, le coût d'un bulletin parlementaire dont la distribution n'est pas sous le contrôle d'un député au moment de la délivrance du bref (par exemple, si le bulletin est entre les mains de Postes Canada à ce moment) ne constituerait pas une dépense électorale.

4.4 Processus de prorogation du délai pour les rapports des candidats


La procédure actuelle de prorogation du délai de présentation des rapports des candidats devrait être remplacée par un processus plus flexible (décrit ci-dessous) qui nécessiterait moins souvent la demande d'une ordonnance pour permettre la présentation d'un rapport tardif ou corrigé.

Aux termes de la Loi électorale du Canada, l'agent officiel d'un candidat doit présenter au directeur général des élections un rapport de campagne électorale exposant les recettes et dépenses de campagne du candidat. Ce rapport doit être accompagné d'un rapport de vérification et d'une déclaration, signée par le candidat et l'agent officiel, attestant que les renseignements sont exacts et complets. Le rapport de campagne doit décrire en détail les dépenses électorales et autres du candidat, les créances impayées et contestées, les contributions reçues, les produits et services fournis, les fonds cédés par le candidat aux autres entités réglementées ou reçues de celles-ci, et les contributions remboursées. Le défaut d'inclure tous ces renseignements n'invalide pas le rapport, mais constitue une infraction.

Ces documents doivent être fournis au directeur général des élections dans les quatre mois suivant le jour du scrutin64.

L'article 458 de la Loi autorise le directeur général des élections à proroger le délai de présentation de ces rapports dans certaines circonstances (inadvertance ou véritable erreur de fait, maladie du candidat, ou absence, décès, maladie ou inconduite de l'agent officiel ou d'un de ses prédécesseurs, mandataires ou employés). La demande de prorogation doit être présentée dans les quatre mois suivant le jour du scrutin.

Lorsque ni le candidat ni l'agent officiel ne demandent de prorogation avant la date limite de production du rapport ou ne réussissent à faire la preuve de l'existence des circonstances ci-dessus, leur seul recours actuellement est de demander à un juge une ordonnance autorisant la prorogation du délai. La Loi précise que cette requête judiciaire doit être déposée dans les quatre mois suivant le jour du scrutin, ou dans les deux semaines suivant l'expiration de ce délai65.

Le directeur général des élections ne peut proroger le délai qu'une fois. Si le rapport ne peut toujours pas être produit avant la nouvelle date limite, le candidat doit demander la seconde prorogation à un juge, dans les deux semaines suivant la date limite prorogée.

La Loi vise à obliger les candidats et leurs agents officiels à déposer leurs rapports rapidement après l'élection. C'est là l'objectif prioritaire de tout le processus. Cet objectif est soutenu par les sanctions imposées à ceux qui ne produisent pas leur rapport dans le délai imparti : les députés élus doivent cesser de siéger et de voter à la Chambre des communes jusqu'à ce qu'ils aient remédié à leur omission66, tandis que les candidats ne peuvent pas toucher le remboursement des dépenses électorales auquel ils sont admissibles67, perdent leur cautionnement de candidature (art. 468) et sont passibles de poursuites68.

Ce processus est lourd, complexe et rigide, et son bien-fondé est d'autant plus douteux qu'on ne connaît aucun cas où un juge a refusé une demande de prorogation69.

Des 1 686 candidats qui devaient présenter un rapport après la 38e élection générale, environ 400 n'ont pas respecté le délai et ont demandé une prorogation, et environ 40 ont respecté le délai mais sans fournir la totalité des quatre documents requis.

Pour diverses raisons, dont le manque d'expérience et l'abondance des renseignements requis dans le rapport, certains candidats ne se rendent pas compte que leur rapport est incomplet avant qu'Élections Canada ne le leur signale. Élections Canada effectue un examen préliminaire du rapport le plus tôt possible après sa réception afin de vérifier s'il est complet et d'aviser le candidat de toute lacune facile à repérer70, mais certains oublis sont parfois constatés bien après la date limite de demande de prorogation71. De même, les candidats ne demandent pas toujours la prorogation nécessaire pour corriger leur rapport lorsqu'ils découvrent des erreurs.

Le processus suivant serait plus flexible et nécessiterait moins souvent le recours aux tribunaux pour permettre la présentation d'un rapport tardif :

  1. Si la demande de prorogation est présentée avant l'expiration du délai de production de quatre mois, le directeur général des élections serait obligé de l'accorder, sauf s'il est convaincu que le demandeur est de mauvaise foi ou tente d'abuser du processus. La demande devrait être accompagnée d'une déclaration justificative, et la présentation d'une déclaration fausse ou trompeuse constituerait une infraction.
     
  2. Une fois le délai de quatre mois expiré, une demande de prorogation pourrait être présentée dans les deux semaines suivantes, mais le directeur général des élections ne pourrait l'autoriser que s'il est convaincu que les circonstances lui donnant lieu ont pour cause une inadvertance ou une véritable erreur de fait, la maladie du candidat, ou l'absence, le décès, la maladie ou l'inconduite de l'agent officiel ou d'un de ses prédécesseurs, mandataires ou employés.
     
  3. Le directeur général des élections pourrait autoriser la production du rapport après le délai de deux semaines suivant le délai initial de quatre mois, si les circonstances donnant lieu au retard ont pour cause une inadvertance ou une véritable erreur de fait, la maladie du candidat, ou l'absence, le décès, la maladie ou l'inconduite de l'agent officiel ou d'un de ses prédécesseurs, mandataires ou employés. Il faudrait alors que la demande de prorogation soit accompagnée d'un chèque payable au receveur général du Canada (et dont le montant pourrait être fixé à 1 000 $).
     
  4. Si le directeur général des élections rejetait une demande de prorogation ou n'autorisait pas la production d'un rapport en retard, cette décision pourrait faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire.
     
  5. Les dispositions actuelles (articles 461 et 462) autorisant le candidat à demander d'être dégagé de toute responsabilité ou conséquence découlant de tout acte accompli par son agent officiel ou de la destruction de documents par force majeure, notamment une inondation ou un incendie, resteraient en vigueur.

Le montant de 1 000 $ proposé comme condition supplémentaire lorsque le directeur général des élections est saisi d'une demande tardive de prorogation est égal à l'amende qui peut être imposée, sur déclaration sommaire de culpabilité, au candidat qui dépose son rapport en retard. Ce montant est aussi comparable à celui qu'il faut actuellement verser en honoraires d'avocats et en frais judiciaires pour présenter une requête en prorogation à un juge.

La procédure de demande de prorogation à un juge serait abolie. Comme on ne connaît aucun exemple de refus concernant ces demandes, ce recours peut apparaître à certains comme un mécanisme judiciaire inutile. Cependant, les candidats dont la demande de prorogation serait refusée par le directeur général des élections pourraient recourir au contrôle judiciaire. Une fois expirés les délais pour la demande de prorogation, le rapport pourrait quand même être produit, à condition d'être accompagné d'un paiement de 1 000 $ et d'une explication du retard.

Les mécanismes actuels de sanction (interdiction de siéger à la Chambre, non-remboursement des dépenses électorales, risque de poursuites) resteraient applicables, à moins que le directeur général des élections accepte la demande de prorogation ou le rapport tardif. Ces mesures continueraient d'inciter les candidats et les agents à produire leurs rapports promptement.

4.5 Subvention pour les honoraires du vérificateur du candidat


Des erreurs de rédaction obscurcissent le sens des articles 466 et 467 de la Loi électorale du Canada. L'article 466 devrait être modifié de façon à préciser expressément que le montant de la subvention pour les honoraires du vérificateur du candidat doit être le montant de ces honoraires, sous réserve d'un minimum de 250 $ et d'un maximum égal au moindre des deux montants suivants : 3 % des dépenses électorales du candidat et 1 500 $.

Depuis que les candidats sont obligés de faire vérifier leur rapport (L.C. 1973-74, ch. 51), la Loi a toujours prévu une subvention minimale pour les frais de vérification72. Il semble qu'en établissant les versions anglaise et française actuelles des articles 466 et 46773, les rédacteurs du projet de loi C-24 (2003) se sont inspirés de la version anglaise de l'article 466 telle qu'elle apparaissait dans le projet de loi C-2 (2000), sans se rendre compte que cette version avait été rédigée incorrectement.

En effet, pris littéralement, l'article 466 stipule que la subvention ne sera versée que si la facture du vérificateur est de 250 $ ou plus, et que son montant sera égal à celui des honoraires, sans dépasser le moindre de 3 % des dépenses électorales du candidat ou de 1 500 $. Selon cette interprétation, aucune subvention ne serait versée aux candidats dont les frais de vérification seraient inférieurs à 250 $ et, peu importe les honoraires du vérificateur, aucune subvention ne serait versée aux candidats qui n'auraient pas eu de dépenses électorales (une subvention minime serait versée aux candidats dont les dépenses électorales seraient minimes). Cette interprétation irait à contresens de l'article 453 et du paragraphe 451(1), qui exigent que les rapports de campagne de tous les candidats soient accompagnés d'un rapport de vérification, peu importe l'ampleur des dépenses électorales du candidat et même s'il n'a aucune dépense.

Ainsi donc, cette interprétation littérale de l'article 466 est clairement erronée : elle est contraire à l'évolution législative de cette subvention ainsi qu'à son objectif.

Élections Canada n'a jamais appliqué l'article 466 au pied de la lettre. Il a plutôt suivi l'approche traditionnelle à l'égard de la subvention, en adoptant une interprétation téléologique conforme aux principes reconnus d'interprétation législative. Selon Élections Canada, les articles 466 et 467 signifient que tout candidat ayant engagé des frais de vérification et ayant produit son rapport de campagne conformément à l'article 451 a droit à une subvention égale aux frais d'honoraires engagés, mais qui ne peut être supérieure au moindre de 3 % des dépenses électorales du candidat ou de 1 500 $, ni être inférieure à 250 $. Élections Canada estime que cette interprétation reflète l'intention du Parlement, et les articles 466 et 467 devraient donc être modifiés pour refléter clairement cette intention.


54 La divulgation favorise également l'application de la Loi dans la mesure où elle peut révéler des violations des dispositions financières de la Loi. Cet aspect est cependant un avantage indirect de la divulgation plutôt qu'un objectif primordial.

55 Par exemple, il arrive qu'un candidat déclare par erreur des dépenses électorales dépassant le plafond prévu par la Loi. Ce type de dépassement constitue une infraction à la Loi. Cependant, il arrive qu'un examen révèle l'inclusion de dépenses non électorales dans le rapport. Ainsi, la vérification des rapports peut favoriser autant le candidat que le public en corrigeant l'impression de conduite répréhensible de la part du candidat.

56 Associations de circonscription enregistrées – par. 403.35(1) et 403.37(1) (contributions ou dépenses supérieures à 5 000 $); candidats à l'investiture – par. 478.23(1) et 478.25(1) (contributions ou dépenses de campagne d'investiture supérieures à 10 000 $); candidats à la direction – par. 435.3(1) et 435.33(1) (contributions ou dépenses de campagne à la direction supérieures à 5 000 $); tiers – par. 360(1) (dépenses de publicité électorale supérieures à 5 000 $).

57 La Loi exige que le vérificateur ait accès, à tout moment convenable, aux documents de l'entité et stipule que le vérificateur peut exiger de l'entité les renseignements et explications qui, à son avis, peuvent être nécessaires à l'établissement de son rapport. Ce pouvoir ne s'applique à personne d'autre que l'entité faisant l'objet d'une vérification. Voir les paragraphes 360(4) (tiers), 403.37(3) (associations de circonscription enregistrées), 426(3) et 430(3) (partis enregistrés), 453(4) (candidats), 435.33(3) (candidats à la direction), et 478.28(3) (candidats à l'investiture). De plus, l'entité qui ne fournit pas au vérificateur les documents demandés ne commet pas une infraction, à moins qu'elle ait eu l'intention de retarder le processus électoral ou d'y faire obstacle (par. 480(1)). Un vérificateur qui estime que les renseignements exigés n'ont pas tous été fournis doit en faire mention dans son rapport; une telle mention retire le droit de l'entité visée au remboursement des dépenses électorales. Par conséquent, ce mécanisme d'application n'a d'effet que pour les entités admissibles à recevoir un remboursement de leurs dépenses électorales.

58 Voir à ce sujet les citations suivantes, tirées des chapitres 5 et 6 du Guide de vérification des comptes d'un candidat à une élection fédérale, publié par l'Institut canadien des comptables agréés :

« Intégralité La Loi n'exige pas que le vérificateur détermine si toutes les opérations financières ont été consignées dans les livres comptables du candidat, car il lui est matériellement impossible d'effectuer une telle vérification. En effet, comme pour la plupart des organismes qui reçoivent des fonds sous forme de dons, il n'est pas possible dans le cas qui nous intéresse de déterminer l'importance des dons qui n'auraient pas été enregistrés. Les biens et services reçus constituant à la fois des contributions et des dépenses, il n'est pas non plus possible de déterminer si toutes les dépenses ont été enregistrées. Toutefois, le vérificateur doit être attentif aux circonstances spécifiques qui l'incitent à penser que l'information contenue dans le compte de campagne électorale est incomplète, par exemple lorsque les dépenses effectuées lors de la campagne excèdent de façon significative les sommes reçues. Dans une telle situation, il est possible que certaines sommes obtenues en argent comptant (à titre de dons ou de prêts) n'aient pas été enregistrées. Le vérificateur devra alors s'enquérir de la provenance de l'argent dépensé. Toutefois, en l'absence de circonstances suspectes, le vérificateur n'est pas tenu d'avoir recours à des procédés visant à déterminer l'intégralité des livres comptables. »

...

« L'utilisation du libellé "le compte présente fidèlement les renseignements contenus dans les livres comptables sur lesquels il est fondé" dans le rapport du vérificateur contribue à éviter de laisser croire que le vérificateur exprime une opinion quant au caractère complet des registres comptables. Comme on l'a vu au chapitre 5, il est matériellement impossible dans ce type de mission de déterminer si tous les revenus et dépenses ont été enregistrés, étant donné qu'une bonne partie des revenus proviennent de dons. Par conséquent, la Loi n'exige pas que le vérificateur exprime une opinion quant au caractère complet du compte de campagne électorale. »

La Loi électorale du Canada cherche à améliorer cet aspect du processus de vérification privée (mais seulement dans le cas des comptes de candidats) en exigeant l'établissement d'une liste de contrôle où sont énumérées les tâches que le vérificateur doit accomplir. Cette liste doit être comprise dans le rapport de vérification (paragraphe 453(2)).

Lorsque le vérificateur détermine, après examen, que les dossiers de comptabilité n'ont pas été convenablement tenus, il doit en faire mention dans son rapport.

59 Parmi les erreurs relevées, certaines sont graves alors que d'autres sont mineures.

60 Article 2.

61 Voir à ce sujet le témoignage du directeur général des élections devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, le 6 décembre 2001.

62 La définition complète de « publicité électorale » est la suivante :

Diffusion, sur un support quelconque au cours de la période électorale, d'un message publicitaire favorisant ou contrecarrant un parti enregistré ou l'élection d'un candidat, notamment par une prise de position sur une question à laquelle est associé un parti enregistré ou un candidat. Il est entendu que ne sont pas considérés comme de la publicité électorale :

a) la diffusion d'éditoriaux, de débats, de discours, de nouvelles, d'entrevues, de chroniques, de commentaires ou de lettres;

b) la promotion ou la distribution, pour une valeur non inférieure à sa valeur commerciale, d'un ouvrage dont la mise en vente avait été planifiée sans égard à la tenue de l'élection;

c) l'envoi d'un document par une personne ou un groupe directement à ses membres, ses actionnaires ou ses employés;

d) la diffusion par un individu, sur une base non commerciale, de ses opinions politiques sur le réseau communément appelé Internet.

63 Le droit aux envois en franchise dans les 10 jours suivant la dissolution du Parlement est aussi prévu, indirectement, à l'article 35 de la Loi sur la Société canadienne des postes :

35. (3) Sous réserve des règlements pris en vertu de l'article 36, les députés peuvent, au cours d'une même année civile, transmettre en franchise à leurs électeurs un maximum de quatre envois d'imprimés sans indication nominative.

(5) La franchise accordée à un député en vertu des paragraphes (2) et (3) court depuis la date où avis de son élection est donné dans la Gazette du Canada par le directeur général des élections jusqu'au dixième jour suivant la date à laquelle il cesse d'être député.

64 Article 451 de la Loi.

65 Article 459.

66 Paragraphe 463(2).

67 Article 465.

68 Alinéas 497(1)u), v), x) et autres.

69 La dépense de temps et d'argent requise pour obtenir une autorisation judiciaire peut être vue comme une sanction de fait et comme un mésusage de ressources judiciaires.

70 Les locaux d'Élections Canada restent ouverts jusqu'à minuit le dernier jour de réception des rapports pour aider les déclarants de dernière heure.

71 Par exemple, on ne réalisera pas toujours sur le coup que la personne qui a signé le rapport du vérificateur n'est pas un vérificateur admissible au titre du paragraphe 85(1) de la Loi. Ce problème pourrait n'être constaté qu'après un examen plus approfondi du rapport, à une date où toutes les possibilités de prorogation sont épuisées.

72 Évolution législative des articles 466 et 467 :

-  L.C. 1973-74, ch. 51, par. 63.1(2) et (3);

-  L.C. 1980-81-82-83, ch. 164, par. 63.1(3.4) à (3.6);

-  L.R.C. 1985, ch. E-2, art. 243 et 244;

-  L.C. 2000, ch. 9, art. 466 et 467 (projet de loi C-2);

-  L.C. 2001, ch. 21, correction d'une autre erreur dans l'art. 467;

-  L.C. 2003, ch. 19, art. 466 et 467 (projet de loi C-24).

73

466. On receipt of the documents referred to in subsection 451(1) and, if it applies, subsection 455(1), including the auditor's report, and a copy of the auditor's invoice for that report in an amount of $250 or more, the Chief Electoral Officer shall provide the Receiver General with a certificate that sets out the amount of the expenses incurred for the audit, up to a maximum of the lesser of 3% of the candidate's election expenses and $1,500.

466. Sur réception des documents visés au paragraphe 451(1) et, le cas échéant, au paragraphe 455(1) et du rapport du vérificateur ainsi que d'une copie de la facture de celui-ci pour le rapport — dans la mesure où elle n'est pas inférieure à 250 $ —, le directeur général des élections transmet au receveur général un certificat indiquant le montant des dépenses engagées pour la vérification, représentant 3 % des dépenses électorales du candidat, jusqu'à concurrence de 1 500 $.

467. On receipt of the certificate, the Receiver General shall pay the amount set out in it to the auditor out of the Consolidated Revenue Fund.

467. Sur réception du certificat, le receveur général paie au vérificateur, sur le Trésor, la somme qui y est précisée.